DIMANCHE 29 - LUNDI 30 MARS 2020 coronavirus| 15
Scénarios flous et arrêts sur image pour le cinéma
Les producteurs et les distributeurs restent les plus fragiles face à la crise sanitaire en cours
C’
était il y a quelques
semaines, avant le
tsunami causé par la
pandémie due au
coronavirus. Au moins trois so-
ciétés historiques du cinéma
étaient déjà à la peine. Le groupe
de Luc Besson, EuropaCorp, per-
clus de dettes, a été croqué, fin fé-
vrier, par son principal créancier,
le fonds new-yorkais Vine Alter-
native Investments. Une coû-
teuse diversification internatio-
nale dans les séries a creusé les
pertes de Gaumont en 2019, tan-
dis que le distributeur et produc-
teur Mars Films est en redresse-
ment judiciaire depuis août 2019.
Le coronavirus apporte son lot
de risques accrus pour les PME
les plus chétives. Depuis le
19 mars, tous les exploitants ont
tiré le rideau, la sortie des films
est reportée sine die par les dis-
tributeurs, et les producteurs as-
sistent, impuissants, à la fin pré-
maturée des tournages.
« Cette crise intervient sur un sec-
teur déjà fragilisé et en accélérera
la mutation », explique Isabelle
Terrel, directrice générale de Na-
tixis Coficiné, le principal orga-
nisme de crédit du cinéma en
France. « Les producteurs sont
déjà pénalisés par la baisse des in-
vestissements des chaînes payan-
tes ou gratuites et des distribu-
teurs depuis deux ans », observe-t-
elle. A ses yeux, « les producteurs
qui ont dû reporter ou arrêter leur
tournage subissent de plein fouet
les effets » de l’épidémie.
Rien qu’à Paris, sept tournages
de films ont été stoppés net.
L’équipe d’ Adieu Monsieur Haff-
mann, produit par Vendôme
Films, a même oublié sur les im-
meubles des rues Berthe et An-
drouet des affiches de propa-
gande allemande et du gouverne-
ment de Vichy... Six autres pro-
ducteurs, Jerico Films, WZ, Aurora
Films, Why Not Productions,
Chapter 2 et Scarlett, ont laissé en
plan leurs longs-métrages. Les
Films du Worso et Mandarin Pro-
duction ont abandonné l’idée de
tourner avant la mi-avril.
Cédés directement en VOD
Les assurances ne fonctionnent
pas, ce qui risque de provoquer
des faillites. Et l’incertitude de-
meure sur la durée d’interruption
des tournages. Leur surcoût dé-
pendra de la suspension de tous
les contrats et de la disponibilité
des acteurs à la reprise... « Sans
compter l’embouteillage dans les
tournages quand tout va repar-
tir », note Michel Gomez, délégué
général de la Mission Cinéma de
la Ville de Paris.
Selon Mme Terrel, « les distribu-
teurs risquent d’être aussi très im-
pactés. La filière est déjà très fra-
gile. L’arrêt brutal de l’exploitation
d’un film en salle ou le report d’une
sortie dont les frais d’édition ont
déjà été engagés (affichage, publi-
cité, etc.) se traduisent par un man-
que à gagner auxquels s’ajoute-
ront des tensions de trésorerie liées
à l’absence de recettes pendant la
fermeture des salles. »
Treize nouveaux films étaient à
l’affiche le 11 mars : leur exploita-
tion a été fauchée après une se-
maine à l’écran. Une catastrophe.
Le distributeur Memento Films
avait ainsi investi 2,5 millions
d’euros dans la comédie de
Martin Provost, La Bonne Epouse.
Le film a réalisé un très joli résul-
tat (plus de 170 000 entrées en
une semaine) dans 606 salles. Et
puis plus rien...
Le risque varie selon les films.
Eric Lagesse, PDG de Pyramide,
avait misé 90 000 euros dans la
sortie modeste (vingt-trois co-
pies) du documentaire Kongo,
d’Hadrien La Vapeur et Corto Va-
clav, salué par la critique. Il pa-
riait, à long terme, sur 20 000 en-
trées. « C’est rude » , dit-il alors que
le film n’en a atteint que 3 000.
Mais le cinéma Les 3 Luxem-
bourg, à Paris, s’est engagé à le re-
programmer.
Après le succès planétaire de Pa-
rasite, de Bong Joon-ho, Manuel
Chiche, président de The Jokers,
qui distribuait Vivarium , de Lor-
can Finnegan, est « en position
d’attente ». Les salles lui ont aussi
promis de reprendre son film. Il a
réalisé 15 000 entrées, mais en vi-
sait 70 000 pour couvrir ses dé-
penses. « Ce sont généralement les
recettes après l’exploitation en
salle qui constituent la marge »,
explique-t-il.
Exception à la règle de la chro-
nologie des médias, ces films
pourront être cédés directement
à des plates-formes de vidéo. Mais
M. Chiche a peur que Vivarium
soit mal exposé et remisé – faute
de notoriété – « au fond du maga-
sin ». En revanche, Monsieur Deli-
gny, vagabond efficace de Richard
Copans, distribué par Shellac, a
opté pour une sortie directement
en ligne sur La Toile VoD, mer-
credi 25 mars.
Et qu’en est-il des salles? Richard
Patry, président de la Fédération
nationale des cinémas français as-
sure, dans Le Film français, que le
contrecoup sera « gigantesque, en
particulier pour ceux qui ont in-
vesti récemment (...) et pour ceux
qui ont un loyer conséquent ».
Mme Terrel tempère ces inquiétu-
des : « L’exploitation est toujours la
première à monter au créneau, et
c’est vrai que cette fermeture bru-
tale est un choc. Mais les mesures
économiques déjà prises, avec la
possibilité de recourir au chômage
partiel pour leurs employés, de bé-
néficier d’une exemption de loyers,
de demander un décalage dans le
temps des échéances de crédits et
d’obtenir de nouveaux crédits ga-
rantis, devraient permettre à la
grande majorité de faire face. »
Car la filière du cinéma bénéfi-
cie déjà de mesures d’urgence
spécifiques, qui s’ajoutent à cel-
les prévues pour toutes les PME.
L’Institut pour le financement
du cinéma et des industries cul-
turelles jouera ainsi son rôle de
garantie auprès des banques et
même « acceptera, sur demande
motivée, la mise en place de fran-
chise de remboursement en capi-
tal sur ses propres prêts ».
De son côté, le Centre national
du cinéma (CNC) a prévu de sou-
lager à court terme la trésorerie
des 1 200 cinémas d’art et essai et
des distributeurs. Il a aussi sus-
pendu le paiement, en mars, de la
taxe sur les billets et autorisé
l’utilisation par anticipation du
fonds de soutien. Cependant, les
problèmes pourraient se corser à
plus long terme.
Paradoxalement, c’est le CNC
qui sera confronté, fin mai, à un
gros trou de trésorerie, évalué en-
tre 50 millions et 60 millions
d’euros, en raison du manque à
gagner concernant cette taxe sur
les billets de cinéma et de la chute
en piqué des recettes publicitai-
res des chaînes de télé. L’arroseur
arrosé...p
nicole vulser
Les assurances
ne fonctionnent
pas, ce qui
risque de
provoquer
des faillites
La saison de la coquille Saint-Jac-
ques s’est terminée en queue de
poisson. Depuis l’annonce des
mesures de confinement liées à
la pandémie due au coronavirus,
le 17 mars, le marché des pro-
duits de la mer a coulé à pic. Fini
les bancs d’écailler des brasseries
et les pêches du jour de turbot,
lotte ou sole au menu des restau-
rants. Tous les établissements
ont baissé le rideau. Fermer le
ban. Nouvelle déconvenue avec
l’interdiction, édictée mardi
24 mars, sur tout le territoire na-
tional, des marchés forains avec
leurs étals de poissonnerie.
Restent les supermarchés. Mais
dans leurs achats paniques, les
Français ont choisi de remplir
leurs paniers de pâtes et de pa-
pier toilette. Pas de place pour le
poisson. Sauf sous sa forme con-
finée, en conserve ou surgelée.
Une véritable douche froide pour
les pêcheurs. En Normandie, les
bateaux ramenant les coquilles
Saint-Jacques ont donc cessé leur
activité avec un temps d’avance.
De la baie de Granville dans la
Manche à d’autres ports côtiers
normands, le mot d’ordre est
lancé : pliez les gaules. Même si,
officiellement, les filons au large
auraient pu encore être exploités
jusqu’à la mi-mai, les pêcheurs
rentrent dans leur coquille.
Toutefois, comme le souligne
Arnauld Manner, directeur de
Normandie Fraîcheur Mer, « cela
a été une très bonne année pour la
saint-jacques, sans atteindre les
volumes historiques de 2019, à
30 000 ou 40 000 tonnes, on de-
vrait se situer plutôt autour des
20 000 à 25 000 tonnes ». Des
chiffres qu’il faudra affiner à
l’heure du bilan. Autre motif de
satisfaction, « les prix ont été sou-
tenus à plus de 3 euros le kilo jus-
qu’aux fêtes de fin d’année »,
ajoute M. Manner, même si, de-
puis le début de 2020, ils avaient
tendance à glisser, en perdant
50 centimes du kilo.
La saison du bulot commence
Cette semaine, où l’essentiel de la
flottille normande est à quai,
quelques bulotiers sont partis au
turbin. Et pour cause. La saison
du bulot commence. Surtout, le
coquillage est livré à la grande
distribution, cuit aux petits
oignons. De quoi le garder de
nombreux jours en rayon ou
dans le réfrigérateur du client. Le
bulot est un dur à cuire. Seule in-
quiétude, le prix. Il a baissé de
plus d’un tiers en une semaine.
Au risque de descendre au-des-
sous de la ligne de flottaison de la
rentabilité, et donc de décourager
les pêcheurs.
Depuis quelques jours, alors que
les associations professionnelles
des pêches françaises tirent la
sonnette d’alarme, les discus-
sions sont engagées avec les en-
seignes de distribution. L’enjeu :
remettre coquillages et poissons
frais – sardines, merlans, julien-
nes ou maquereaux – en rayon. Et
inciter les Français à varier leurs
menus de confinement.
Carrefour, Casino ou Intermar-
ché ont déjà affirmé leurs engage-
ments. De son côté, le ministre de
l’agriculture, Didier Guillaume, a
annoncé, mercredi 25 mars, avoir
discuté avec ses homologues
européens pour demander l’acti-
vation des mesures d’aide aux ar-
rêts temporaires des navires. En
espérant que le creux de la vague
ne durera pas trop longtemps...p
MATIÈRES PREMIÈRES
PAR LAURENCE GIRARD
Les pêcheurs
rentrent dans leur coquille
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