Libération - 23.03.2020

(National Geographic (Little) Kids) #1

10 u Libération Lundi^23 Mars 2020


des conditions de sécurité sanitaire
insuffisantes.

«Il était temps»
Le secrétaire du puissant syndicat
CGIL, Maurizio Landini, a plaidé
pour une suspension de la produc-
tion sur tout le territoire pour «évi-
ter que la peur ne se transforme en
colère» et freiner la contamination.
Le patronat aurait préféré une sus-
pension plus articulée en fonction
des zones de contagion mais au
bout du compte, l’option la plus ra-
dicale l’a emporté. «Il était temps»,
ont commenté la plupart des lea-
ders de l’opposition.
Les experts ne sont pas en mesure
de pronostiquer à quelle date le con-
finement commencera à produire
ses effets. Les autorités sanitaires
notent que plus de 7 000 personnes
sur 60 0000 cas ont guéri et que
dans la province de Lodi, en quaran-
taine dès le 21 février, avec interdic-
tion absolue de sortir de chez soi, le
nombre de personnes contaminées
est en très nette diminution. Mattia,
le patient numéro 1 de Codogno, est
rentré chez lui. «Il ne faut pas se lais-
ser aller à un enthousiasme exagéré
ni surinterpréter» le bilan de diman-
che, à la baisse, mais «c’est un signe
que nous accueillons de façon posi-
tive» a indiqué Franco Locatelli, un
responsable des autorités sanitaires,
«surtout parce qu’il arrive à un mo-
ment où nous nous attendions à
avoir des signes tangibles de l’effica-
cité des mesures de confinement».
Une partie de la presse commence
toutefois à s’interroger sur la straté-
gie du pouvoir. «Il faut se demander
si la tactique antivirus peut être
améliorée en prenant exemple sur
qui, à l’instar de la Corée du Sud, a
eu recours à une combinaison entre
davantage de tests et une technologie
intrusive pour surveiller les contami-
nés», avance notamment la Stampa,
qui révèle que le gouvernement au-
rait pris contact avec Séoul pour en-
visager d’autres solutions.•

l’OMS. En attendant, le gouverne-
ment a préféré renforcer les mesu-
res. Giuseppe Conte a tergiversé
avant de bloquer presque toutes les
activités économiques. C’est au
terme d’une réunion de trois heu-
res avec les partenaires sociaux que
le président du Conseil a finale-
ment tranché et décidé de «ralentir
le moteur économique du pays»
alors que des entreprises avaient
déjà décidé de suspendre leurs acti-
vités et que dans différentes usines
des grèves spontanées étaient ap-
parues, les travailleurs dénonçant

évènement


U


n seul exemple pour montrer l’effica-
cité du confinement total doublé d’un
dépistage systématique du Covid-19?
Vo’Euganeo. La première victime italienne du
coronavirus était originaire de ce bourg de la
province de Padoue en Vénétie. Agé de 78 ans,
Adriano Trevisan s’est éteint le soir du 21 jan-
vier dans un hôpital proche de Padoue.
Ce maçon à la retraite est le premier mort du
coronavirus en Europe. Deux jours plus tard,
les 3 300 habitants de Vo’Euganeo sont mis
en quarantaine, confinés dans une zone
rouge, comparable à celle qui se mettait en
place autour de dix ­autres communes. La
mort d’Adriano Trevisan puis les chiffres qui
grandissaient de manière exponentielle en
Lombardie voisine ont poussé Rome à pren-

A Vo’Euganeo, dans le nord de l’Italie, fin février. Photo michele galvan. ANSA. ABACA

La bourgade de Vénétie,
d’où était originaire la première
victime italienne du Covid-19,
a mis en place avec succès
un dépistage obligatoire
et un confinement strict.

dre alors les premières mesures radicales
dans ces foyers épidé­miques, dans l’espoir de
freiner la maladie. Certes, un peu partout
dans les communes confinées du
nord de l’Italie, des tests de dépis-
tage sont réalisés dès les pre-
miers jours de l’apparition du
Covid-19. Mais à Vo’Euga-
neo, le test est obligatoire.
Dès les premiers jours qui
suivent la mise en quaran-
taine, pas une seule per-
sonne n’a pu s’y soustraire. A
Vo’ et ailleurs, certains méde-
cins jugent alors la mesure exagé-
rée. D’autres n’hésitent pas à remet-
tre en cause une supposée efficacité.
Qu’importe. Avec le soutien et l’accord des
autorités vénitiennes, les élus décident de
tester tous les habitants du bourg.

Dépistage. Il y a une semaine, lors d’une
conférence de presse, le président de la région
de Vénétie, Luca Zaia, expliquait les raisons
de ce succès : «A Vo’, nous avons testé tout le
monde et désormais, Vo’ est l’endroit le plus

sain d’Italie. C’est bien la preuve que le système
des tests fonctionne.» La population sera
même soumise une seconde fois au fameux
test. Près d’un mois après le
début du confinement de
Vo’, le reflux a commencé
depuis une semaine. Fin fé-
vrier, lors de la première sé-
rie de tests, la commune
comptait 88 personnes por-
teuses du virus, et plus de la
moitié – dont­ de nombreux
jeunes – ne présentait aucuns
symptômes de la maladie. Tou-
tes ont été isolées pendant qua-
torze jours. Depuis six jours, plus un
seul cas de contagion n’y a été enregistré. Et
sur les 88 personnes porteuses du Covid-19 et
placées à l’isolement, seules 7 sont encore
malades.
Aujourd’hui, ce bourg du nord de l’Italie sem-
ble être sorti d’affaire. A l’instar de Luca Zaia,
nombre de responsables politiques de la ré-
gion plaident aujourd’hui pour qu’un grand
plan de dépistage soit réalisé à l’échelle de la
région. Le cas de Vo’ est d’autant plus intéres-

sant que les délais de guérison des malades
ont été rapides. Dix jours en moyenne selon
les déclarations du professeur Sergio Roma-
gnani, virologue à la faculté de Florence.

Modèle. Laboratoire à ciel ouvert, Vo’
­confirme que la voie sud-coréenne alliant un
usage systématique des tests et des confine-
ments est la plus efficace. La Corée du Sud est
le premier pays à avoir été touché massive-
ment après la Chine, et pourtant elle a réussi
à­ ­contenir le coronavirus sans même avoir eu
à confiner sa population. Pour faire face à
l’épidémie grandissante dans le pays, les au-
torités ont utilisé tous les moyens technolo­-
giques à leur disposition pour repérer les gens
au stade précoce de la maladie. Plus de
250 000 tests ont été réalisés sur toutes les
personnes qui présentent des symptômes de
la maladie. Le cas Vo’Euganeo est lui aussi
considéré comme un modèle. «L’isolement de
ces personnes a été essentiel pour réussir à
­contrôler la diffusion du virus, insiste le pro-
fesseur Sergio Romagnani. Car elles étaient
une formidable source de contagion.»
Vittorio de Filippis

Vo’Euganeo, laboratoire de la quarantaine


100 km

Rome

FRANCE

SUISSE

ITALIE ALB.

AUTRICHE

ALL.

Mer
Tyrrhénienne

Mer

Méditerranée

Mer Adriatique

Mer
Palerme Ionienne

SARDAIGNE

SICILE

Vo' Euganeo

des signes de
fièvre et d’autres symptômes», cons-
tate un avocat de Brescia. Il n’en
reste pas moins que la Lombardie
reste pour l’heure une triste excep-
tion. Dans la Valseriana, une vallée
de la province de Bergame, le nom-
bre de morts est sept fois plus élevé
qu’au mois de mars 2019. Le prési-
dent de l’association des maires ita-
liens a demandé à ce que les ambu-
lances n’utilisent plus leurs sirènes
car dans certaines villes désertes,
c’est le seul bruit angoissant qu’en-
tendent les habitants.

Suite de la page 8 encore une campagne «Bergamo is
running» pour rassurer ses parte-
naires économiques – ne permet-
tent pas encore de déterminer avec
certitude et de manière définitive
pour quelles raisons la Lombardie
serait plus touchée que les autres
provinces industrielles du nord du
pays. «C’est une question qui nous
tourmente. Pour l’instant, nous
n’avons pas de réponse certaine : il
est probable qu’il y a une combinai-
son de facteurs qui ont créé les con-
ditions parfaites», admet Richard
Pebody, l’un des responsables de

La composition de la population
italienne particulièrement âgée et
les habitudes familiales de la pénin-
sule où les générations sont plus
proches que dans d’autres pays
pourraient avoir contribué à la dif-
fusion du virus. De même que les
pratiques sanitaires (lire page 9).

Grèves spontanées
Néanmoins, ces explications,
comme le facteur de la pollution ou
les retards pris dans certaines villes


  • en particulier à Bergame où
    le 28 février le patronat local lançait


Monde

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