6 u Libération Lundi^23 Mars 2020
L’expérience chinoise est décisive :
ce pays de plus de 1,4 milliard d’ha-
bitants, composé de nombreuses
provinces et territoires dont chacun
est d’une taille comparable à celle
des grands pays européens, nous
indique que l’épidémie y a été
maîtrisée partout, et cela depuis
maintenant plusieurs
semaines. Cela est
d’autant plus intéres-
sant que l’on note que
ce pays a, en fait,
connu deux situations
distinctes, chargées
d ’e n s e i g n e m e n t s :
d’une part, celle de la
province du Hubei, de
près de 60 millions
d’habitants, qui a été
l’épicentre de l’épidémie où tout
semble-t-il a commencé et, d’autre
part, celle des autres provinces et
territoires, y compris Hongkong. Or
environ 3 150 des décès rapportés
en Chine sont survenus dans le
Hubei (soit 1 résident sur 20 000
de cette province) et, à la date
du 19 mars, environ 120 ont été dé-
clarés dans le reste du pays (1 rési-
dent sur 10 millions !). Même en
imaginant une sous-déclaration
importante de la mortalité, la Chine
a endigué l’épidémie.
Qu’est-ce qui a marché?
Deux choses, car il n’y a pas que
le confinement même très sévère
qui a été mis en avant.
Il y a aussi ce que j’ap-
pelle un «micromana-
gement local», systé-
matique, c’est-à-dire
la recherche de toute
personne infectée ou
malade, et ensuite son
isolement. Ils ont mis
les moyens : il y avait
dans la région de Wu-
han près de 10 000 épi-
démiologistes, formant quelque
1 800 équipes de 5 personnes, qui
enquêtaient à chaque fois qu’il y
avait un cas et l’isolait. Tout cela a
été décrit précisément dans le rap-
port de l’OMS du 28 février, mon-
trant du même coup que l’on peut
arrêter ainsi l’épidémie. On peut
dire que le coût est lourd, contrai-
Interview
DR
L
e professeur Lucien Abenhaim
est un épidémiologiste re-
nommé, longtemps directeur
du Centre d’épidémiologie clinique
et de recherches en santé publique
de l’hôpital général de Montréal.
Entre 1999 et 2003, c’est-à-dire
entre autres pendant la canicule de
l’été 2003, il a été directeur général
de la Santé en France, avant de pour-
suivre sa carrière internationale. Il
vit désormais à Londres.
Le confinement, ça marche,
dites-vous...
Je dis surtout que l’idée qu’il n’y au-
rait rien à faire est inexacte. L’exem-
ple chinois, mais aussi celui du Ja-
pon ou de la Corée du Sud, montre
que l’on peut arrêter l’épidémie.
«L’exemple
chinois
montre
qu’on peut
arrêter
l’épidémie»
Pour l’épidémiologiste
et ancien directeur
général de la Santé
Lucien Abenhaim,
le volontarisme
de Pékin face au virus
a été décisif et doit
servir d’exemple.
Evenement France