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FRANCE
MERCREDI 11 MARS 2020
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A Paris, le bal des alliances a déjà commencé
Avec l’éclatement des forces politiques dans la capitale, l’entredeuxtours des élections municipales sera décisif
Rassemblée autour de Rachida Dati, la droite se prend à y croire
La candidate Les Républicains à la Mairie de Paris a reçu le soutien des figures du parti, jusqu’à Nicolas Sarkozy, lundi soir, Salle Gaveau
I
ls sont arrivés bien en avance
pour pouvoir entrer. Hors de
question d’être le 901e. Celui
que – consignes contre le corona
virus obligent – la sécurité ne lais
sera pas rentrer, en ce lundi
9 mars au soir, écouter Nicolas
Sarkozy chanter les louanges de
Rachida Dati, Salle Gaveau, dans
le 8e arrondissement de Paris. Ser
rés les uns contre les autres le
long de la rue de La Boétie, mili
tants et curieux ont joué des cou
des pour assister au point d’orgue
de la campagne de la maire du
7 e arrondissement dans sa course
pour l’Hôtel de ville. Un meeting
comme il n’y en a plus beaucoup
à droite, où tout un aréopage de
ténors du parti Les Républicains
(LR) a fait le déplacement.
Outre Nicolas Sarkozy, Rachida
Dati a pu compter, lundi, sur le
soutien, entre autres, du prési
dent du Sénat, Gérard Larcher, du
patron des élus LR au palais du
Luxembourg, Bruno Retailleau,
mais aussi bien sûr de Christian
Jacob, aujourd’hui à la tête du
parti. Le maire de Meaux et an
cien ministre du budget, Jean
François Copé, ainsi qu’Henri
Guaino, ancienne plume de Nico
las Sarkozy, ont fait le déplace
ment. Renaud Muselier, prési
dent de la région Sud, longtemps
accusé d’alimenter les divisions à
Marseille, était lui aussi présent.
La crise sanitaire? C’est impor
tant, mais « la vie démocratique
doit continuer », explique Henri
Guaino, qui a fait le déplacement
« par amitié ». Premier à prendre
la parole, Christian Jacob s’est
d’ailleurs dit « ravi » que les pré
sents aient « bravé le coronavi
rus ». « Je vais vous parler de
Rachida Dati, de cette élue qui n’a
jamais pris les chemins de traverse
à l’égard de sa famille politique »,
a ensuite tonné le président du
parti, qui a vanté une campagne
« sans compromis ni compromis
sion », « construite sur nos valeurs
et nos idées ».
Très attendu, Nicolas Sarkozy est
monté sur scène un peu plus tard
dans la soirée aux côtés de Rachida
Dati, pour une intervention qui
n’a duré que sept minutes. Loin du
pupitre, l’air détendu, l’ancien pré
sident a précisé n’avoir demandé
« l’autorisation de personne pour
venir », probablement une réfé
rence à un écho du Journal du
dimanche expliquant que
M. Sarkozy aurait prévenu le chef
de l’Etat de sa venue ce lundi soir.
« J’ai voulu être ici parce que c’est un
moment politique important », a
til poursuivi, avant de louer la « fi
délité » de la candidate. En politi
que, « quelqu’un de fidèle, c’est un
truc énorme, une maladie extrême
ment rare », a plaisanté M. Sarkozy.
« Dynamique »
Tout sourire, l’ancien président
s’est réjoui de la situation favora
ble dans les sondages de son an
cienne garde des Sceaux : « Ça me
fait plaisir de voir ce succès et cette
dynamique, ça me fait plaisir pour
la France et pour la droite républi
caine. » En fin connaisseur de sa
famille politique, il a ensuite plai
santé sur le rassemblement des
ténors de la droite autour de la
maire du 7e : « Peu de gens
croyaient en toi au début, j’aime
mieux qu’ils soient peu nombreux
au début et immenses à l’arrivée
que le contraire. »
Saisissant la balle au bond, la
candidate a commencé son allo
cution en remerciant les pré
sents. Une litanie de noms et de
soutiens, avant la suite d’un dis
cours offensif contre ses deux
principales concurrentes.
S’ils étaient tous là ce soir, c’est
qu’ils se surprennent, à six jours
du premier tour du scrutin, à y
croire. La droite, donnée à 10 % au
mois d’octobre 2019, est en effet
aujourd’hui au coudeàcoude
avec Anne Hidalgo, la maire socia
liste de la capitale. La devançant
même dans certains sondages.
« Ça commence à mordre », se ré
jouit Renaud Muselier. « Il n’a y a
pas si longtemps, nous faisions
10 %, aujourd’hui nous sommes le
recours », rappelle Frédéric Péche
nard, pour qui la victoire est « at
teignable » à Paris. Par consé
quent, « ça vaut le coup de se don
ner de la peine et de jeter toutes
nos forces dans la bataille », pour
suit l’ancien directeur général de
la police nationale.
Pour Bruno Retailleau, Rachida
Dati a su « trouver sa place » entre
Anne Hidalgo et Agnès Buzyn. Il
y a dans ces élections « le goût de
l’espérance et de la victoire », se
lon le sénateur de Vendée. Car
tous veulent y croire : même si
elle perd Paris, la droite montre,
selon eux, ses premiers signes de
guérison.
sarah belouezzane
Les
principaux
candidats tête
de liste aux
municipales
à Paris, sur
le plateau
de LCI, à
Boulogne
Billancourt
(Hautsde
Seine),
le 4 mars.
JEAN-CLAUDE
COUTAUSSE
POUR « LE MONDE »
« Il devrait y avoir
des triangulaires
dans presque
tous les
arrondissements
au second tour »,
anticipe un cadre
de LRM
teurs ailleurs? Ces derniers jours,
le dissident avait prévu à deux
reprises de clarifier sa position,
avant de renoncer. Signe sans
doute de dissensions au sein de
ses partisans. « Je ferai tout pour
maintenir notre indépendance »,
atil écrit dans une lettre publi
que dévoilée dimanche.
Les écologistes rêvaient eux
aussi d’arriver en tête et d’inven
ter une nouvelle alliance incluant
Cédric Villani. Mais les sondages
les placent avec constance en
quatrième position, et Villani
plus bas encore. Anne Hidalgo et
son équipe s’attendent donc à ce
qu’au soir du premier tour David
Belliard et ses troupes viennent à
la table des discussions. Comme
en 2001, en 2008 et en 2014. Des
contacts préliminaires ont déjà
eu lieu. Mais, compte tenu des
ambitions des Verts, il faudra une
bonne dose de café pour aboutir à
un accord.
denis cosnard
Donnée à 10 %
en octobre 2019,
la droite
est aujourd’hui
au coude-à-
coude avec Anne
Hidalgo
L
e premier tour n’a pas eu
lieu mais, à Paris, les can
didats aux municipales
ont déjà les yeux rivés sur
la suite : deux journées de tracta
tions intenses avant le dépôt des
listes pour le second tour. Entre
dimanche 15 au soir et mardi
17 mars à 18 heures, le moment
sera à la négociation. Peu de som
meil, beaucoup de café, pour
aboutir à des alliances... ou non.
Les candidats qui ne sont pas ar
rivés parmi les deux premiers
peuvent abandonner la compéti
tion, mais aussi fusionner avec
une autre liste, pour peu qu’ils
aient recueilli plus de 5 % de suf
frages, ou se maintenir au second
tour, s’ils ont franchi la barre des
10 %. Et, à ce stade, nombre d’en
tre eux semblent déterminés. Ré
sultat, « il devrait y avoir des trian
gulaires dans pratiquement tous
les arrondissements au second
tour, et peutêtre même des qua
drangulaires dans certains », anti
cipe un cadre de La République en
marche (LRM). « Oui, on se prépare
à de nombreuses triangulaires »,
confirme JeanLouis Missika, un
lieutenant de la maire sortante
Anne Hidalgo.
Lors des municipales précéden
tes, la situation était assez simple.
Au soir du premier tour, la droite
se rassemblait derrière son candi
dat, la gauche et les écologistes
derrière le leur. Françoise de Pa
nafieu contre Bertrand Delanoë
en 2008. Nathalie KosciuskoMo
rizet contre Anne Hidalgo
en 2014. Cette foisci, le jeu pour
rait se révéler beaucoup plus
complexe. Une conséquence, no
tamment, du bouleversement
provoqué en 2017 par l’élection
d’Emmanuel Macron. Avec l’essor
de LRM, l’éclatement des forces
politiques a suscité de nombreu
ses ambitions et autorise, sur le
papier, de multiples combinai
sons : un front antiHidalgo, un
regroupement central autour de
LRM, une « coalition climat »...
Au fil des semaines, deux candi
dates ont pris l’ascendant dans la
campagne, la socialiste Anne Hi
dalgo et Rachida Dati (Les Répu
blicains). Avec respectivement
26 % et 23 % des intentions de vote
selon un sondage Ipsos dévoilé
mardi 10 mars par Franceinfo, el
les devraient arriver en tête dans
une grande partie des dixsept ar
rondissements, donc dominer la
compétition finale. Mais que fe
ront les autres grandes listes?
Agnès Buzyn, la candidate offi
cielle choisie par Emmanuel Ma
cron pour Paris, a semé le trouble,
samedi. Interrogée sur un rappro
chement avec Rachida Dati, l’ex
ministre de la santé a affirmé sur
BFMParis qu’elle ne ferait « pas
d’alliance d’appareils » au second
tour, tout en ouvrant la porte à
des accords locaux : « Il y aura, par
arrondissement, des discussions
avec ceux qui veulent me rejoindre
sur un projet. »
« Calmer le jeu »
Il n’en fallait pas plus pour créer
l’inquiétude à gauche. Assez im
populaire, Anne Hidalgo ne peut
en effet être réélue que si ses ad
versaires restent divisés. Qu’il
soit négocié globalement ou par
arrondissement, un front com
mun BuzynDati contre Anne
Hidalgo changerait la donne.
« Cela nous mettrait en risque »,
reconnaît Emmanuel Grégoire, le
directeur de campagne de la
maire socialiste.
La perspective d’accords avec LR
a aussi provoqué des remous au
sein de LRM. S’allier à un parti qui
est hostile à Emmanuel Macron
et vient de déposer une motion
de censure contre le gouverne
ment? Pas question, pour l’aile
gauche des macronistes. « Je ne fe
rai pas la campagne de Rachida
Dati, a juré la secrétaire d’Etat
chargée de l’égalité entre les fem
mes et les hommes, Marlène
Schiappa, sur BFMTV. Je préfère
perdre une élection plutôt que per
dre mes valeurs. »
Devant ces tensions qui ris
quaient de déchirer son parti,
« Emmanuel Macron a décidé de
calmer le jeu », explique un obser
vateur de la campagne. Agnès
Buzyn a corrigé le tir dimanche
soir. Il n’y aura pas d’alliance avec
Rachida Dati, qui représente
« une voie sans issue », « n’a même
pas réussi à rassembler au sein de
son propre camp et n’a toujours
pas présenté de projet concret et
financé », atelle affirmé dans un
communiqué. En pratique,
Agnès Buzyn, créditée de 19 % des
intentions de vote par Ipsos,
devrait donc maintenir ses listes
dans tous les arrondissements
où elle le pourra. Elle ne compte
soutenir aucun des candidats de
Rachida Dati, qui l’a d’ailleurs
qualifiée, lundi soir, de « candi
date nommée pour boucher un
trou et qui semble se demander
tous les jours ce qu’elle est venue
faire dans cette galère ». L’an
cienne ministre de la santé ne
désespère pas, en revanche, d’ob
tenir ellemême quelques rallie
ments. Ceux de candidats pré
sentés dans trois arrondisse
ments par Valérie Pécresse, et de
dissidents de LR, par exemple. Et
surtout celui du macroniste
Cédric Villani.
Avec seulement 7 % des inten
tions de vote, selon Ipsos, le ma
thématicien ne paraît plus en me
sure de jouer les premiers rôles,
même en se rapprochant des éco
logistes dans le cadre de la « coali
tion climat » ébauchée en décem
bre 2019. Son ralliement consti
tuerait néanmoins un atout poli
tique précieux pour Agnès Buzyn
comme Anne Hidalgo. Les deux
candidates ne cessent de lui en
voyer des messages en ce sens.
Clarifier sa position
L’une d’elles auratelle sa préfé
rence? Le député de l’Essonne ex
clu de LRM préféreratil se main
tenir là où il le pourra et ne pas
donner de consigne à ses élec