Le Monde - 11.03.2020

(avery) #1

6 |


PLANÈTE


MERCREDI 11 MARS 2020

0123


Vanuatu

Chine

Russie

Etats-Unis

Australie

Madagascar

Botswana

Mauritanie

Sierra Leone

Roumanie

Arabie
saoudite

Oman

Somalie

Ile Maurice

Seychelles

Maldives

Commores

Kazakhstan
Tadjikistan

Bangladesh
Singapour

Indonésie

Paraguay

Panama

Belize
Guatemala
El Salvador

Hongkong

Macao
Barheïn

Koweït

Malaisie

E.A.U.

Liban

QatarQatar

Philippines

Inde

Azerbaïdjan

Egypte

Arménie

Nouvelle-Zélande

Sri Lanka

Corée
Turquie du Nord

Hongrie
Italie

Bahamas

Sainte-Lucie

Bermudes
Iles Caïmans

Fidji

Polynésie française

Grenade

Jamaïque

Nauru

Kosovo
Kirghizistan

Iles Marshall

Micronésie

Birmanie

Nouvelle-Calédonie

Niué

Palau

Papaousie-
Nouvelle
Guinée

Pologne

Samoa

Îles Salomon

Saint-Vincent
et-les-Grenadines

Tonga

Kiribati
Trinité-
et-Tobago

Moldavie

Aruba

République
tchèque

Canada

Océan
Pacique

Océan
Indien

Océan
Atlantique

Chine Japon

Corée du Sud

Thaïlande

Russie

Etats-Unis

Canada

France

Egypte
Singapour

Népal

Philippines

Malaisie

Roy.-Uni

Italie

Bahreïn

Macao

Hongkong

Australie

Islande

Iles Féroé

Cameroun

Sénégal Nigéria
Togo

Afrique du Sud

Algérie Malte
Inde

Maldives

Nouvelle-Zélande

Martinique
Guyane
française

République
dominicaine

Costa Rica

Chili

Brésil

Propagation mondiale de l’épidémie du coronavirus (au 9 mars)

Au 26 février Au 8 mars

Cas de contamination locale Contamination par des cas importés

Principales mesures au 9 mars

Le 21 janvier : le premier bulletin quotidien de l’OMS

Des restrictions de circulation de plus en plus nombreuses


Sources : Organisation mondiale de la santé, compilation Le Monde Infographie Le Monde

Frontières fermées

Entrée interdite pour les
passagers en provenance
ou ayant transité par une ou
plusieurs zones contaminées
(Chine, Iran, Italie...)
Mise en quarantaine des
passagers en provenance
ou ayant transité par une ou
plusieurs zones contaminées
Contrôle sanitaire
ou déclaration à l’arrivée
dans le pays
Restriction de circulation à
l’intérieur du pays
Suspension des visas en
cours de validité, n de
l’exemption de visas
Interdiction de voyager
dans les zones contaminées
pour les ressortissants

XX

Virus : toute l’Italie en « zone rouge »

Les habitants sont appelés à rester chez eux, alors que le système de santé est au bord de l’effondrement


rome ­ correspondant,

L


a Péninsule ne sera pas
longtemps restée coupée
en deux. Moins de qua­
rante­huit heures après la
mise en place de mesures de confi­
nement des habitants de la Lom­
bardie, ainsi que de quatorze pro­
vinces du nord de la Péninsule, le
président du conseil italien, Giu­
seppe Conte, a annoncé lundi
9 mars au soir, depuis la salle de
presse du Palais Chigi et dans une
ambiance d’extrême gravité, la gé­
néralisation des restrictions à l’en­
semble du pays, jusqu’au 3 avril :
« Nous allons tous devoir renoncer
à quelque chose », a­t­il prévenu,
avant d’annoncer cette mesure
sans précédent, en temps de paix,
dans une société démocratique.
Aucune fuite dans la presse, cette
fois, et pas l’ombre d’une déclara­
tion politique dissonante à l’hori­
zon : l’heure est à l’unité nationale.
Le changement d’ambiance, en
quelques heures, est saisissant. A

compter de mardi matin, ce sont
donc 60 millions de personnes qui
sont invitées à restreindre le plus
possible leurs mouvements, et
tous les rassemblements sportifs
ou culturels qui sont annulés. Les
théâtres, cinémas et salles de spec­
tacles sont fermés, de même que
les musées, les églises, les piscines
et les salles de sport. Les compéti­
tions sportives, même celles qui se
déroulent en plein air, sont égale­
ment suspendues. Même le sacro­
saint championnat de football de
Serie A, dont les matches devaient
initialement se dérouler à huis
clos, est à l’arrêt jusqu’au 3 avril.

« Soins intensifs dans le couloir »
Depuis Rome, qui semblait dès
l’après­midi de lundi comme vidé
de ses habitants, ce nouveau train
de mesures semblait inévitable.
Du reste, les cafés et restaurants,
qui devront désormais fermer à
18 heures, étaient tellement vides
que la distance de sécurité d’un
mètre entre chaque client était res­

pectée sans difficulté. Cela n’a pas
empêché pour autant, dans tout le
pays, dès la fin de soirée, la ruée
vers les supermarchés encore
ouverts de nuit.
Certes, les magasins d’alimenta­
tion ne sont pas concernés par les
restrictions, et il restera possible
dans tout le pays de se déplacer
« pour des raisons professionnelles
avérées, des situations de nécessité
ou des raisons sanitaires », si l’on
est muni d’un certificat téléchar­
geable sur Internet. Mais l’heure
n’est plus à l’insouciance et aux
plaisanteries. Le mot d’ordre, ré­
pété sur tous les tons, tient en
quelques mots : « Io sto a casa »
(« Je reste à la maison »).
Avec plus de 1 800 cas supplé­
mentaires diagnostiqués en vingt­
quatre heures, soit plus de
9 000 tests positifs et 97 morts, ce
qui porte le nombre de décès à 463,
le système sanitaire italien me­
nace de s’effondrer. Le nombre de
nouveaux cas croît de 25 % à 30 %
par jour, à un rythme très supé­
rieur aux nouveaux moyens mo­
bilisables. Cette aggravation sem­

ble justifier, à elle seule, les mesu­
res d’urgence annoncées lundi.
Le cœur de la crise se situe en
Lombardie (5 500 cas diagnosti­
qués, dont près de 1 300 nouveaux
entre dimanche et lundi). Même si,
dans cette région, à la fois la plus
peuplée et la plus riche d’Italie, les
infrastructures médicales sont
exemplaires, elles ne semblent pas
dimensionnées pour répondre à la
crise. Selon le docteur Antonio Pe­
senti, coordinateur de l’unité de
crise de la région, 18 000 patients
devraient y être hospitalisés d’ici
au 26 mars, dont environ 3 000 en
soins intensifs. Des chiffres très su­
périeurs aux ressources disponi­
bles : pour l’heure, sur l’ensemble
de son territoire, l’Italie dispose de
5 100 lits de cette catégorie.
« Nous sommes obligés d’installer
des lits de soins intensifs dans le
couloir, dans les salles d’opération,
dans les salles de réveil. Nous avons
vidé des salles d’hôpital entières
pour faire de la place aux personnes
gravement malades. L’un des
meilleurs systèmes de santé au
monde, celui de la Lombardie, est à
deux pas de l’effondrement », expli­
que le docteur Antonio Pesenti
dans une interview au quotidien
milanais Il Corriere della Sera.
Pour ce médecin, la catastrophe
ne pourra être évitée que si tous les
Italiens se disciplinent. « Ce n’est
pas le moment de sortir, d’aller faire
du shopping ou d’aller boire des
spritz », martèle le médecin. « Les
relations sociales doivent être mo­
difiées, les magasins et les marchés

de quartier fermés. A Milan, où je
vis, il y a encore trop de gens dehors
sans raison. » En attendant l’effet
de ces mesures de quarantaine,
l’urgence est de « faire de la place
aux nouveaux patients », souligne
Giulio Gallera, le conseiller santé
de la Lombardie. Dès que leur état
de santé est stabilisé, les malades
sont transférés au plus vite dans
d’autres établissements, dont des
maisons de retraite, pour leur con­
valescence. Et tous les patients
dont les symptômes sont modérés
sont renvoyés chez eux.

« Une médecine de guerre »
La situation est d’autant plus ten­
due que le nombre de respirateurs
artificiels est limité. « Nous fai­
sons de notre mieux, mais sommes
dans une situation de pénurie », re­
connaît le docteur Matteo Bas­
setti, qui dirige le service des ma­
ladies infectieuses de l’hôpital San
Martino, à Gênes. « Nous les réser­
verons aux patients qui ont le plus
de chance d’en bénéficier », pour­
suit le médecin. Pour accompa­
gner les médecins réanimateurs
dans leurs décisions, des recom­
mandations éthiques ont été pu­
bliées ce week­end. L’objectif est
« d’assurer un traitement intensif
aux patients ayant les plus grandes
chances de succès thérapeutique :
il s’agit donc de donner la priorité à
l’espérance de vie », estime la So­
cieté italienne des réanimateurs.
Il n’est plus possible, dans un tel
contexte, d’appliquer la règle du
« premier arrivé, premier servi ».

LE NOMBRE 


DE RESPIRATEURS 


ARTIFICIELS EST LIMITÉ,


 ET ILS SONT RÉSERVÉS À 


CEUX AYANT LA MEILLEURE


ESPÉRANCE DE VIE


« C’est un cauchemar, lâche le
docteur Matteo Bassetti. Nous
avons beaucoup de patients âgés
avec des comorbidités, mais nous
avons aussi beaucoup de patients
plus jeunes, qui souffrent de pneu­
monies avec une insuffisance res­
piratoire », explique le médecin,
ce qui requiert « une ventilation
pendant une semaine ou deux ». Il
rappelle que pour 80 % à 85 % des
patients, une hospitalisation
n’est pas nécessaire. En Italie,
seuls les patients avec d’impor­
tants symptômes sont désormais
testés, mais selon cet infectiolo­
gue, il y aurait au moins quatre à
cinq fois plus de patients infectés
que le nombre de cas officiel.
A Bergame, tout près de l’épi­
centre de l’infection, les médecins
se retrouvent « à devoir décider du
sort d’êtres humains, à grande
échelle », témoigne le docteur
Christian Salaroli, réanimateur à
l’hôpital dans un entretien au
Corriere della Sera. « Pour l’instant,
je dors la nuit. Parce que je sais que
le choix est basé sur l’hypothèse
que quelqu’un, presque toujours
plus jeune, est plus susceptible de
survivre que l’autre. C’est au moins
une consolation. » Ce médecin dé­
crit « une médecine de guerre »,
dont l’objectif est de « sauver la
peau » du plus grand nombre. Il
espère que son message sera en­
fin entendu : « Restez chez vous,
restez chez vous », supplie­t­il.
jérôme gautheret
et chloé hecketsweiler
(à paris)

É P I D É M I E D E C O V I D ­ 1 9


Mouvement de colère dans les prisons


Sept morts au sein de la prison de Modène (Emilie-Romagne),
une cinquantaine de détenus tentant de s’évader de Foggia
(Pouilles) et des incidents signalés dans 27 lieux : les prisons ita-
liennes sont, depuis lundi 9 mars au matin, le théâtre de protes-
tations particulièrement vives. Les détenus dénoncent à la fois la
promiscuité et les restrictions aux droits de visite provoquées par
la crise sanitaire nationale. Lundi soir, le premier ministre italien,
Giuseppe Conte, a jugé ce mouvement « inacceptable » et appelé
à un retour au calme, tandis que des magistrats appellent à des
mesures d’arrêts domiciliaires pour les détenus en fin de peine.
Free download pdf