14 u Libération Samedi 7 et Dimanche 8 Mars 2020
MUNICIPALES
Dans la ville
du Vaucluse,
la sortante PS
fait face à la
candidature d’un
ancien membre de
sa majorité étiqueté
EE-LV. Dans
l’ombre, le RN
savoure la discorde.
A
Avignon les gnons
pleuvent à gauche.
Avides et à vide. La
maire socialiste sortante,
Cécile Helle, et l’écologiste
Jean-Pierre Cervantes se
cherchent des noises. Avec
un FN bien parti pour arriver
dans le duo de tête au pre-
mier tour (bienvenue dans le
Vaucluse terre du lépenisme
provençal), les roses et les
verts devront pourtant s’en-
tendre au second pour éviter
le pire. Encore faut-il ne pas
trop s’admonester. Ce n’est
pas gagné. Les deux étaient
pourtant alliés en 2014 pour
prendre la ville, endormie
pendant dix-huit ans par Ma-
rie-Josée Roig, la roublarde
Par
MATTHIEU
ÉCOIFFIER
Envoyé spécial à Avignon
Photos OLIVIER
MONGE. MYOP
Jean-Pierre Cervantes été exclu de la majorité en 2016. Cécile Helle a remporté la mairie en 2014, après dix-huit ans de gestion de droite.
A Avignon, le vert Cervantes,
épine dans le pied de la rose Helle
lancé dès 2016 des ateliers
citoyens pour peaufiner
son futur programme. Il
s’est armé pour mener, dit-il,
le «combat social et écologique
dans la sixième
ville la plus pau-
vre de France».
Et «pendant
cinq ans, il a été en soutien du
président LR du Grand Avi-
gnon. L’écologie a bon dos»,
fulmine Cécile Helle.
«Pantoufles». Aujourd’hui
Cervantes traite l’édile de
«psychorigide». Et quand
on demande à cette dernière
quelle est la principale qualité
de son adversaire vert,
elle reste coite. «Je n’ai que
des défauts qui
me viennent.»
Evidemment
chacun accuse
l ’a u t r e d e
compromis-
s i o n a v e c
LREM, le parti
honni d’un pré-
sident épouvan-
tail. «Cervantes est
soutenu par Jean-Fran-
çois Cesarini, le député LREM
du coin», glisse un lieutenant
de Helle. «Elle a envoyé un
émissaire à Paris pour obtenir
le soutien de LREM», assure
un affidé de Cervantes.
Comme pour toutes les cam-
pagnes munici pales les en-
jeux nationaux se mêlent
aux préoccupations locales. II
y a les retraites, le 49.3 et la
vague verte censée emporter
l’écume du PS dans son
sillage. «Jadot est passé ici, il
voit Avignon gagnable. Et a
fait de notre liste un exemple
de rassemblement autour d’un
leader écologiste», trompette
Samir Allel, son colistier et ex-
secrétaire de section du PS.
Sauf que le premier et seul
sondage réalisé fin février
pour le Dauphiné libéré
sur un échantillon de
600 Avignonnais (la ville
compte 91 921 habitants et
54 890 électeurs inscrits selon
l’Insee) a un peu entamé leur
superbe. Il donne Helle en
tête à 29 %, talonnée par le RN
à 27 % et les Verts à 16 % LR à
12 %, LREM à 4 %. Un score
écolo dans l’épure de celui
des européennes, qui place
EE-LV en position d’arbitre.
Et lui donnera a minima
un groupe dans la future as-
semblée municipale.
«Honnêtement, je me vois
maire d’Avignon, persiste
Cervantes. Enfin potentielle-
ment.» L’homme est affable,
subtil. Et balance ses vache-
ries avec une redoutable dou-
ceur. Ingénieur, il a fait sa
carrière aux Pays-Bas avant
de revenir soigner un cancer
en France pendant cinq ans
et de s’installer dans la région
pour scolariser ses enfants. Il
a milité dans une association
cycliste, organisé des mar-
ches pour le climat. Son pro-
gramme est «financé». La
gratuité totale des transports
collectifs qu’il prône quand
sa concurrente ne parle que
de gratuité ciblée? «C’est
2 millions d’euros sur un bud-
get de 350 millions.»
Pour Cervantes, le sondage
ne reflète pas le rejet que ses
troupes observent sur le ter-
rain de «la gouvernance mo-
narchique inquisitoriale de
Mme Helle», comme le dit son
colistier. «Elle va droit au but
et n’a pas de temps à perdre.
On n’est pas à Aix-en-Pro-
vence, ce n’est pas une pois-
sonnière», réplique le camp
adverse. Helle voit rouge.
«Cervantes a dit que je me-
nais une politique de centre
droit en me mettant dans les
pantoufles de Roig !» s’indi-
gne-t-elle. Avant de brandir
son bilan. Jeune quinqua aux
lèvres fines, Helle a la timi-
dité brusque, le verbe techno.
Et l’œil perçant. Venue de
l’ancien Nouveau Parti socia-
liste (NPS), tendance Monte-
bourg, cette ex-députée ne
met plus le logo du PS sur ses
affiches. Elle en est désor-
mais convaincue, «c’est par le
local qu’on trouvera les solu-
tions intelligentes à la crise
climatique». Elle a mené la
remunicipalisation des can -
tines avec leurs salades en
circuit court : «On a été cités
en exemple dans Envoyé spé-
cial. » Elle s’est démenée pour
monter les dossiers d’aides de
l’Etat pour les quartiers Sud,
Chamand et Nord-Est, «long-
temps abandonnés». Dit bri-
guer un second mandat pour
pouvoir «mener la phase opé-
rationnelle». Promet de faire
encore plus de «coconstruc-
tion» avec les Avignonnais.
Mais avec les élus, c’est plus
dur. «Face à l’écologie puni-
tive d’EE-LV», son équipe
prône «l’écologie partagée».
Mais elle ne veut pas la par -
tager avec les Verts.
«Rempart». Entre Helle et
Cervantes plusieurs nuances
de verts subsistent. Les écolos
sont opposés au projet de liai-
son Est-Ouest (LEO), «une
autoroute urbaine». «Mais la
LEO va délester la rocade qui
asphyxie 20 000 Avignonnais
des quartiers», rétorque-t-on
chez Helle. Au final un accord
sera pourtant nécessaire face
au FN. «Si je suis en tête, je le
lui proposerai», glisse Cer-
vantes, perfide. Elle espère
qu’elle n’en aura pas besoin.
«J’étais en 2014 le meilleur
rempart contre le FN. Je le
suis en 2020 contre le RN.»
Entre Helle et lui, l’histoire
n’est pas finie.•
maire de droite dont tout le
monde s’accorde à dire
qu’elle «n’a rien fait».
Et puis il y a le «clash des
platanes» comme dit une
proche de la
maire. Une qua-
rantaine d’entre
eux étaient «pré-
sumés contaminés» par le re-
doutable chancre coloré. «Il
s’y est enchaîné, mais si on
n’en abattait pas certains, ils
allaient contaminer tous les
autres par les racines. Les éco-
los veulent transformer la ville
en grande forêt !» lâche cette
conseillère. «Helle a fait un
excès de zèle pour s’afficher en
rupture avec Roig. Elle a
coupé tous les arbres dans un
rayon de 80 mètres. Et
en pleine période de
n i d i f i c a t i o n! »
s’étrangle la
tête de liste
EE-LV. Il était
son septième
adjoint à la
«ville en transi-
tion». Et exprime
alors publiquement
son désaccord, leur ac-
cord politique lui garantis-
sant la liberté de parole,
croit-il. Et pan. La maire retire
aux deux élus écolos leurs
délégations. Mieux vaut gar-
der son ennemi près de soi,
dit l’Art de la guerre. Hors de
la majorité, Cervantes a fleuri,
L'HISTOIRE
DU JOUR
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Les municipales
sous tous les angles
Des infos, des coulisses «Fait maison» («Erick
Souque, un ex-cadre du FN en 11e place sur la
liste Pour le grand Arles emmenée par l’ancien président de France
Télévisions Patrick de Carolis»), du décryptage (à Bordeaux, la tête
de liste LREM va-t-elle s’allier à l’écolo pour faire tomber le dauphin
de Juppé ?) C’est à lire tous les matins de la semaine dans notre
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