52 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Samedi 7 et Dimanche 8 Mars 2020
Jérusalem
des chambres
à part
L’hôtel King David, à Jérusalem-Ouest, et l’American Colony,
dans les quartiers Est de la ville, ont tous deux hébergé
des chefs d’Etat, des rois, des princes, et ont été le lieu
de négociations qui ont jalonné le conflit moyen-oriental.
Visite de ces palaces où disposer d’une suite peut se révéler
un véritable enjeu diplomatique.
Toutefois, lorsque la Grande-Breta-
gne exerce son mandat sur ce qui
s’appelle alors la Palestine, le King
David abrite le quartier général de
l’armée britannique. C’est ce qui lui
vaut d’être visé par une action du
groupe indépendantiste Irgoun qui
milite pour l’indépendance de l’Etat
d’Israël. Le 22 juillet 1946, une
bombe détruit l’aile sud du bâti-
ment. Onze années plus tard, le
King David renoue avec son itiné-
raire d’hôtel haut de gamme. Il est
racheté par la chaîne israélienne
Par FRANCK BOUAZIZ
Envoyé spécial à Jérusalem
Photos JONAS
OPPERSKALSKI
S
ixième étage, une
moquette rouge pro-
fond et des doubles
portes de bois som-
bre. Bienvenue dans l’une des deux
suites présidentielles de l’hôtel King
David au cœur de Jérusalem. Ici, ont
résidé durant leur dernière visite of-
ficielle en Israël, Donald Trump,
Emmanuel Macron, le
prince Charles ou
encore le roi d’Es-
pagne. Ici encore,
les vitres font
dix centimètres
d’épaisseur et
sont garanties à
l’épreuve des balles,
certes, mais aussi
des roquettes de type
RPG. Ici enfin, les chefs
d’Etat ou de gouverne-
ment peuvent, depuis leur fenê-
tre, regarder toute la complexité du
Proche-Orient. Droit devant eux se
dresse le mur des Lamentations, lieu
saint du judaïsme, la mosquée d’Al-
Aqsa chère aux musulmans ou en-
core le mont des Oliviers, prisé des
pèlerins chrétiens. En 1977, lorsque
le président égyptien Anouar el-Sa-
date effectue une visite historique en
Israël, il loge au King David.
Quelques encablures à l’est de ce
bâtiment hautement chargé d’his-
toire, un ensemble de quatre mai-
sons édifiées dans le plus pur style
byzantin a vu lui aussi s’écrire quel-
ques pages de l’histoire compliquée
du Moyen-Orient. L’hôtel American
Colony, sa fontaine ombragée, son
patio et sa suite numéro 16, théâtre
de discussions aussi discrètes que
déterminantes en 1992. Dans cette
chambre où l’on peut accéder sans
passer par la réception, se sont re-
trouvés, durant des semaines, Yossi
Beilin, émissaire du Premier minis-
tre israélien de l’époque Yitzhak Ra-
bin, et Fayçal Husseini, notable pa-
lestinien de la ville de Ramallah.
Leurs échanges ont été les prémices
des accords d’Oslo signés en 1993.
L’une des premières mani-
festations du dialogue
israélo-palestinien
pour une recon-
naissance mu-
tuelle des deux na-
tions.
Deux hôtels, l’un à
Jérusalem- Ouest
dans la partie juive de
la ville, l’autre dans les
quartiers Est, le secteur
musulman de la cité, pour une
même histoire : celle de l’épicentre
du Moyen-Orient.
Grès rose. Le King David n’a pas
toujours été un hôtel trois étoiles
de 232 chambres. Son histoire com-
mence en 1929 quand la famille
juive égyptienne Mosseri achète le
terrain de 18 000 m² sur lequel sera
édifié un immeuble de quatre éta-
ges aux façades recouvertes de grès
rose. Avant-guerre, des dignitaires
étrangers y séjournent déjà et par-
fois même sur le long terme comme
l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié.
25 km
ISRAËL
CISJORDANIE JORDANIE
GAZA
Tel-Aviv
MéditerranéeMer
Jérusalem
Le King David
donnant sur
la vieille ville et,
au loin, Jérusalem-Est,
le 23 février.
L’entrée et la cour intérieure de
La table où fut signé le traité de paix israélo-jordanien
de 1994, à l’hôtel King David de Jérusalem.