30 | 0123 MARDI 17 MARS 2020
0123
J
e pense depuis longtemps que
les marchés boursiers sont le
meilleur baromètre de la
santé, de la richesse et de la sé
curité d’une nation. » Si l’on se
fie aux certitudes de Larry Kudlow,
le principal conseiller économi
que de Donald Trump, il n’y a pas
de quoi être optimiste pour les
mois à venir. Les marchés finan
ciers viennent de connaître l’une
des pires semaines de leur his
toire, perdant près d’un cin
quième de leur valeur en quelques
jours. Frappés par la pandémie de
Covid19, les EtatsUnis comme
l’Europe vont connaître un arrêt
brutal de leur économie et une
mise à l’épreuve sans précédent de
leur système de santé.
En Bourse, on sait à l’avance que
les choses finissent toujours par
mal se terminer. Personne ne peut
dire quand ni comment, mais, tôt
ou tard, les marchés financiers se
font rattraper par la réalité. Larry
Kudlow s’était néanmoins fait sur
prendre, quand, le 20 juillet 2007,
il avait prononcé cette fameuse
phrase, alors que les premiers cra
quements sur le marché immobi
lier américain annonçaient déjà la
crise des subprimes. C’est aussi lui,
qui, il y a quelques jours, affirmait
que l’épidémie due au coronavirus
était « contenue ». En économie
comme en épidémiologie, mieux
vaut être prudent.
Mais, on ne le répétera jamais as
sez, 2020 n’a pas grandchose à
voir avec 2008 : les banques sont
plus solides, la liquidité n’est pas
un sujet à ce stade et les risques
systémiques ne sont pas immi
nents. Sur un plan technique, la
crise économique liée au corona
virus présente davantage de simi
litudes avec les conséquences des
attaques du 11 septembre 2001.
Dans les deux cas, le facteur dé
clenchant n’est pas le système fi
nancier luimême, mais un événe
ment exogène capable de paraly
ser soudainement des pans en
tiers de l’offre et de la demande,
tout en sapant la confiance.
Aveu d’impuissance
En revanche, le contexte dans le
quel la crise prend naissance appa
raît très différent. Au moment où
les tours du World Trade Center
s’effondrent, l’économie améri
caine est, certes, déjà en récession
depuis le début de l’année, mais
les marges de manœuvre moné
taires et budgétaires sont autre
ment plus confortables qu’aujour
d’hui. Début 2001, les taux de la
Réserve américaine (Fed) étaient à
6,5 %. Le ralentissement économi
que puis le choc des attentats vont
conduire la banque centrale amé
ricaine à procéder à onze baisses
successives pour les ramener à
1,75 %. Côté budgétaire, les Etats
Unis affichent un excédent. La re
lance de l’économie grâce à une
augmentation des dépenses et un
creusement des déficits ne sont
pas alors un problème.
On ne connaît pas tout sur le co
ronavirus, mais on sait déjà que sa
dangerosité est décuplée lorsqu’il
infecte des organismes fragilisés.
Il pourrait en aller de même pour
ce qui est de l’économie mondiale.
Celleci présente une vulnérabilité
inquiétante, qui risque de se révé
ler au rythme de la propagation de
la pandémie. Sur le plan moné
taire, voilà des mois qu’on sait que
les banques centrales sont arri
vées au bout de ce qu’elles pou
vaient faire. Leurs politiques ac
commodantes consistant à injec
ter des montagnes de liquidités
dans le système financier tout en
ramenant leurs taux d’intérêt à
des niveaux historiquement bas
n’ont fait qu’entretenir l’illusion
d’une croissance, molle en Eu
rope, bodybuildée aux EtatsUnis.
Comment imaginer que les re
mèdes qui se sont révélés déce
vants quand tout semblait aller
bien puissent avoir un effet décisif
au moment où la pandémie est sur
le point de paralyser l’activité sur
une durée qu’on ne sait pas éva
luer? Critiquer la présidente de la
BCE, Christine Lagarde, ou Jerome
Powell, son homologue de la Fed,
de ne pas en faire assez est d’une
complète hypocrisie et un aveu
d’impuissance de la part des chefs
d’Etat qui se livrent à cet exercice.
La solution miracle ne viendra
plus des banques centrales. Si les
marchés financiers baissent, c’est
aussi parce qu’ils ont compris que
la fête est désormais terminée.
Sur le plan budgétaire, les pers
pectives ne sont pas plus brillan
tes. Emmanuel Macron, lors de
son allocution télévisée du
12 mars, a promis que l’Etat ferait
les efforts nécessaires pour sauver
les vies et l’économie, « quoi qu’il
en coûte ». L’expression avait été
utilisée avec succès par Mario Dra
ghi en juillet 2012 pour sauver
l’euro. Mais la formule est comme
la confiance : à force de la mettre à
l’épreuve, elle finit par s’user. Ce
type de promesse estil tenable
pour des Etats qui ont déjà large
ment abusé des déficits budgétai
res et qui sont prompts à emprun
ter des sommes, dont on a de plus
en plus de mal à croire qu’elles se
ront remboursées?
De ce point de vue, Donald
Trump, pour avoir voulu mettre
l’économie américaine en surré
gime en creusant les déficits de fa
çon indécente, a placé les Etats
Unis dans une position inconfor
table au moment où les finances
publiques vont être, une fois de
plus, mises à contribution. Avant
la crise, le déficit budgétaire amé
ricain s’acheminait cette année
vers les 1 100 milliards de dollars
(990 milliards d’euros), soit près
de 5 % du PIB. Chinois et Japonais
serontils toujours acheteurs de
dette américaine quand le ratio
passera à 7 % ou 8 %?
Pourtant, les gouvernements
vont devoir financer des mesures
de chômage partiel, aider les en
treprises à rester à flot en allégeant
le poids de la fiscalité et renforcer
un système de santé dont on
prend conscience de l’aspect vital.
Seraton capable de financer en
même temps la Bourse et la vie?
Avec quel argent, et quelles garan
ties les prêteurs exigerontils?
Les problèmes révélés par la crise
de 2008 ont été surmontés avec
des bouts de sparadrap, sans qu’ils
disparaissent pour autant. De ce
point de vue, la pandémie du coro
navirus constitue un tournant, qui
nous oblige à repenser l’architec
ture de notre système. « Nous de
vons en reprendre le contrôle », a
lancé le chef de l’Etat, sans préciser
avec quels moyens. Winston Chur
chill avait très bien résumé ce
genre de moment : « Ceci n’est pas
la fin, ni même le commencement
de la fin, mais c’est peutêtre la fin
du commencement. »
suite de la première page
Les Italiens, dont certains ont eu grand tort de
se gausser au début de la crise, l’ont bien com
pris. Durement éprouvés, ils s’imposent une
discipline exemplaire. Pour l’heure, nombre
de Français ne parviennent pas à adopter un
tel comportement, à la hauteur du danger.
Malgré les simulations alarmantes, les mesu
res qui se durcissent, les bilans qui s’aggra
vent, le risque paraît encore trop souvent ré
servé aux autres – les personnes âgées ou fra
giles –, la menace ne semble planer que sur un
avenir très lointain.
Dans sa progression invisible, le SARSCoV2
s’est ainsi allié avec deux des grands maux de
l’époque : égoïsme et courttermisme. Le pre
mier annihile la capacité de tenir compte de
l’intérêt général. Se confiner, comme se vacci
ner, c’est en effet moins se protéger soimême
que tous ceux qui nous entourent. Ce refus de
ce qui dépasse le particulier, il s’est notam
ment illustré ces dernières années dans la
contestation ou l’esquive de l’impôt. Cette ré
ticence, intériorisée par des politiques publi
ques toujours plus restrictives, a fini par fragi
liser, entre autres, deux des professionnels
que nous implorons aujourd’hui de se dé
vouer, corps et cerveau, à la lutte contre la
pandémie : le médecin et le scientifique.
Le courttermisme qui entrave momenta
nément la prise de conscience de la gravité de
la maladie ressemble à une version très accé
lérée de celui qui freine, depuis des années, la
prise en compte du réchauffement climati
que. En dépit des alertes, des données et des
phénomènes qui s’additionnent, le déni et
l’incrédulité persistent à retarder les change
ments nécessaires pour s’attaquer à un péril
considéré comme toujours très abstrait. Nul
doute que face au Covid19, et à ses victimes
chaque jour plus nombreuses, cet aveugle
ment volontaire prendra fin très rapidement.
Espérons que l’on se souviendra, au décours
de cette crise, à quel point l’hôpital public et,
d’une manière générale, la santé n’ont pas de
prix. C’est à un système sanitaire à bout de
souffle, à des personnels de santé qui
n’avaient cessé de tirer le signal d’alarme sans
être entendus que l’on demande, dès à pré
sent, des sacrifices inouïs. Osons le mot : un
comportement héroïque.
L’épidémie pourra alors contraindre nom
bre de nos démocraties à affronter des ques
tions vertigineuses. Jusqu’où consentir à la
restriction de nos libertés élémentaires? Jus
qu’à quel point paralyser l’économie pour im
mobiliser la maladie? Comment renoncer à
des habitudes – alimentaires, par exemple, en
Chine comme en Occident – qui finissent par
nuire à l’ensemble des humains?
Cette épreuve, pour la première fois à
l’échelle de continents entiers, peut boulever
ser durablement le cours de nos sociétés. Il
n’est pas exclu qu’elles en sortent améliorées,
si deux conditions essentielles sont réunies :
la confiance et la raison. Pour obtenir des sa
crifices de leurs concitoyens, pendant de
longs mois selon toute probabilité, nos gou
vernants – du moins ceux des régimes démo
cratiques – n’auront d’autre choix que de leur
exposer en toute transparence leur stratégie,
ses risques et ses éventuelles évolutions. Pour
éclairer chacun, ils devront également parta
ger les données et avis scientifiques qui les
guident dans leurs décisions.
Pour l’heure, ces conditions ne sont pas tout
à fait réunies en France. L’exécutif a tardé à
partager les règles sur la manière dont il con
sulte son conseil scientifique, dont les travaux
n’ont pas encore été rendus publics. La straté
gie face au Covid19 n’a pas non plus été claire
ment exposée, encore moins débattue. Faute
de moyens suffisants (en particulier s’agissant
de la mise à disposition des tests et des mas
ques), la mise en œuvre – reconnaissonsle,
jusqu’à présent poussive et dilatoire – des me
sures drastiques indispensables de confine
ment commencent à peine à être clairement
assumées. Cette opacité des prises de décision
ne peut que nuire au combat de longue ha
leine qui s’engage. Et retarder l’indispensable
responsabilisation de chaque individu,
maillon d’une longue chaîne qui devra bien fi
nir par entraver la course du coronavirus.
jérôme fenoglio (directeur du « monde »)
L’ÉCONOMIE MONDIALE
PRÉSENTE UNE
VULNÉRABILITÉ, QUI
RISQUE DE SE RÉVÉLER
AU RYTHME
DE LA PROGRESSION
DU COVID19
ÉCONOMIE|CHRONIQUE
pa r s t é p h a n e l au e r
La Bourse à
l’épreuve du coronavirus
LA PANDÉMIE
CONSTITUE UN
TOURNANT, QUI NOUS
OBLIGE À REPENSER
L’ARCHITECTURE
DE NOTRE SYSTÈME
Tirage du Monde daté dimanche 15 lundi 16 mars : 192 611 exemplaires
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président de lamission européenne,et Boris Johnson,premier ministreCom
britannique, ont annoncé,jeudi 17octobre,conclu un accola sortie du RoàBruxelles,rd suryaumeavoir
Uni de l’▶VingtSept, ledoitencore êtrevaApprouUEvé par lestexte
lidé, samedi, par unParl ement britannique quextrêmement diirestevisé
(^1) ÉDITORIAL
AMER COMPROMISPOURla décision en juin 2016L’EUROPEdes
pour le continenun échereprésentquise à51,9 %, elle doit êtreBritanniques deeune régressionccollectif. Mais, acquittetettraduitrl’UE
Brexit plus dur qurespectée.dalités de ce départ, conclujeudi 17 octobreprévoit une rupture nette, unquiavait étéL’accorvendu aux élecàBruxelles,ecelui, flou,dsur les mo
teurs. Mais, faced’un«nodeal»,àlamil représenteenace
saune
tanniisé
quBrireunpoprisureà5éctanniqésentheconleoleuuecc1,9tinensdctif.ne%,leeqleteréelgresdouiMattttradueris,sionitêtrUEl’itace
requprdajeuBrliexéviaiasptédiiaoiecpl (^17) itvatuittésdvaétece.toL’usocnedubrrqendéparévedruaccordpturueeàBsuruaconclruxcelent,ettleui,eluxuou,e,s,leflsmunéleco
teurs.Mais,faceàlamenace
DIMANCHE 27FOND2,80 €DIRECTEUREUR–F-LUNDI 28 OCTOBRE 2019ATRANCE MÉTROPOLITAINE:H (^75) :JÉRÔME FENOGLIOUBERWWW.LEMONDE.FR –ANNÉE– NETBEUVE-MÉRY 23264 O
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d’emploi sans aucune actiselon les chiffres publiésvité adiminuvendredi 25octobreéde0,4%,de chômeurs se confirmedoucement. Il s’agitdu quatrièmdécrue est nette,▶de baisse. Sur un an, laLe reflux du nombreetrimestreà–2,4%▶soutenuedu trad’unedes Urssafla bonne sanCesrésult«augmentationvail.Jeudi, leafait état»des CDIats font écho àté du marchéréseaugile dans une conjoncture▶plan gouinternationale incertaineformation contribuàcettebaisse, encoLa monvernemental detéeenrégime dure fraeaussiàlaf in dujugent atteignablechômag▶PAl’objectif d’un taux deGE 10L’exécutif et sa majoritéeramenéquinquennatà7%
CHILIDE LA COLÈRE▶Le mouvement de contestatioAUXSOURCESnqui
dénonce les inégalités socialesmobilisation histPAGE 4 oriqueàSantiagoaconnu unevendredi
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Géopolitiqued’autonomie deLe rêvesKurdesbrisé
TURQUIE
SYRIEIRAK (^1) ÉTERNELPOURCOMPTEPAGE 30ÉDITORIALSLAISSÉS
▶dans le NordEstmarque un coup d’arrêtau projet politique dupeuple apatrideL’offensive turquesyrien
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Lubrizol CorCorCorsese
SYRIEIRAK (^1) PAÉTERNELPOGE 30 URCÉDITSLOMPORIALTEAISSÉS