« Nous pouvons aujourd’hui ven-
dre en France ce nouveau test qui
est évidemment utilisé en Corée,
mais aussi en Italie. Nous com-
mençons à recevoir les premières
commandes des laboratoires hos-
pitaliers équipés de la plateforme
Seegene », précise Denis Fortier,
directeur général délégué d’Euro-
bio Scientific, qui emploie 130
personnes et a réalisé un chiffre
d’affaires de 59,1 millions d’euros
en 2019 (+17 %).
En parallèle, l’entreprise lance
son propre test EBX Coronavirus,
qui est, pour l’heure, uniquement
disponible pour la recherche
(RUO - Research Use Only), en
attendant l’obtention du mar-
quage CE. Complémentaire au
test coréen, il e st utilisable sur tous
les systèmes ouverts du marché, y
compris portatifs. « On peut réflé-
chir à la façon de rendre cette tech-
nologie accessible aux laboratoires
privés, d’urgence ou de ville en fonc-
tion de l’évolution de l’épidémie »,
projette le dirigeant. « A ce stade,
l’impact financier est peu signifi-
catif, mais pourrait se traduire par
un effet positif de quelques points
de pourcentage sur notre chiffre
d’affaires », estime-t-il.
- UV GERMI S’ENVOLE
EN BOURSE
Spécialisée dans le traitement de
l’air et de l’eau par ultra-violets, UV
Germi connaît un développement
inespéré grâce à une machine
capable de détruire le coronavirus
dans l’air ambiant. Installée à
Saint Viance (Corrèze), l’entre-
prise, qui emploie 47 salariés pour
un chiffre d’affaires de 6,2 millions
d’euros, prévoit d’embaucher et de
sous-traiter afin de répondre à la
demande. Elle vient de signer un
contrat d’équipement des arrêts
de bus de Riyad (Arabie saoudite)
et prépare celui de l’exposition
universelle de Dubaï. Ses actions
s’envolent en Bourse, avec une
progression de plus de 220 % du
titre en un mois (13,90 euros à la
clôture mardi). « Nous gardons la
tête froide, car pour le moment,
nous n’avons pas signé de nou-
veaux contrats, mais l’intérêt qui se
manifeste nous rend très optimis-
tes. Notre technologie a déjà montré
son efficacité lors de la crise du H1N1
il y a huit ans, et nous a permis ulté-
rieurement de gagner des parts de
marché », indique son dirigeant,
André Bordas.
- DES VENTES EN HAUSSE
DE 10% POUR LYNRED
Depuis le SRAS en 200 3, et la fiè-
vre Ebola en 2011, les détecteurs
infrarouges de Lynred occupent
le devant de la scène à chaque épi-
démie. Avec le coronavirus, les
ventes ont grimpé de 10 % en
février : « Jusqu’à présent, nos
capacités de production peuvent
répondre à la demande », indique
David Billon-Lanfrey, vice-prési-
dent de cette PME iséroise.
A Veurey-Voroize, près de Gre-
noble, Lynred produit des détec-
teurs infrarouges microbolomè-
tres, des composants qui, une fois
insérés dans des caméras, détec-
tent chaleur ou présence et mesu-
rent la température d’un corps
humain. « Tout va dépendre du
paramétrage et des protocoles
médicaux, mais nos dispositifs peu-
vent mesurer à distance la tempéra-
ture d’une personne évoluant dans
une foule », explique le dirigeant.
Ces détecteurs peuvent aussi être
installés dans les gares ou les pla-
ces. C réée en 2 002, la société e ssai-
mée par le CEA-Leti et détenue par
Thalès et Safran regroupe depuis
juin 2019 deux filiales, Sofradir et
Ulis. Elle est devenue le numéro
deux mondial derrière l’améri-
cain Flir. Depuis 2002, elle a pro-
duit plus d’un million de détec-
teurs microbolomètres pour une
production actuelle de 300.000
par an. Pour l’heure, la France
n’est pas équipée. Lynred exporte
80 % de ses produits, emploie
1.000 personnes pour un chiffre
d’affaires de 225 millions d’euros
en 2018.
- STIL MISE SUR LE MADE
IN FRANCE
En 2011, Gérard Lux avait racheté
avec son fils ce fabricant de ther-
momètres et d’instruments de
mesures c limatiques (vent,
hygrométrie...) de Vaux-Le-Penil
(Seine-et-Marne) déterminé à
maintenir un maximum de pro-
duction en France, à commencer
par les thermomètres en verre. Il
a donc gardé les vieilles machines
de ses prédécesseurs à côté de
nouvelles, plus productives.
Résultat, 30 % de sa production
sort de ses ateliers, tandis que son
fils se charge de faire fabriquer en
Chine les instruments électroni-
ques q ui représentent 70 % de son
chiffre d’affaires de 3 millions
d’euros. Dans l’immédiat, STIL vit
sur les stocks et n’est pas près
d’importer des thermomètres
médicaux. Ceux qui sortent des
usines chinoises sont réquisition-
nés sur place. Mais il accélère le
basculement de certaines pro-
ductions et vient d’embaucher
une souffleuse de verre, portant
son effectif à 14 salariés. Il espère
que la crise va convaincre ses
clients d’acheter en France, ce qui
le rapprocherait d e son objectif d e
50 % de chiffre d’affaires « pro-
duit » en France.n
Ces PME tricolores en première ligne
Service Régions
Si le coronavirus grippe l’activité
de nombreuses entreprises, des
PME connaissent, au contraire,
un regain d’activité. D’autres font
le pari d’un retour en grâce de
leurs produits fabriqués en
France. Tour d’horizon.
- EUROBIO SCIENTIFIC
DÉCROCHE L’AGRÉMENT
DE L’AUTORITÉ DE SANTÉ
Localisé aux Ulis, Eurobio Scien-
tific est désormais fin prêt à faire
face au diagnostic en France des
cas suspects de coronavirus. Fon-
dée en 1962, la PME cotée sur
Euronext Growth est le distribu-
teur exclusif dans l’Hexagone du
test Allplex Coronavirus déve-
loppé et fabriqué en quelques
semaines par le groupe coréen
Seegene, dont elle est partenaire
depuis plus de dix ans.
Mardi soir, Eurobio Scientific a
annoncé avoir obtenu le feu vert
de l’autorité de santé française
(ANSM) pour commercialiser ce
kit de diagnostic, après avoir
décroché le marquage CE le
18 février. Il permet la détection et
la différenciation simultanée
dans un seul puits de PCR (Poly-
merase C hain Reaction) – en clair,
en une seule manipulation de
l’échantillon et en moins de deux
heures – des trois gènes d’identifi-
cation du Covid-19, selon les
recommandations de l’OMS.
Certains fabricants et
distributeurs de
matériels médicaux ou
de haute technologie
suscitent un intérêt
croissant depuis la
propagation du virus
Covid-19.
Le gouvernement va lancer un appel d’offres de masques filtrants dans les prochaines semaines. Come Sittler/RÉA
Laurent Marcaillou
— Correspondant à Toulouse
Avec le coronavirus, le fabricant
Tesalys d e machines de stérilisation
des déchets infectieux des hôpitaux
et des laboratoires d’analyse biolo-
gique à Toulouse s’apprête à obtenir
des débouchés importants en
Chine. Il négocie un contrat de 30 à
50 machines avec un importateur
chinois pour fournir les hôpitaux
du pays. Tesalys a envoyé l e premier
stérilisateur en Chine la semaine
dernière afin d’obtenir sa valida-
tion. « Si la commande est confir-
mée, elle représentera 30 à 50 % de
chiffre d’affaires en plus cette
année », se félicite Miquel Lozano,
président de l a jeune entreprise fon-
dée en 2012, qui produit une cen-
taine de machines par an. Elle
emploie 20 salariés et a réalisé un
chiffre d’affaires de 4,5 millions
d’euros en 2018. Le contrat avec la
Chine entraînerait l’embauche de
10 personnes au lieu de 5 cette
année.
Tesalys fabrique des appareils
mobiles, d e la taille d’un gros photo-
copieur, qui broient les déchets et
stérilise les copeaux avec de la
vapeur sous pression à 1 35 degrés.
Ces machines permettent de traiter
les déchets sur place au lieu de les
envoyer dans les usines d’incinéra-
tion. Elles sont souvent utilisées
dans les pays qui n’ont pas de cen-
tres de traitement spécialisés. La
solution intéresse les autorités chi-
noises car elle limite le risque de
propagation du coronavirus en évi-
tant le transport des déchets.
Décontamination
Le coronavirus étant très volatil,
l’entreprise a adapté son stérilisa-
teur de déchets infectieux en ajou-
tant une phase de pré-décontamina-
tion à 80 degrés avant la
stérilisation, pour s’assurer que les
virus sont désactivés avant de passer
dans les filtres. « Des pays d’Améri-
que latine nous ont é galement
demandé d’actualiser nos machines
avec ce nouveau cycle de décontami-
nation », indique le dirigeant.
Tesalys fabrique cinq modèles de
stérilisateurs d’une capacité de 4 à
100 kg à l’heure et vendus entre
50.000 et 500.000 euros. Il a racheté
en 2016 son concurrent allemand
Sterishred qui fabriquait des machi-
nes plus grosses et il a rapatrié la
fabrication dans une deuxième
usine près de Toulouse en 2019.
L’entreprise a levé 6 millions d’euros
à la fin 2018 auprès des fonds iXO
Private Equity et Sigma Gestion
pour investir dans le site d’assem-
blage et se déployer à l’international.
Il lancera ainsi la commercialisa-
tion aux Etats-Unis cette année.
Tesalys vend la moitié des machines
en Asie, un quart en Afrique et au
Moyen-Orient, 15 % en Amérique
latine et 10 % en Europe.n
Le fabricant toulousain
de machines de stérilisation
des déchets infectieux
des hôpitaux négocie un
contrat important en Chine.
Déchets
infectieux : une
opportunité
en Chine
pour Tesalys
Didier Meynard
— Correspondant à Saint-Etienne
Le s fabricants français de masques
de protection sanitaire vont provi-
soirement retrouver le sourire.
Après avoir puisé dans son stock
stratégique, le gouvernement va
lancer un appel d’offres de masques
filtrants dans les prochaines semai-
nes. Emmanuel Macron a aussi
annoncé mardi la réquisition de
« tous les stocks » et de la production
pour distribuer les masques aux soi-
gnants et aux personnes atteintes
du coronavirus.
Si la majorité de ces articles est
importée d’Asie, la sous-activité des
usines chinoises combinée aux
besoins élevés du pays incite à l’aug-
mentation de la production natio-
nale. Une réunion organisée la
semaine dernière au ministère de la
Santé avec cinq industriels (trois
français, un canadien et un améri-
cain) devait évaluer leur capacité de
réponse à la commande. Son
volume pourrait atteindre jusqu’à
200 millions de masques de type
FFP2, les plus utilisés pour ce type
d’épidémie. Une quantité qui reste-
rait en-deçà des 550 millions
d’exemplaires achetés par l’Etat au
lendemain de la crise de la grippe A.
Après la décision, prise en 2005, de
créer une filière de fabrication auto-
nome française, plus facilement
mobilisable en cas de besoins
urgents, il avait signé, l’année sui-
vante, des protocoles avec une demi-
douzaine d’entreprises. Une partie
inutilisée du stock a dû être détruite
au bout de cinq années, durée limite
d’utilisation.
Des effectifs
qui quadruplent
L’arrêt de cette manne avait conduit
certains industriels à stopper la pro-
duction. A l’instar du stéphanois
Thuasne, qui avait investi dans une
ligne de production dans son usine
d’Heyrieux (Isère), spécialisée dans
le guipage du fil. « Nous voudrions
participer à la relance de cette p roduc-
tion en France, mais nous avons
depuis revendu les machines qui
n’étaient plus utilisées », explique
Laurent Martinet, le directeur des
opérations du groupe.
Yvan Malepart, président de
l’entreprise nordiste Macopharma,
indique que « les masques de filtra-
tion ne sont pas notre cœur de métier,
mais nous sommes en train de remet-
tre en fonctionnement des machines
qui étaient en sommeil pour répondre
à la sollicitation des autorités ».
Segetex-eif (50 millions d’euros
de chiffre d’affaires), qui se présente
comme « le plus gros fournisseur de
masques sanitaires dans l’Hexa-
gone », accroît les capacités de pro-
duction de son usine de la Loire. Sa
filiale Valmy, à Mably, a triplé son
effectif ces dernières semaines et
s’apprête à le quadrupler, à près de
70 personnes, « avec un parc machi-
nes renforcé, qui fonctionne 130 heu-
res par semaine », indique son direc-
teur, Nicolas Brillat.
Sa capacité de production
annuelle dépasse désormais les
80 millions de masques. Une nou-
velle vie pour cette PME de 3 mil-
lions d’euros de chiffre d’affaires qui
avait été rachetée en liquidation
judiciaire, en 2017. Laurent Suissa
s’attend à ce que les masques repré-
sentent 10 à 20 % du chiffre d’affaires
du groupe en 2020.n
lL’ Etat va lancer un appel d’offres pour reconstituer des stocks de masques de protection de type FFP2
permettant de lutter contre la propagation du coronavirus.
lUne manne pour les quelques fabricants français qui ont survécu à ce marché très cyclique et fragile.
Les fabricants de masques sanitaires
sur les rangs face au coronavirus
SANTÉ
PME & REGIONS
Les EchosMercredi 4 mars 2020