série terrible. Sans oublier des
histoires de lingots d’or qui se
baladent entre Puteaux, la Corse et
le Luxembourg, et aussi un procès
qui s’ouvrira en septembre pour une
affaire de corruption. Mais on y
reviendra plus tard.
« Beaucoup d’humour, je vous dis »,
a répété Sylvie en nous servant un
digestif. « Tenez, une dernière his
toire pour la route : il y avait une
bénévole qui aidait à gérer un club
de tennis et qui s’était mise sur ma
liste. Le directeur a reçu un coup de
fil : “Vous voulez encore des sub
ventions? Alors il faut la virer.” »
Dans la rue, on a voulu vérifier si
l’« am biance particulière » n’était
due qu’à la pluie qui tombait. Après
un méticuleux micro-trottoir, il est
apparu que les Putéoliens sont
grosso modo sur la même ligne que
Mme Germain, qui lisait sous un
Abribus : « Tout va bien. Je n’ai rien
à dire de plus. On ne peut pas criti
quer Puteaux quand on y habite. »
Quant aux quelques passants qu’on
devinait un peu plus critiques, ils
attendaient de passer leur chemin
en disant qu’il y a toujours une
oreille de la maire qui traîne, en
montrant discrètement les caméras
de surveillance. Alors, nous sommes
partis dans la ville d’à côté, à Nan-
terre, au tribunal de grande ins-
tance. Pour rencontrer Christophe
Grébert, journaliste dans une radio
musicale, qui n’a pas peur de parler.
Il a 51 ans, dont vingt dans la ville et
dix-huit à batailler contre les
Ceccaldi-Raynaud. Ce 4 février 2020,
Grébert est convoqué au tribunal à
la suite de la quinzième plainte
déposée par la mairie à son
encontre depuis 2004, et « je n’ai
jamais été condamné ». Il est venu
sans avocat, plus besoin, il connaît
la chanson. Cette fois-ci, il est atta-
qué pour diffamation. « J’ai critiqué
sur mon blog le fait que l’accès à la
piscine muni cipale est plus cher pour
les nonPutéoliens. » Son blog, c’est
un Mediapart local à lui tout seul.
Depuis 2002, il ne fait que critiquer
la gestion municipale, faits à l’appui,
mais ça lui attire plus d’ennuis que
de voix quand il se présente aux
élections (15,61 % sur la liste
MoDem en 2014). Sur son blog, il
diffuse aussi ses reportages TV :
« J’en ai fait un sur la soudaine pié
tonnisation de la rue dans laquelle la
fille de la maire venait d’acheter un
appartement. La fille a porté plainte
contre moi, car elle m’a vu plusieurs
fois dans sa rue, ce qui lui aurait
causé un traumatisme. » Grébert est
l’opposant numéro un de la mairie.
Il ne lâche jamais rien. Il lui arrive
aussi de porter plainte contre la
maire, qui vient d’être renvoyée en
correctionnelle pour diffamation à
son encontre. Aujourd’hui, à son
procès, Grébert retrouve son fan-
club. Comme un représentant d’An-
ticor – une association qui lutte
pour l’éthique en politique – ou
comme Marie Jesus de Ribeiro,
retraitée de 73 ans, qui dort dans sa
voiture en attendant, depuis le
17 mars 2004, l’obtention d’un loge-
ment HLM. Elle a eu le malheur de
s’inscrire sur la liste de Grébert aux
municipales de 2008.
LES
gens de l’oppo-
sition peuvent
subir tout un tas
de désagré-
ments, mais ils sont prévenus, c’est
déjà ça. On ne citera que deux
exemples parmi une farandole
d’autres. Francis Poézévara, 34 ans,
consultant, résident de la commune
depuis 2008, tête de liste du
Printemps putéolien (divers
gauche), raconte : « Ma femme
devait devenir trésorière de l’asso
ciation des parents d’élèves locale.
Elle a reçu un coup de fil du pré
sident : “Ce serait mieux si tu utilisais
ton nom de jeune fille.” » Il y a aussi
Jean-Luc Richard, habitant depuis
2001, universitaire en sociologie
politique, membre du cabinet de
Lionel Jospin premier ministre et
molesté par le service d’ordre de la
mairie en 2003. Il fut de toutes les
campagnes municipales pour le
Parti socialiste pendant quatorze
ans. « Mon fils voulait faire du sport
avec la mairie. Impossible. Il y avait
de la place, mais une liste d’attente
imaginaire a surgi. » Et puis, il y a
une sorte de superjusticier, en tout
cas un justiciable pas comme les
autres. Alexandre Gabard est le seul
Putéolien à avoir fait condamner la
mairie. Il n’a pas le physique de John
Wayne, mais il est avocat, ce qui
peut aider dans ce genre de combat.
« Dix jours après que mon nom est
apparu sur une liste PS en 2014, les
deux seuls gamins qui n’ont plus pu
partir en colonie de vacances, ce sont
les miens. » Selon lui, il n’y avait pas
de raison valable à cela, hormis
peut-être son engagement poli-
tique. Il a attaqué devant le tribunal
administratif qui, le 10 janvier 2019,
lui a donné raison, pour « refus illé
gaux » contrevenant au « principe
“VOUS SAVEZ, J’AI AUSSI FAIT LES
CAMPAGNES DES BALKANY. ICI, JE
PEUX VOUS DIRE, C’EST PIRE QU’À
LEVALLOIS. MOINS VIOLENT MAIS
PLUS RETORD. BALKANY PAYAIT
DES TOURNÉES GÉNÉRALES AVEC
DES GROS BIFTONS, IL SE DÉMERDAIT
AVEC LES IMPÔTS MAIS AU MOINS,
IL RESPECTAIT L’OPPOSITION.”
EMMANUEL CANTO, CANDIDAT LRM À LA MAIRIE DE PUTEAUX
Le stade Paul-Bardin, sur l’île de Puteaux.
Page de droite, l’église Notre-Dame-de-la-Pitié.
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LE MAGAZINE
Jonathan LLense pour M Le magazine du Monde