Coup de Pouce - (09)September 2020

(Comicgek) #1
Selon Samuel Veissière, anthropo-
logue et professeur adjoint au
Département de psychiatrie de l’Univer-
sité McGill, la peur est une émotion qui a
eu beaucoup d’avantages du point de vue
de notre évolution, puisqu’elle nous per-
met d’être alertes et proactifs dans les
conditions où se trouvent de véritables
risques. «Le problème, c’est que, dans des
sociétés riches et sécuritaires comme la
nôtre, qui n’a pas connu de guerre ni de
famine depuis trois générations et qui a un
taux de criminalité très bas, cette émotion
est inadaptée», soutient-il.

Ce qu’il faut savoir, c’est que le cerveau
réagit à peu près de la même façon, que le
danger soit réel (un ours) ou imaginé (peur
de la maladie). «Une des hypothèses de
beaucoup de scientifiques, c’est que les
mécanismes de notre cerveau qui détectent
la menace ne sont plus adaptés à nos condi-
tions de vie actuelles, poursuit l’anthropo-
logue. On a conservé cette tendance à in-
terpréter les menaces et les dangers qui
nous a jadis bien servi, mais qui a évolué
vers le catastrophisme. Résultat, de nos
jours, la plupart des peurs sont souvent
irrationnelles ou disproportionnées.»

Se protéger sans se limiter
Emprunter les escaliers plutôt que prendre
l’ascenseur, refuser une opération qui re-
quiert une anesthésie, décliner une pro-
motion qui implique de prendre la parole
en public, voilà toutes des stratégies d’évi-
tement qui amplifient la peur au lieu de la
calmer. «Ce n’est pas facile, mais il faut
apprendre à affronter les peurs qui ne sont
pas dangereuses. En les affrontant, la plu-
part des gens réussissent à les surmonter»,
note Camillo Zacchia.
Mais attention: surmonter une peur
n’est pas un exploit qui se réussit en une
seule fois. Pour les peurs «physiques» ou
«externes», celles des ponts, des souris ou
du sang, c’est en s’y exposant de façon pro-
gressive et répétée que l’on accumulera les
expériences positives et que l’on parvien-
dra à se débarrasser des schèmes de pensée
qui nous font trembler. Pour les peurs
«mentales» ou «internes», il est recom-
mandé de s’interroger sur la cause pro-
fonde ou la raison précise qui les provoque.
La peur de perdre ses cheveux, par
exemple, peut en dissimuler une autre,
plus profonde, qui peut être celle du rejet
ou de la solitude. Il en va de même pour les
peurs générales, qui en cachent de plus
spécifiques: la peur de parler en public
pourrait en fait être la peur de l’échec ou du
jugement. «Il faut se défaire de l’idée que si
on a peur, c’est parce qu’il y a un réel dan-
ger. L’objectif est d’apprendre que l’on n’a
pas échappé au danger; il n’y en avait tout
simplement pas», précise le psychologue.

Elle a vaincu sa peur
des aiguilles

«À l’école secondaire, tous mes tests d’orientation
de carrière me dirigeaient vers le milieu hospitalier
et je savais que j’aimerais ça, mais c’était
impossible pour moi: j’avais une peur bleue des
aiguilles et des seringues. Dès que j’en voyais une,
j’avais chaud, je devenais étourdie. J’ai donc étudié
et travaillé dans le milieu de la restauration
pendant plusieurs années... jusqu’à ce que mon
garçon tombe gravement malade. Au début, je
n’étais pas capable de l’accompagner à ses tests
et traitements à cause des piqûres. Mais il était
très jeune et il avait besoin de moi. Alors j’essayais
de ne pas les regarder. Comme je les avais
toujours un peu dans mon champ de vision, j’ai fini
par m’habituer. Tranquillement... Puis, je me suis
décidée à m’inscrire en soins infirmiers. À mon
grand étonnement, j’ai réussi à faire des prises de
sang et à installer des solutés! Ça fait maintenant
neuf ans que je suis infirmière et j’adore ça.»
— Virginie, 40 ans, infirmière en obstétrique

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SEPTEMBRE 2020
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