Coup de Pouce - (11)November 2020

(Comicgek) #1
de maladies mortelles. Une démarche qui a mené à la
publication du livre Laisser sa trace: parler de la mort pour
mieux goûter à la vie.
«Je n’ai pas écrit un livre sur la mort, mais sur la vie,
précise-t-elle d’entrée de jeu. La vie vue par des gens
qui ont une échéance, qui savent quand ils vont mou-
rir. Même si, au début, je trouvais que ça n’avait pas de
bon sens, les participants me disaient que cette date
butoir était une chance extraordinaire, puisqu’elle leur
donnait le temps de faire un bilan, de dire au revoir et
de préparer leur sortie. Je me suis d’ailleurs demandé
pourquoi on attend de savoir qu’on va mourir pour
dresser un bilan de notre vie.»
Alors qu’elle récoltait des témoignages, Geneviève
Landry a constaté avec étonnement que les gens ne lui
parlaient pas de leur travail. Et pourtant, au quotidien,
on se définit beaucoup par celui-ci. «Personne ne m’a
parlé de ses avoirs ou de son métier. Je n’ai aucune idée
de ce que ces gens-là faisaient dans la vie, dit-elle. Ça
montre qu’en fin de compte, ce n’est pas ça qu’on re-
tient. On m’a plutôt parlé de l’importance d’être bien
entouré, de l’amour, de l’amitié; de l’essentiel, quoi.»

FACILITER LE DEUIL
Les écrits deviennent souvent un cadeau précieux
pour les proches. «Nos mots nous survivent, ce qu’on
écrit reste», précise Christine Grou. Qu’ils soient lus
immédiatement ou plus tard, ces écrits permettent à
ceux qui restent de renouer encore et encore avec celui
qui est parti.

Le long voyage des mots n’altère en rien leur pouvoir.


Qu’ils soient écrits ou qu’ils soient lus, ils racontent une


histoire, transmettent un héritage et apaisent les cœurs.


Affirmation que confirme Geneviève Landry, qui a
trouvé la force de mener à terme son projet grâce à la
demande bouleversante du fils d’une participante.
«À un moment donné, je me suis demandé pourquoi
je faisais ça. Voir des enfants détruits parce qu’ils savent
qu’un de leur parent va mourir, c’est dur. Alexis, qui
avait 10 ans à l’époque, m’a donné le courage de pour-
suivre. Pendant l’entrevue, il est devenu super nerveux.
Alors je lui ai demandé ce qui n’allait pas. Il m’a regardée
droit dans les yeux avant de répondre: “Peux-tu me pro-
mettre que tu vas me donner un livre quand il va être
prêt? Parce que ma mère va être morte et je vais en avoir
besoin pour passer au travers.” J’ai pleuré et je me suis
dit OK, c’est pour lui que je fais ce livre», raconte l’au-
teure avec émotion.
«Pour ceux qui restent, une partie du deuil se fait du
vivant de la personne malade. Mais quand l’être cher
disparaît, un autre deuil commence», rappelle la
psychologue.

LA PUISSANCE DES MOTS
Certains dupliquent les documents, conscients du ca-
ractère précieux et unique de cet héritage. Mais il
n’existe pas de moment parfait pour les lire. Rien ne
presse. Chacun respecte son rythme. Les mots, les
confidences sont là. Prêts à faire revivre des souvenirs
dans la mémoire de ceux qui les accueilleront. Le long
voyage des mots n’altère en rien leur pouvoir. Qu’ils
soient écrits ou qu’ils soient lus, ils racontent une his-
toire, transmettent un héritage et apaisent les cœurs. •

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NOVEMBRE 2020
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