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(Rick Simeone) #1

History, cculture aand cconservation


(1967)—doivent se reporter à la littérature
spécialisée en biogéographie, domaine scien-
tifique actuellement très actif sur lequel
Conservation de la Nature et Développement
semble passer comme chat sur braise,
comme si la gestion de la conservation pou-
vait se passer de fondements scientifiques
(voir les remarques finales du grand livre du
professeur Jacques Blondel, Biogéographie.
Approche écologique et évolutive, Masson,
Paris, 1995).

L’écologie, en tant que science de la nature
vivante, est née à l’extérieur des laboratoires
considérés comme les nouveaux temples de
l’humanité civilisée par Claude Bernard et
Louis Pasteur (et les biologistes moléculai-
res). Elle a été largement inspirée par la ren-
contre des naturalistes européens avec la
“géographie des plantes” (Humboldt, 1805)
des régions tropicales, dont le grand
Alexandre de Humboldt transmit au jeune
Charles Darwin, parti faire le tour du monde
à bord du H.M.S. Beagle(1831-1836), à la
fois son enthousiasme pour la splendeur des
forêts tropicales, véritables “monuments” de
la Nature (désormais menacés par le déve-
loppement!), et les prémisses de sa problé-
matique qui devait radicalement transfor-
mer— avec quelle difficulté!— la conception
classique de l’Histoire Naturelle et ouvrir à
l’humanité les chemins de la découverte de
“la sélection naturelle”, l’une des clés de la
compréhension de l’évolution biologique,
dont l’espèce humaine est également soli-
daire, n’en déplaise à l’anthropocentrisme de
la “modernité” urbano-industrielle et de ses
racines religieuses médiévales (voir le débat
sur la célèbre thèse de Lynn White). Ce
commentaire, je l’avoue, est assez person-
nel, car la plupart des auteurs de cet
ouvrage se gardent généralement d’entrer
dans ce genre de considérations sur les rap-
ports entre l’humanité, en tant qu’espèce
zoologique singulière, caractérisée par une
fantastique capacité cognitive et inventive
autant qu’adaptative, d’où résulte sa diver-
sité culturelle immémoriale (désormais
menacée par le développement!), et ce
qu’on appelle, depuis le milieu des années
1980, la crise de la biodiversité. Cette crise

va, de plus, être accélérée par le réchauffe-
ment planétaire : on ne peut plus traiter ces
deux aspects de la crise écologique plané-
taire qui s’annonce comme s’il s’agissait de
deux choses radicalement différentes. Ce
que font, hélas, trop souvent les Français. Le
texte de Georges Rossi, cependant, s’appro-
che de ce genre de questionnement philoso-
phique : il est précisément intitulé
“Questions d’incertitude”.

Les rapports entre la biologie de la conserva-
tion, cette “science de la rareté et de la
diversité” comme l’appelle Michael E. Soulé
(que personne ne cite ici!), et les controver-
ses dans le domaine fondamentale de la sys-
tématique et de la biologie évolutive sont, à
mon goût, trop peu traités, comme l’atteste
aussi l’absence de référence au thème de la
symbiose, dont le renouveau épistémologi-
que doit beaucoup à Lynn Margulis, signifi-
cativement coauteur de la théorie Gaïa, qui
constitue, avec l’écologie profonde (Deep
Ecology), un défi intellectuel majeur pour
nos mythes modernes du développement, et
aussi de l’environnement. C’est toute notre
conception occidentale de la Nature qui est à
revoir! Cela dit, les dérives de l’approche «
éco-gestionnaire » sont bien analysées dans
ce livre, sur des cas concrets, et notamment
dans le texte court mais dense de Denis
Chartier et Bernard Sellato intitulé “Les
savoir-faire traditionnels au service de la
conservation de la nature ou des ONG inter-
nationales d’environnement?” (p.89-104). On
appréciera d’autant plus cette contribution
que Chartier est l’auteur d’une thèse de doc-
torat en géographie sur “Le rôle de
Greenpeace et du WWF dans la résolution
des problèmes environnementaux”, qu’on
aimerait bien voir publiée.

Jacques Grinevald
([email protected]) est Professeur
titulaire à l’Institut Universitaire d’Etudes du
Développement (IUED) et chargé de cours à
l’Université de Genève. Il enseigne aussi depuis plus
de vingt ans à l’Ecole Polytechnique Fédérale de
Lausanne (EPFL). Jacques est membre du CEESP/
CMWG. Christian Castellanet, agronome et écolo-
gue, est Responsable de Programmes au GRET.
Christian est aussi membre du CEESP/CMWG.
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