Méditerranée Mer Vivante 20e édition

134 Méditerranée - Mer vivante

Gardons la mer vivante

© Alexandre MEINESz

Poisson thermomètre quittant sa « logeuse » :

l’holothurie langue de chat

Le saviez vous?

Sébastien Longepierre, ingénieur, docteur en

biologie [email protected]

Le lombric de la mer

En Méditerranée, les holothuries, dont les

tentacules buccaux arborescents et rétractiles

récupèrent inlassablement le sédiment, épurent

toute l’année les petits fonds. Sur nos côtes, une

holothurie peut ingérer jusqu’à soixante-cinq

grammes de sédiments par jour en assimilant

toute la matière organique. Comme la densité

des holothuries peut parfois atteindre trente

mille individus à l’hectare, c’est plus de sept

cents tonnes de sédiments (sables, vase...)

qui sont remaniés et « épurés » naturellement

chaque année en traversant les intestins des

concombres de mer! Bref, une prouesse

écologique pour ces lombrics de la mer qui

contribuent au nettoyage des petits fonds

et ainsi au maintien de la biodiversité dans

l’herbier de posidonies!

Trois stratégies pour se défendre

Les holothuries rivalisent d’ingéniosité contre

leurs prédateurs (étoiles de mer, crustacés,

gastéropodes, poissons, hommes) :

• certaines holothuries, par de fortes
  contractions, durcissent leur cuirasse
  musculeuse pour devenir un boudin dur et
  indigeste ;


• d’autres émettent de longs filaments
  visqueux qui se solidifient au contact de l’eau.
  Ces « organes de Cuvier » n’ont rien à envier à
  nos colles fortes. Ils s’accrochent, entravent
  l’agresseur et suffisent souvent à neutraliser ses
  assauts,


• enfin, en cas d’attaques répétées ou de stress
  majeur, l’éviscération peut parfois être le prix
  à payer pour survivre! Tout y passe. Par des
  contractions musculaires, le tube digestif et les
  gonades sont jetés en pâture à l’assaillant. Ce «
  sauve-qui-peut » n’est qu’une parade, car tous
  les organes fonctionnels éjectés se régénèrent
  parfois en moins de dix jours!

« poisson thermomètre ».

Ne vous amusez pas à expulser en petite tenue

les poissons thermomètres de leur holothurie :

ils chercheront la première maison à leur portée

pour se réfugier de nouveau!

Les holothuries sont particulièrement appréciées

dans la cuisine asiatique. En février 2019, des

braconniers ont été surpris en Corse avec

200 kg d’holothuries pêchés illégalement. En

conséquence un arrêté daté du 8 juin 2019

interdit le prélèvement des holothuries en

Corse (à l’exception de 5 kg pour les pêcheurs

professionnels et 4 individus pour les pêcheurs

de loisir qui les utilisent comme appâts). Un

projet d’extension de cet arrêté à toutes les côtes

françaises est en cours.