154 Méditerranée - Mer vivante
Gardons la mer vivante
aux autres et sur tout type de substrat (d’où leur
dénomination d’algues mucilagineuses). En second
lieu, intervient une autre espèce : Acinetospora
crinita, très reconnaissable lorsqu’elle se reproduit.
Ces trois espèces, constituant l’essentiel des masses
cotonneuses, sont de couleur jaune d’or. Le faible
diamètre de leurs filaments (environ 10 microns)
et leur longueur importante ( pouvant atteindre
plusieurs dizaines de centimètres) favorisent la
création d’un linceul gluant qui piège toutes les
particules flottantes.
D’autres micro-organismes végétaux, une trentaine
environ, participent aussi à la formation du linceul
jaunâtre, tels que des cyanobactéries, des diatomées
et des algues rouges comme le genre Chroodactylon.
Ces touffes nébuleuses apparaissent en général à la
fin du printemps et ce depuis les années 1970.
L’importance de leur développement est variable et
leur persistance tout autant. Si le temps est calme et
chaud ( juin à août), ces algues peuvent entièrement
recouvrir les fonds à partir de -10 m jusque vers
-30/40m. Un coup de vent, provoquant courants et
houle, ou une perturbation climatique suffit à les
faire disparaître très rapidement.
On les connaît sur tout le pourtour méditerranéen
septentrional. À l’heure actuelle, aucune hypothèse
n’est à rejeter quant à la cause de leur prolifération
(élévation de la température, abondance de
nutriments, déversements d’eaux usées etc.).
L’impact de ces développements anarchiques
d’espèces non invasives (elles sont connues en
Méditerranée depuis longtemps) est préjudiciable
pour les paysages sous-marins qui deviennent
monotones par la monochromie des algues
mucilagineuses et l’enrobage cotonneux des fonds.
La faune fixée filtreuse (comme les gorgones) subit
un grave préjudice car elle a du mal à récupérer
sa nourriture, piégée par le réseau des filaments
d’algues. Quant à la microfaune se déplaçant sur
les fonds, nombre d’individus sont prisonniers des
filaments et meurent d’inanition.
Aucun moyen de lutte n’est aujourd’hui envisageable
car on ne sait rien du/des facteur(s) déclenchant la
prolifération. Une étude de la physiologie de chacune
des micro-algues prédominantes serait la première
étape pour comprendre les raisons des proliférations
afin d’envisager de combattre le phénomène.
Deux exemples de filaments d’algues
mucilagineuses envahissantes vus au microscope
(diamètre : 10μm) : en haut, Chrysonephos et en
bas Acinetospora (avec un sporocyste, organe de
multiplication produisant des spores).
© Alain COUTé
© Alain COUTé