166 Méditerranée - Mer vivante
Gardons la mer vivante
Les conséquences du réchauffement de la Méditerranée
Patrice Francour, professeur à Université Côte d’Azur (CNRS UMR 7035 « ECOSEAS »)
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La Méditerranée deviendra-t-elle une mer
tropicale, avec des poissons multicolores et
une eau chaude? La Côte d’A zur va-t-elle devenir
l’équivalent des Maldives? Nombreux sont les
articles à sensation qui parlent de « tropicalisation »
de notre Mer Méditerranée.
Le réchauffement physique
Si vous posez la question à un physicien, spécialiste
des problèmes de température, il vous dira que
dans la zone littorale, il est incapable de déceler la
moindre modification avec ses capteurs. Certes,
l’eau est plus chaude en été, mais un coup de mistral
suffit à faire chuter la température de quelques
degrés. Vous ajoutez à cela les courants, les nuages,
l’alternance jour-nuit et la température de l’eau
de mer en surface devient très variable d’un point
ou d’un moment à l’autre. Par contre, ce même
physicien vous dira que depuis plusieurs dizaines
d’années, l’eau profonde se réchauffe : 0,13° C
d’augmentation de 1959 à 1995 entre 1.000 et 2.700
m de fond! Pas grand chose mais quand on pense
au volume énorme de la Méditerranée, imaginez la
quantité de chaleur qu’il a fallu pour élever ainsi la
température.
Les indicateurs biologiques du réchauffement
Les biologistes utilisent des « instruments »
très différents pour déceler les variations de
température : ils s’intéressent aux modifications
constatées sur des espèces animales et végétales.
Les animaux et les plantes vivent en permanence
dans le milieu marin et, jour après jour, ils intègrent
tout ce qui s’y passe. Ainsi, même si la température
présente des fluctuations journalières et saisonnières
irrégulières, les espèces vont réagir globalement, en
fonction de la tendance moyenne. Ces espèces sont
des bio-indicateurs et elles peuvent nous renseigner
sur les changements actuels de la température en
Méditerranée.
La migration des poissons associée au
réchauffement
En conduisant des inventaires réguliers d’espèces,
en dénombrant périodiquement les individus par
espèce, les biologistes ont constaté que certaines
espèces, absentes ou très rares par le passé, sont
devenues relativement fréquentes de nos jours.
Ainsi, des espèces méditerranéennes, abondantes
Barracudas (Sphyraena viridensis) Diable de mer (Mobula mobular)
© David LUQUET © Jean-Marie DOMINICI