Méditerranée Mer Vivante 20e édition

(jfmeinesz) #1

Espèces protégées La Faune 47


Protégeons ces espèces menacées


que ce zoanthaire
présente une
agressivité chimique
extraordinaire vis-
à-vis de la gorgone
hôte, provoquant
des nécroses
qui libèrent l’axe
squelettique de la
gorgone, lequel est
aussitôt occupé par
la gérardia. Celle-ci
secrète ensuite son
propre squelette
qui enrobe celui
de la gorgone. Petit
à petit, la gérardia envahit toute la gorgone et
continue de croître en se ramifiant de la même
manière que la gorgone tout en augmentant le
diamètre des branches par dépôt de son squelette.
Des colonies de gérardia peuvent ainsi dépasser 2
mètres de haut avec une base très épaisse. Quel
âge peuvent avoir des colonies de gérardia aussi
grandes? A Hawaï, une grande colonie de « gold
coral » datée par radiocarbone a été datée de plus
de 2700 ans, un record pour une espèce marine!
D’autres traits extraordinaires de S. savaglia
concernent la distribution de ses populations.
Celles-ci peuvent être rencontrées sur un très
large espace vertical, depuis 15 m jusque vers 700 m
de profondeur, une adaptation similaire à celle du
corail rouge.
La gérardia de Méditerranée existe dans la plupart
des régions du bassin méditerranéen depuis le
détroit de Gibraltar jusqu’en mer de Marmara,
mais semble absente du bassin levantin. Elle existe
également dans le proche Atlantique, au nord
jusqu’en Galice.
Elles peuvent former d’importantes agrégations
de colonies, comme dans la baie de Kotor
(Montenegro). Mais plus généralement, en
Provence et en Corse notamment, les individus


coloniaux sont rares
et extrêmement
dispersés. Dans la
région marseillaise, on
ne connaissait qu’une
seule colonie, à 42 m de
profondeur au pied de
l’îlot du Grand Conglue,
ceci avant que H.
zibrowius ne la multiplie
par bouturage sur des
gorgones avec grand
succès dans plusieurs
sites jusqu’à 6 m de
profondeur. En Corse un
magnifique exemplaire
faisait l’attraction des plongeurs dans le site de
Merouville aux Lavezzi (Parc naturel marin des
Bouches de Bonifacio) avant que des plongeurs
peu scrupuleux ne le prélèvent.
Comment une espèce présentant une telle capacité
de colonisation des gorgones, lesquelles sont très
disponibles, peut être aussi rare? Cette énigme
trouve peut-être son explication dans la biologie
de la reproduction de cette espèce, qui est très mal
connue. On peut supposer qu’une colonie isolée
ne peut pas se reproduire sexuellement (sexes
séparés) et que les larves issues d’une reproduction
sexuée sont peu nombreuses et n’ont qu’une très
faible capacité de dispersion spatiale. En tout cas,
il y a des restrictions à l’expansion de la gérardia,
et c’est une grande chance pour les gorgones de
Méditerranée!

Du fait de sa rareté, de l’intérêt que peuvent
porter des collectionneurs pour son squelette de
corail noir, et de sa vulnérabilité à l’arrachage par
les engins humains, S. savaglia est considérée
comme une espèce en danger, inscrite à l’annexe
II des conventions de Berne et de Barcelone.

Les polypes de la gérardia constitués en colonie
autour d’un axe de gorgone

© Jean-Georges HARMELIN
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