Espèces protégées La Faune 59
Protégeons ces espèces menacées
mortalités importantes ont été signalées près
d’Ajaccio, en France continentale (Cannes, Iles
de Lérins), mais aussi dans le bassin oriental de la
Méditerranée notamment autour de l’île de Malte
et devant les côtes turques et grecques. Durant
l’été et l’automne 2018, la parasitose a affecté la
Réserve naturelle de Cerbère-Banyuls, la totalité
des côtes des Alpes-Maritimes et monégasques
puis ponctuellement celles du Parc national des
Calanques.
L’agent mettant en péril la grande nacre a été
identifié. C’est un parasite unicellulaire mesurant
près de 3 millièmes de millimètres, un protozoaire
du groupe des haplosporidés. L’espèce qui sévit en
Méditerranée est nouvelle pour la science, elle a été
nommée Haplosporidium pinnae.
Des Haplosporidés similaires sont connus pour être
des parasites très nocifs. Depuis les années 1950,
ces parasites sont les responsables de ravages dans
les peuplements d’huîtres comestibles des côtes
américaines de l’océan Atlantique.
Lors de sa reproduction, le parasite s’installe
dans la glande digestive de la nacre, où il «pond»
des milliers de spores. Ces dernières bloquent le
fonctionnement de la glande digestive. Ne pouvant
plus se nourrir, la nacre meurt de faim en quelques
semaines. Toutes les nacres atteintes restent
ouvertes, elles ne se ferment pas au toucher, les
plongeurs peuvent ainsi facilement les repérer.
Durant l’été 2018 en France, de nombreux plongeurs
amateurs ont aidé les scientifiques à évaluer la
progression de la maladie. Une telle opération
de «science participative» a été organisée dans la
baie de Villefranche-sur-Mer fin octobre 2018 sous
l’égide de RAMOGE avec divers clubs de plongée de
la région (NaturDive, Rand’eau Evasion, Nausicaa).
Une trentaine de plongeurs ont parcouru une
surface de 3 hectares où ils ont recensé plus de 800
nacres bien vivantes. Seules 3 nacres présentaient
alors des symptômes de l’atteinte parasitaire.
Mais fin novembre 2018 la moitié de ces nacres ont
été trouvées mortes ; un mois plus tard la mortalité
atteignait plus de 70 % des individus. Cette même
progression fulgurante de la maladie a touché
Monaco, où le peuplement de nacres était suivi
depuis une quinzaine d’années par des scientifiques
collaborant avec la Direction de l’environnement de
Monaco.
Pour suivre le phénomène et recenser toutes
les signalisations de mortalités en France, une
coordination a été mise en place dès la fin 2017
sous l’égide de l’Institut Océanographique Paul
Ricard, situé aux Embiez. Un tableau participatif en
ligne a été ouvert, où chacun peut décrire l’état des
peuplements dans sa zone de plongée.
Bien que la situation actuelle semble sans issue,
deux pistes sont envisagées pour assurer sur le long
terme la survie des grandes nacres de Méditerranée :
Haplosporidium pinnae en microscopie à
balayage.
© Catanese et al ; 2018. J. invert. path., 157 : 9-24
1 micron