J'irai manger des khorovadz
champ et viennent à ma rencontre. Je me demande quelle est leur
intention. Avec un sourire non dissimulé lâun dâeux me tend timidement
un sac plastique bien rempli. Ce sont des tomates et des poivrons qui
compléteront agréablement le repas du soir. Quelle touchante attention!
Ils nâont pas envie de repartir. Je leur montre ma tente mon vélo jâessaie
de leur expliquer quelle est ma destination. La luminosité déclinant ils
sâen vont avec de grands signes de la main.
Pour une fois je peux profiter dâune longue soirée tranquille. Je me
suis arrêté plus tôt que dâhabitude aujourdâhui grâce à lâopération « eau
du puits ». Je jouis du magnifique coucher de soleil au-delà des arbres et
de la vue sur les champs et sur les montagnes environnantes. La fatigue
commence cependant à mâenvahir et je me glisse dans mon sac de
couchage avec contentement sans pouvoir esquiver la difficulté Ã
mâallonger. Chaque mouvement non maîtrisé me provoque une grimace
un sursaut un rictus. La poitrine est très douloureuse. Côté gauche. Le
moindre effort déclenche de lancinants tiraillements. Le cÅur? Non.
Dans la journée il mâest arrivé une mésaventure. Jâavais déplié la toile
de tente en vue de la mettre à sécher sur un parapet le temps de grignoter
quelques fruits secs. Au moment de la récupérer jâavance doucement car
le vent lâa fait glisser sur le côté et elle traîne en partie par terre. Je pose
un pied dessus puis le deuxième et là je sens le sol se dérober sous moi.
Impossible de reculer. Je suis entraîné je crois tomber dans un gouffre!
Il y avait là un trou que je nâavais pas remarqué. Je mâéclate sur le
parapet en barres de fer qui se trouve devant moi. Le choc! Juste au
niveau de la poitrine. Ma respiration est brusquement coupée. Mon
souffle sâarrête. Je glisse sur la toile. Je tombe lourdement. Passablement
sonné je reste assis en attendant de reprendre mes esprits. Il me faudra
quelques minutes avant de retrouver une respiration normale. Lâimpact
laisse des traces. Ma poitrine est douloureuse et cette sensation va durer
tout le voyage surtout quand je vais respirer à fond. Cette blessure sera
encore plus ou moins sensible plusieurs mois après mon retour. Peut-être
une côte fêlée ou cassée? Je ne le saurai jamais. En tous cas ce soir-lÃ
le souvenir de la chute est bien présent et palpable dans ma tête et dans