J'irai manger des khorovadz

Lâcher-prise

Le début est mémorable avec un vent de face par moments
impressionnant. Et quand Mister Mistral souffle sérieusement dans la
vallée du Rhône il ne fait pas semblant. Lui aussi n’avait pas envie que
je parte? Fort heureusement un vélo couché permet d’atténuer
sensiblement cette difficulté même si le modèle que j’utilise n’est pas
très bas. Je m’en vais sans idée préconçue sans vraiment d’attente
particulière si ce n’est d’espérer les rencontres sur la route. Et encore je
me demande comment elles vont pouvoir se provoquer car je n’ai pas
l’expérience de ce genre d’aventure et mon légendaire caractère réservé
me retient d’aller vers les autres. Je n’ai pas trop prévu de visites –
touristiques – car je ne sais pas si j’en aurai le temps. Je dois respecter la
date impérative du visa russe et la date de retour déjà programmée. Après
la libération de la tension du départ c’est la pression de l’arrivée qui la
remplace! Pendant combien de kilomètres vais-je pouvoir rouler chaque
jour? Aurai-je besoin de journées de repos? Comment dénicher tous les
soirs un lieu propice pour détendre mon organisme fatigué? Autant
d’interrogations sans réponses.
À une dizaine de kilomètres de Valence le long du Rhône je me
revois quelques mois en arrière à l’endroit où j’ai avoué à ma femme en
toute candeur mon infidélité programmée! J’ai tenu ma promesse et j’en
suis fier. Me voilà seul en symbiose avec ma petite reine face à mon
destin choisi et assumé laissant derrière moi ma princesse esseulée.

Après un parcours de 94 km j’arrive comme prévu chez Anne et Yves
qui m’accueillent dans le jardin de leur superbe maison restaurée non
loin du Rhône vers Les Roches de Condrieu. Une famille adorable qui
m’attendait avec un succulent repas. Les enfants sont tout excités de
recevoir leur premier hôte cyclo. Je me délecte à sentir et goûter les
saveurs de leurs sirops et glaces faits maison. Et bio. Cette nuit-là je
profite d’un bon lit dans cette pièce au gigantesque plafond. Je savoure
ces moments dans des draps soyeux sentant la fraîcheur essayant de bien
m’en imprégner voulant presque retarder l’instant où je vais glisser dans
la nuit qui m’ouvre son merveilleux. Car j’ignore quand aura lieu le
prochain repos dans un lit...