J'irai manger des khorovadz

Vodka on the beach

• Tuuuuuut!
  Le klaxon surpuissant du long train de marchandises qui longe
  poussivement la chaussée déchire mes tympans. Il me sort de
  l’engourdissement dans lequel m’ont plongé un réveil trop matinal et le
  ballottement de la mer. Je regarde vers la locomotive juste à temps pour
  apercevoir le conducteur me saluer de la main. Stupéfait je réalise que
  ce tonitruant coup de klaxon m’était destiné.
  Quelques heures plus tard je remarque le sigle Wifi affiché dans une
  station-service. Même s’il n’y a pas d’impératif particulier je m’arrête.
  Je demande à la caissière comment obtenir la connexion... mais
  aujourd’hui le réseau sans fil est en panne. Je parcours les rayons de la
  boutique en cherchant une boisson qui va apaiser ma soif et m’aider à
  refouler la chaleur. La patronne s’approche de moi et m’oriente vers les
  frigos. Alors que je lève la main pour attraper une canette coincée elle
  m’agrippe le bras et m’emmène – ou plutôt me tire – vers le couloir. Elle
  me pousse dans son bureau. Je n’ai pas le choix. Dans quel guet-apens
  suis-je tombé? Elle dégage un siège et me fait signe de m’asseoir. Je
  crains le pire. Elle m’installe devant son ordinateur et me demande ce
  que je veux chercher sur internet... Je lui réponds qu’il n’y a pas
  d’urgence. La caissière arrive accompagnée d’une autre employée. Elle
  me tend la canette avec un sourire de connivence. À elles trois elles
  forment une sorte de barrière autour de mon siège. Je reste là quelques
  minutes à vérifier l’itinéraire jusqu’à ce que profitant de leur inattention
  je puisse me lever et quitter la pièce. Quand je franchis la sortie elles me
  saluent avec de grands signes. Je reste encore étonné d’un tel accueil.
  Les Russes se comportent-elles toutes avec autant d’aménité? À moins
  qu’elles ne cherchent à se rendre désirables dans l’espoir inavoué
  d’accéder aux faveurs d’un étranger...
  En haut d’une côte je rattrape des vélos bien chargés. C’est la
  première fois depuis des semaines que je rencontre des cyclonomades
  qui vont dans la même direction que moi. J’en ai croisé trois autres qui
  allaient en sens inverse. Je m’arrête pour échanger quelques mots avec ce
  couple russe de l’Oural. Ils sont partis de Sevastopol avec pour
  destination finale Anapa. C’est ma ville étape de ce soir.