J'irai manger des khorovadz

De l’élégance du pardon

célébrer mon arrivée. Les enfants du centre d’accueil ont revêtu leurs
habits de circonstance. « Espoir pour l’Arménie » l’ONG à laquelle
nous destinons les dons a mis en place cet événement à mon insu. J’ai à
peine le temps de descendre du vélo. Ils sont tous là devant moi et ils
interprètent des chansons en arménien.
Après la bienvenue solennelle de Samuel le directeur une jeune
adolescente vient vers moi portant un plat en métal doré sur lequel est
posé un pain enrubanné de rouge. La jeune fille est habillée en
princesse : robe longue rouge-grenat bordée de triangles de couleurs. Sa
très grande chevelure brune coule sur son vêtement le long de son corps
et jusqu’à ses hanches. Je reste perplexe et ne sais pas trop quelle attitude
adopter. Devant mon embarras quelqu’un s’approche et m’explique
discrètement à l’oreille qu’il faut détacher un petit morceau de pain le
« tremper » dans le bol de sel placé au milieu du pain avant de le porter à
sa bouche. Je m’exécute sans trop comprendre la signification de ce
geste. Tous les autres enfants sont vêtus de collants de danse noirs et
tiennent à la main de gros pompons pelucheux multicolores. Leur regard
traduit la fierté de participer à cette cérémonie d’accueil sur le parvis.
Plus tard j’ai demandé des précisions sur ces moments. La coutume du
pain et du sel est une ancienne tradition d’origine russe que je ne
connaissais pas destinée à honorer un invité de marque un geste pour
manifester solennellement l’hospitalité qui est offerte. Trois heures
auparavant personne ne savait que je serais présent et moi non plus
d’ailleurs puisque je m’étais trompé de trajet.
Quel accueil! Cette spontanéité et cet enthousiasme à mon intention
moi l’inconnu à vélo me bouleversent! Je me sens un peu ridicule dans
mon accoutrement de cyclotouriste : short ras des cuisses et tee-shirt
jaune fluo... Pourtant je dois faire bonne figure même si je suis pris de
court et probablement pas à la hauteur de l’événement faute de m’y être
préparé.
Le soir je vais assister à un match de futsal sur le petit terrain intérieur
du centre d’accueil. Quelle énergie quelle motivation et même quelle
hargne ont tous ces jeunes à taper sur ce pauvre ballon!