J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
De l’élégance du pardon

Cet événement résonne comme en écho au tremblement de terre que
j’ai vécu étant enfant le 12 décembre 1959. Nous habitions au seizième
étage d’un immeuble à Oran dans la cité Perret un grand ensemble du
centre-ville abritant environ 700 familles. J’avais cinq ans. Ce soir-là ma
mère était seule avec mes deux frères et moi. Mon père était encore en
déplacement peut-être dans le désert. Un grondement a commencé à
poindre et à se propager le long de l’édifice. Puis peu après 21 heures
tout a tremblé. Les meubles dans le salon ont fait entendre des
craquements et ont bougé glissant inéluctablement vers l’autre extrémité
de la pièce. Le lustre s’est mis à tanguer. Nous ne savions pas comment
réagir coincés au dernier niveau du bâtiment. Avec l’amplitude de la
hauteur les effets étaient d’autant plus intenses. Alors ma mère nous a
sortis de nos lits et nous nous sommes précipités sur le palier je m’en
souviens encore. L’ascenseur ne marchait plus bien sûr. Il a fallu
descendre les seize étages à pied dans les escaliers exigus de cet
immeuble récent. Mon jeune frère avait un an. C’était l’affolement pour
tout le monde. Des cris de panique et des pleurs d’enfants résonnaient de
toutes parts. Je crois que durant les jours qui ont suivi nous avons été
recueillis chez mes grands-parents dans leur appartement boulevard
Vauchez^109 en attendant de réintégrer notre domicile.


En arrivant à l’entrée de Chirakamout j’imagine la terreur des
habitants lorsqu’ils ont vécu cette catastrophe. Cet événement a suscité la
création de l’ONG « Espoir pour l’Arménie » qui initialement n’était
pas destinée à durer.
Je bifurque et je pénètre dans la rue principale qui me conduit en face
de la mairie. Pas grand monde en cette fin de journée seuls trois ados
squattent le banc devant une statue. Premier contact que j’établis avec la
population : je leur propose de prendre une photo à mes côtés et ils
acceptent sans trop d’enthousiasme. Comme des ados ; ils sont les
mêmes partout. Plus loin dans une rue je croise une famille. Je suis
surpris de découvrir que tous sont au courant de ma venue. Peu de temps


(^109) Aujourd’hui dénommée « Hocine Ibn Ali ».

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