De lâélégance du pardon
Gilbert mâappelle et me ramène dans le concret en mâinformant des
dernières avancées du programme : je suis attendu à lâentrée de la
capitale avant la réception officielle au siège de lâONG. Mon devoir est
dâarriver à lâheure.
Midi. Ma chair me rappelle à la réalité. Jâemprunte un chemin de
traverse pour mâaccorder un instant de répit délaissant la ligne droite de
la route que lâon croirait filer vers lâinfini comme une aventure sans fin.
Je me sens bien petit au milieu de lâimmensité de cette plaine entourée
de montagnes démesurées. Je prends conscience de ma fragilité et de ma
finitude face à une nature toute puissante qui invite à lâhumilité. Elle a
été présente avant moi et le sera après. Lâhomme veut la dompter mais
câest elle qui règle nos vies. Que serions-nous sans soleil ou sans eau?
Elle mâaccorde un décor princier pour mon ultime repas en solitaire.
Jâavais dans mes bagages un plat de secours lyophilisé non utilisé. Pas
question de le ramener. Le menu aujourdâhui sera donc un couscous au
poulet! Jây ajoute lâeau chaude préparée le matin et au bout de dix
minutes le repas est prêt. Je plonge ma cuillère dans la gamelle et
ramène à ma bouche une semoule au goût nostalgique de fin dâaventure.
Aucun couscous ne sera jamais aussi bon que celui de ma mère. Encore
moins celui-ci tout prêt avec son lot de conservateurs dâexhausteurs de
goût et dâadditifs mais câest mon banquet final en solo. Chaque graine
avalée me rapproche de lâaboutissement.
Après cette halte revigorante je poursuis la rectitude du chemin.
Durant une pause photo dans lâaprès-midi deux enfants dâenviron neuf
et onze ans qui étaient à proximité dans les champs viennent à ma
rencontre. Ils sâapprochent du vélo et nous tentons dâéchanger quelques
mots. à peine reparti je constate que mon téléphone a disparu et
pourtant je lâavais utilisé peu de temps auparavant. Je reviens sur mes
pas pour retrouver les enfants et je leur demande sâils nâont pas vu mon
appareil. Jâessaie de leur expliquer que je lâai perdu. Ils répondent
seulement par un geste négatif. Je me surprends alors à les soupçonner
de me lâavoir subtilisé. Je leur propose de me montrer leurs poches en
haussant le ton. Je les accuse directement dâavoir pris le téléphone. Je
mâavance vers eux leur visage se ferme ils sont apeurés. Je me