Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1

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ÉCONOMIE  &  ENTREPRISE


SAMEDI 9 NOVEMBRE 2019

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Toyota Yaris : l’exception du « made in France »


Alors que PSA et Renault délocalisent leur production de petites citadines, le japonais reste dans l’Hexagone


A


vec son nouveau galbe,
ses écrans tactiles et sa
livrée bicolore, elle ne
devrait pas passer ina­
perçue ce week­end porte de Ver­
sailles, à Paris. La nouvelle Toyota
Yaris, quatrième version du nom,
sera accessible au public quelques
semaines après sa révélation à
Amsterdam le 16 octobre. Mais le
bain de foule de la petite citadine
ne se produira pas dans le cadre
d’un rendez­vous automobile tra­
ditionnel... Non, ce sera au Salon
du made in France, qui se tient au
Parc des expositions parisien du 8
au 11 novembre.
Car la Yaris 4 réussit une
prouesse pour une petite voiture
vendue neuve moins de
20 000 euros (les spécialistes par­
lent du segment B), celle de s’entê­
ter à être fabriquée en France, pré­
cisément sur le site d’Onnaing
(Nord), dans l’agglomération de
Valenciennes, devenu, au début
des années 2000, centre de pro­
duction du modèle pour l’Europe
et l’Amérique du Nord.

Un second modèle
Depuis son siège japonais, le géant
de l’automobile a décidé, en 2017,
de continuer l’aventure Yaris en
France. Toyota investit 300 mil­
lions d’euros à Onnaing pour pro­
duire la citadine sur une architec­
ture industrielle radicalement dif­
férente de la précédente, impli­
quant de lourds travaux sur les
lignes. L’entrée en cadence indus­
trielle devrait se produire à la mi­


  1. Pour le moment, une petite
    centaine de véhicules d’essai et de
    démonstration ont été fabriqués à
    l’usine valenciennoise. Et, cerise
    sur le gâteau, un second modèle
    produit sur la même plate­forme
    technique pourrait sortir des chaî­
    nes de Valenciennes. Les discus­
    sions sont en cours entre la direc­
    tion de Toyota et celle de l’usine
    française.
    Un demi­millier d’embauches
    accompagne cet effort industriel
    et financier puisque les effectifs de
    l’usine vont passer de 4 000 à
    4 500 salariés (intérimaires et CDD
    compris). « Nous avons déjà effec­
    tué 80 % des recrutements, expli­
    que Eric Moyere, directeur de la
    communication du site d’On­
    naing. Nous visons 3 500 CDI et la
    transformation de la quasi­totalité
    des contrats intérimaires en CDD
    de longue durée. »
    Pourtant, elle risque de se sentir
    un peu seule cette Yaris, presque
    plus française que japonaise (elle a


été, en 2012, la première automo­
bile à recevoir le label « Origine
France Garantie »). Les construc­
teurs tricolores PSA et Renault ont
fait le choix inverse à celui de
Toyota, en décidant de délocaliser
en 2020 leurs derniers véhicules à
moteur thermique du segment B
encore assemblés sur le territoire
français. Au total, ce sont
290 000 voitures du style citadi­
nes produites dans des usines
hexagonales, qui partiront à
l’étranger, selon un décompte réa­
lisé cet été par le cabinet IHS pour
le quotidien Les Echos. Soit 13 % de
la production française 2019.
Dans le détail : les 40 000 Re­
nault Clio qui sortaient toujours
de l’usine de Flins (Yvelines) quit­
tent le site avec la version 5. La Clio,
voiture la plus vendue en France,
ne sera plus produite qu’à Novo
Mesto en Slovénie et à Bursa en

Turquie. L’hémorragie la plus
sérieuse provient de PSA qui fait
passer la fabrication du petit SUV
Peugeot 2008 (150 000 véhicules)
de Mulhouse à Vigo, en Espagne, et
met fin à la production de la 208
en France (100 000), laquelle ne
sera plus produite qu’en Slovaquie
et dans l’usine flambant neuve de
Kenitra au Maroc.
« C’est l’aboutissement d’un pro­
cessus qui a commencé avec le seg­
ment A (Twingo, 108), explique
Bernard Jullien, maître de confé­
rences en économie à l’université
de Bordeaux et spécialiste de l’in­
dustrie automobile. Puis, le phéno­
mène s’est généralisé petit à petit à
tout le segment B. On arrive désor­
mais à une situation paradoxale et

inquiétante : le cœur du marché
automobile français – la petite voi­
ture – n’est plus localisé en France. »
Le résultat, c’est un solde com­
mercial du secteur automobile en
berne. Il a atteint, en 2018, un défi­
cit record : 12,4 milliards d’euros,
en hausse de 24 % par rapport à
2017 et de 100 % par rapport à 2015.
Au milieu des années 2000, l’auto­
mobile française générait un excé­
dent de plus de 10 milliards et
constituait le premier contribu­
teur au solde du commerce exté­
rieur de la France.
Comment diable fait Toyota
pour aller à ce point à contre­cou­
rant? « Il faut d’abord un produit
qui plaît, explique M. Moyere. L’ac­
tuelle Yaris datant de 2011 réalisera
encore environ 220 000 ventes
en 2019. C’est exceptionnel. » Cela
permet évidemment de convain­
cre plus facilement la maison
mère de tenter l’aventure pour le
modèle suivant. La compacité du
site de 17 hectares, relativement ré­
cent, est aussi un avantage par rap­
port à une usine ancienne lourde à
transformer. « L’implication des
équipes est fondamentale, ajoute
Eric Moyere. Elles nous ont permis
d’augmenter la productivité de
20 % en quatre ans. »

L’organisation industrielle joue
aussi. « Chez Toyota, un modèle
sera produit par une seule usine, dit
M. Jullien. Les Français ont fait le
choix de mettre en concurrence
plusieurs sites pour un même véhi­
cule. Evidemment, les usines fran­
çaises perdent à tous les coups. »
En Europe, Toyota n’est pas une
exception absolue. Ford continue
à fabriquer sa Fiesta à Cologne, en
Allemagne. « Cela montre que l’ab­
sence de production de petits véhi­
cules dans les pays à coût élevé de
main­d’œuvre n’est pas une loi
d’airain », ajoute M. Jullien.
Un espoir subsiste toutefois
pour continuer à localiser des pe­
tits véhicules en France : l’électrifi­
cation. La nouvelle Renault Zoé
est, elle, d’assemblage 100 % fran­
çais, réalisé à Flins et si le site
Smart d’Hambach (Moselle) arrête
la production des mini­voitures
thermiques, il continuera à fabri­
quer des Smart électriques. On no­
tera d’ailleurs que 60 % des Yaris
produites à Valenciennes sont des
hybrides, donc vendues plus cher
que la version à essence. Et le cons­
tructeur table sur une part de 80 %
d’hybrides pour la nouvelle Yaris
dans son calcul économique.
éric béziat

La ligne d’assemblage de la Yaris dans l’usine Toyota d’Onnaing, à côté de Valenciennes (Nord), en mai 2017. BENOIT TESSIER/REUTERS

En Europe,
le constructeur
nippon n’est pas
une exception.
Ford continue
à fabriquer
sa Fiesta
en Allemagne

le secteur du luxe se mobilise pour re­
cruter partout en France. Le comité straté­
gique de la filière de la mode et du luxe, qui
rassemble les entreprises françaises de
l’habillement, de la haute couture, des arts
de la table, de la maroquinerie, de la chaus­
sure et de l’horlogerie a lancé Savoirpour­
faire.fr, un site d’information consacré aux
formations à leurs métiers techniques et
aux offres d’emplois à pourvoir.
« Sur les cinq ans à venir, le secteur doit
pourvoir 10 000 emplois par an », ont chiffré
Guillaume de Seynes, président du comité
stratégique de la filière, directeur général
d’Hermès, et Pascal Morand, président exé­
cutif de la Fédération de la haute couture et
de la mode, mardi 5 novembre. Et de rappe­
ler que près d’un million de personnes oc­
cupent directement ou indirectement un
emploi de cette industrie en France.
Malgré la bonne santé de ce secteur, qui
génère 154 milliards d’euros de chiffre d’af­
faires, soit plus que celui de l’aéronautique

ou de la construction automobile, près des
trois quarts de ses PME et ETI (entreprises
de taille intermédiaire) éprouvent des diffi­
cultés de recrutement. En cause, notam­
ment, la mauvaise image des métiers tech­
niques en France. Le secteur pâtirait encore
aujourd’hui de la crise des années 1980­


  1. A cette époque, des milliers d’emplois
    ont disparu dans les industries de l’habille­
    ment et du cuir en France et ont ruiné les fa­
    milles qui en dépendaient.


Opération de charme
Depuis, parents et enseignants découra­
gent toute orientation professionnelle dans
cette filière. « Il faut inciter les jeunes à
choisir ces métiers manuels », estime
aujourd’hui M. de Seynes. Quitte à envisa­
ger une reconversion et pouvoir ainsi « si­
gner un premier contrat à durée indétermi­
née et sortir de la précarité », ajoute Marc
Pradal, président de l’Union française des
industries mode et habillement.

Cette opération de charme suffira­t­elle à
réhabiliter ces métiers de coupeur, piqueur,
prototypiste, mécanicien textile ou chef
d’atelier? Ce n’est pas sûr. Alors que ces
fonctions exigent rigueur et minutie, la réé­
valuation des salaires d’embauche doit
aussi être envisagée, conviennent à demi­
mot les représentants de la filière. Car, dans
cette industrie, notamment connue pour la
grande rentabilité de ses marques de luxe,
les employés débutent souvent au smic,
soit 1 521 euros bruts mensuels. Un modé­
liste peut prétendre à un salaire d’embau­
che de 26 700 euros par an, soit 2 225 euros
bruts par mois, précise la Fédération de la
haute couture et de la mode. Toutefois, aug­
menter les salaires se heurte à la préserva­
tion de la « compétitivité » des entreprises,
prévient M. de Seynes. Car toutes les entre­
prises françaises et leurs sous­traitants de­
meurent confrontés à la vive concurrence
des ateliers italiens et espagnols.
juliette garnier

10 000 emplois sont à pourvoir dans la mode et le luxe


LES  CHIFFRES


300  MILLIONS
C’est le montant en euros de l’in-
vestissement de Toyota dans son
usine d’Onnaing (Nord) pour la
production de la nouvelle Yaris.

290 
C’est le volume de production
de petites voitures françaises
(segment B) délocalisé hors de
France par les constructeurs
français PSA et Renault en 2020.

12,4  MILLIARDS
C’est, en euros, le déficit com-
mercial 2018 du secteur auto-
mobile ; il était de 9,9 milliards
d’euros en 2017. Il est désormais
équivalent à celui du secteur
textile (12,8 milliards) et plus très
éloigné de celui de l’informati-
que électronique (14,8 milliards).

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5 NOVEMBRE –
5 JANVIER

ADIEU


FERDINAND!


SUITE ET FIN.


TEXTE, MISE ENSCÈNE ET INTERPRÉTATION

PHILIPPE CAUBÈRE


LABALEINE ET LECAMPNATURISTE


LECASINO DENAMUR I


LECASINO DENAMUR II CRÉATION


FERDINAND!


TEXTE, MISE EN SCÈNE ET INTERPRÉTATION

TROIS SPECTACLES
EN ALTERNANCE
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