Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1

0123
SAMEDI 9 NOVEMBRE 2019 france| 7


Des actes antimusulmans décomplexés


Nombreux sont ceux qui dénoncent une « libération de la parole » au quotidien


D


ans le métro parisien,
Nawel, 40 ans, s’est fait
arracher son voile d’un
coup sec, par­derrière. Quelques
mois plus tard, un agent munici­
pal chargé de faire traverser les
écoliers l’a copieusement insul­
tée avant de l’agresser physique­
ment. A Lyon, au passage de Sa­
mia (les prénoms ont été modi­
fiés), 38 ans, dans une rue, un
homme s’est mis à hurler : « Ren­
tre chez toi! » Elle portait un fou­
lard. Fatima, une aide­soignante
de 60 ans exerçant dans le
Val­d’Oise a, elle, cessé son acti­
vité de visites à domicile. A la vue
de son voile, certaines personnes
refusaient de lui ouvrir la porte.
Petites phrases, insultes, regards
de travers, grimaces et discrimina­
tions font partie du quotidien des
musulmans français, qui ont le
sentiment de subir les conséquen­
ces des crispations politiques et
sociales croissantes autour de l’is­
lam, selon les témoignages re­
cueillis par Le Monde. Un climat
d’inquiétude que confirme un
sondage conduit par l’IFOP, au té­
léphone, auprès d’un échantillon
de 1 007 personnes de 15 ans et
plus se déclarant musulmanes, à la
demande de la Délégation inter­
ministérielle à la lutte contre le ra­
cisme, l’antisémitisme et la haine
anti­LGBT (Dilcrah) et de la Fonda­
tion Jean­Jaurès, rendu public
mercredi 6 novembre.
Cette enquête est parfois difficile
à interpréter car elle ne fait pas
toujours la part entre les facteurs
religieux, ethniques ou d’origine
géographique. Frédéric Potier, à la
tête de la Dilcrah, en admet les « li­
mites », mais la considère comme
une « base de travail et de ré­
flexion ». Elle fournit en effet des
indications utiles sur la percep­
tion par les musulmans eux­mê­
mes de l’hostilité à laquelle ils se
disent confrontés.

Les femmes plus exposées
Les chiffres corroborent le senti­
ment d’insécurité. Les musul­
mans sont plus nombreux (24 %)
que le reste de la population (9 %)
à déclarer avoir déjà été victimes
d’insultes ou d’injures en raison
de leur religion. Un écart existe
aussi pour les actes de violence
physique, même s’il est moins
spectaculaire (7 % contre 3 %). Le
fait d’être une femme d’une part
(elles sont 30 % à déclarer avoir
été insultées, contre 19 % des
hommes) et celui de porter un
foulard de l’autre (42 % de celles
qui le portent « souvent » ont été
insultées, mais aussi 27 % de cel­
les qui ne le portent « jamais »)
accroissent la probabilité d’être
verbalement agressé.
Ces chiffres, les citoyens de
confession musulmane l’expli­
quent en partie par un phéno­
mène de « libération de la parole »
qui s’accentue depuis quelques
années. « Le débat politique a dé­
complexé certaines personnes qui
se sentent autorisées à pratiquer
ce qu’on appelle en sociologie un
“racisme subtil”, atteste Vincent
Tiberj, professeur des universités
à Sciences Po Bordeaux et coau­
teur du rapport annuel de la Com­
mission nationale consultative
des droits de l’homme (CNCDH)
sur la lutte contre le racisme, l’an­
tisémitisme et la xénophobie.
Aujourd’hui, ils savent que ce n’est
pas bien de traiter quelqu’un de
“sale Arabe” et presque plus per­
sonne ne pense en termes de races
et de hiérarchie des races. »
De ce point de vue, la pédago­
gie a fonctionné. En revanche,
les débats sur l’islam permettent
aux « antimulticulturalistes » de

s’exprimer « en toute bonne foi » et
« en toute bonne conscience ». « Au
nom de la laïcité ou de l’égalité
homme­femme, on peut exprimer
son racisme antiarabe, antinoir et/
ou antimusulman », poursuit le
professeur des universités.
Face au facteur de risque, certai­
nes femmes modifient leur com­
portement. Mina, une Toulou­
saine de 27 ans, attend toujours
que toutes les voitures soient
passées avant de traverser, « car
plusieurs fois, certains ont accé­
léré ou klaxonné ». Si Linda,
35 ans, ingénieure en biochimie,
se sent « à l’abri » dans son quar­
tier de Noisy­le­Grand (Seine­
Saint­Denis), à Paris, en revanche,

elle craint de se faire insulter ou
agresser et porte son foulard de
manière « plus cool » : elle cache
ses cheveux sous un chapeau ou
une casquette et noue un chèche
autour de son cou.

Situations discriminantes
Au total, pas moins de 42 % des
musulmans interrogés disent
avoir été victimes de discrimina­
tion en raison de leur religion
(46 % des femmes et 38 % des
hommes). Ce taux monte à 60 %
chez celles qui portent « sou­
vent » un foulard (44 % de celles
qui n’en portent pas). Ces don­
nées gagneraient cependant à
mieux distinguer le rôle de la re­

ligion dans les discriminations
perçues par rapport aux autres
facteurs, comme la couleur de la
peau ou l’origine familiale. « On
le sait, les discriminations sont
multifactorielles et liées à des
questions d’apparence », affirme
Vincent Tiberj, de la CNCDH.
Plusieurs types de situations dis­
criminantes sont relevés dans
l’enquête de l’IFOP, comme les
contrôles par les forces de police,
la recherche d’un emploi, d’un lo­
gement ou les relations avec les
établissements scolaires. Mais
c’est sans doute dans la vie profes­
sionnelle que le port d’un signe de
religiosité visible pose le plus de
difficultés, notamment à l’embau­

che. Amina, 38 ans, en a fait expé­
rience. Elle avait beau être major
de sa promotion dans une école
de commerce réputée, elle est res­
tée deux années au chômage
avant de décrocher un emploi,
dans les Hauts­de­Seine, au prix
d’une concession qu’elle a vécue
comme une « déchirure » : elle a
troqué son voile traditionnel pour
un turban, que son employeur ac­
tuel accepte. Pour Frédéric Potier,
les discriminations éprouvées par
les plus diplômées traduisent « un
vrai fossé entre la promesse répu­
blicaine et les emplois qui s’of­
frent » à ces bac + 5.
cécile chambraud
et louise couvelaire

et Français de confession musul­
mane » et appelle à y faire face. Le
texte a été adopté à l’unanimité,
un événement inédit au PS, habi­
tué à se déchirer depuis plusieurs
années sur cette thématique.
Certains élus, minoritaires,
auraient aimé que leur organisa­
tion participe à la manifestation
sur ses propres mots d’ordre, afin
de montrer leur solidarité. « On a
encore une position trop raide. La
question de la signature de cer­
tains courants avec lequel nous
sommes en radical désaccord, tels
la LDJ ou le Betar [groupe musclé
de la droite israélienne], ne se pose
pas quand il s’agit de manifester
contre l’antisémitisme », note un
ancien ministre. Mais la plupart
se satisfont d’une position jugée
raisonnable. « Ce qui s’est passé à
Bayonne commence à secouer les
consciences. Aujourd’hui il n’y a
plus chez nous de débat sur l’exis­
tence d’un racisme antimusul­
man », remarque Fatima Yadani,
membre de la direction. Le dé­
part des plus intransigeants, tels
Manuel Valls et d’autres cadres
vers LRM, ou d’autres avec Em­
manuel Maurel vers LFI, a permis
un climat moins clivant sur les
questions liées à la laïcité.
Olivier Faure est convaincu que
la position adoptée par son parti
est la bonne au regard des désiste­
ments de la liste des signataires.
« On sent qu’on a influencé le dé­
bat en refusant un cadre trop cli­
vant », estime un de ses proches.
Pour enfoncer le clou, le député
de Seine­et­Marne devait propo­
ser, dans les prochains jours, l’or­
ganisation d’un rassemblement
« contre la haine des musulmans »
en appelant les organisations ré­
publicaines à s’y joindre. Une ma­
nière d’élargir la mobilisation à
partir d’un cadre plus consensuel
et moins marqué. « Il est urgentis­
sime de rassembler sur une ligne
universaliste et égalitaire », insiste
Stéphane Troussel, président du
conseil départemental de Seine­
Saint­Denis. Et de dépasser les
vieux clivages.
abel mestre
et sylvia zappi

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