16 |économie & entreprise MARDI 15 OCTOBRE 2019
0123
Q
uel est le contenu de
mon assiette? Estce
bon pour ma santé?
Ces questions re
viennent comme un
leitmotiv dans le quotidien des
Français. Au point que 13 millions
de nos concitoyens ont déjà télé
chargé l’application Yuka, prêts à
brandir leur smartphone dans
les rayons des magasins pour
scanner le codebarres d’un pro
duit et décider si oui ou non, en
fonction de sa note, il aura le
droit de se glisser dans le panier
de courses.
« Yuka est une révolution », n’hé
site pas à déclarer Augustin Pa
luelMarmont, cofondateur de la
marque Michel et Augustin. Les
notes qui donnent des sueurs
froides aux entreprises agroali
mentaires sont concoctées dans
les cuisines de l’application à la
carotte. Avec une base forte, le
NutriScore. « Il représente 60 %
de la notation », explique Julie
Chapon, qui a fondé la startup
avec les frères Benoît et François
Martin, en 2017.
Adopté en France par arrêté mi
nistériel, le 31 octobre 2017, pour
un usage facultatif, ce système
d’étiquetage nutritionnel gagne
du terrain. A l’aide d’une échelle
de couleurs (du vert au rouge) et
de lettres allant de A à E, il offre
une manière simple pour le con
sommateur de comparer et de
choisir biscuits, plats préparés ou
confiseries..., en fonction de leur
teneur en gras, en sucre et en sel.
Extension à d’autres pays
Deux ans après son entrée en vi
gueur, le NutriScore agrandit le
cercle de ses adeptes, emboîtant
le pas aux pionniers comme
Fleury Michon, Danone, Bon
duelle ou Marie. « Deux cents en
treprises et marques l’ont adopté »,
se réjouit le professeur Serge
Hercberg, l’ancien président du
Programme national nutrition
santé. Et ce, sans compter le rallie
ment au NutriScore, en juin, du
leader mondial de l’agroalimen
taire, le suisse Nestlé. Ni celui de
Carrefour, qui vient d’annoncer
vouloir l’apposer sur 7 000 de ses
produits propres d’ici à 2022.
« D’ici à la fin de 2019, 70 % de nos
produits ultrafrais auront le mar
quage NutriScore », précise Lau
rence Peyraut, secrétaire générale
de Danone.
Surtout, cet étiquetage étend sa
couverture géographique. Après
la France, la Belgique, la Suisse et
l’Espagne, c’est au tour de l’Alle
magne de s’en emparer. « La mi
nistre de l’agriculture allemande
[Julia Klöckner] a officialisé cette
décision le 30 septembre, à la suite
d’une étude qui a démontré que
57 % des personnes interrogées
soutenaient le NutriScore. C’est
une étape importante pour son
adoption en Europe », estime
M. Hercberg. Pour passer du sta
tut d’étiquetage volontaire à celui
d’étiquetage obligatoire, une ini
tiative citoyenne européenne,
baptisée « ProNutriScore », a été
lancée, en mai, par des associa
tions de consommateurs dont
UFCQue choisir. Il lui faut réunir
plus de 1 million de signatures
d’au moins sept pays.
L’intérêt du NutriScore est
d’être adoubé par les autorités de
santé publique et, bien sûr, d’ap
paraître clairement sur le produit,
et donc d’être un repère simple
pour le consommateur. Lorsque
l’industriel n’a pas choisi de l’affi
cher, certains se sont chargés de
l’établir, comme Open Food Facts.
Cette association a créé une base
de données collaborative ouverte
à tous et labellisée par Santé pu
blique France, qui liste, pour un
maximum de produits en France
et à l’international, le NutriScore,
la composition, les allergènes, les
additifs, mais aussi le degré de
transformation du produit.
D’autres bases de données nu
tritionnelles se sont constituées,
prouvant l’enjeu de détenir cette
information. L’industrie agroali
mentaire a choisi de créer la
sienne, baptisée « CodeOnline
Food ». Chaque société peut donc,
si elle le souhaite, n’y inscrire que
les informations légales obliga
toires et celles qui veulent s’y con
necter directement doivent payer
une cotisation.
Quant à Yuka, elle a fait le choix,
pour maîtriser ses données, de
travailler avec la société Alkemics.
Cette entreprise française, qui a
levé 20 millions d’euros, a créé
une plateforme d’échange de
données entre industriels et dis
tributeurs. Elle est payante pour
les entreprises qui mettent en li
gne leurs informations et ouverte
gratuitement depuis peu à des ap
plications comme Yuka ou celle
que prépare UFCQue choisir.
Car les initiatives de création de
ce type d’applications se multi
plient. Système U a lancé, en 2018,
Y’A Quoi Dedans, qui s’appuie sur
Open Food Facts et a été téléchar
gée 500 000 fois. Une nouvelle
version est en préparation, qui
met en valeur le NutriScore,
comme l’appli ScanUp, fondée
sur le modèle d’Open Food Facts.
Pour se distinguer, ScanUp pro
pose aussi une classification des
produits en fonction de leur degré
de transformation et s’appuie sur
une échelle établie par la startup
Siga. Cette dernière veut dévelop
per son propre label en la matière,
qu’elle souhaiterait commerciali
ser auprès des industriels et envi
sage de lancer sa propre applica
tion en 2020.
Mais cette démarche, comme
celle de Yuka, pose certaines ques
tions. Certains s’interrogent sur le
fondement scientifique de telles
notations. « Nous sommes favora
bles à tout ce qui peut éclairer le
consommateur, mais sur les appli
cations, en particulier la plus
grosse, on est réservés sur l’infor
mation qui conduit à l’évaluation »,
estime Mme Peyraut. « Nous allons
mettre en ligne les données scienti
fiques sur les additifs que nous utili
sons pour établir notre notation »,
répond Mme Chapon. La présence
ou non d’additifs compte ainsi
pour 30 % de la note Yuka.
Il n’empêche. Le NutriScore et
les applications comme Yuka
bousculent l’industrie agroali
mentaire et accélèrent les refor
mulations des produits. Inter
marché a annoncé la refonte de
900 recettes de ses produits pro
pres pour obtenir un NutriScore
A, B ou C et une note Yuka supé
rieure à 50. A la clé, la suppression
de 142 additifs.
laurence girard
Ligue des champions : RMC Sport et Mediapro en lice
L’UEFA lance, lundi 14 octobre, l’appel d’offres pour la diffusion de la compétition de football à partir de 2021
Q
ui sera candidat à l’achat
des futurs matchs de
football PSGReal Ma
drid ou Manchester Ci
tyLille? Lundi 14 octobre, l’UEFA,
qui réunit les clubs de football
européens, donne le coup d’envoi
à l’appel d’offres de la Ligue des
champions, le championnat euro
péen de football, pour les saisons
20212024. Si le qatari BeIN Sports
et Canal+ ne dévoilent pas claire
ment leurs ambitions, Altice, mai
son mère de SFR, et l’espagnol Me
diapro affirment qu’ils répon
dront présent à l’appel de l’UEFA.
En 2017, le propriétaire de l’opé
rateur télécoms et de RMC Sport
avait gagné la compétition face à
Canal+, son diffuseur historique,
en déboursant 350 millions
d’euros par an pour les saisons
20182021. Deux ans plus tard, le
groupe de Patrick Drahi se dit sa
tisfait du bilan de la compétition,
explique une source proche du
groupe. Pourtant, les audiences de
la Ligue des champions sur RMC
Sport sont faibles. La rencontre
PSGReal Madrid, diffusée le
18 septembre, n’a attiré que
707 000 téléspectateurs. « A l’épo
que de Canal+ ou de BeIN Sports, les
affiches avec le PSG attiraient entre
1,5 million et 2 millions de téléspec
tateurs », témoigne un diffuseur.
Chez Altice, audelà de
l’audience, on préfère faire le lien
entre l’amélioration des résultats
de SFR et la présence de RMC Sport
dans les bouquets d’abonnement.
Les six chaînes de RMC Sport, dis
ponibles pour les clients SFR au
prix de 9 euros par mois, ou acces
sibles directement sur Internet
pour 19 euros par mois, comptent
2 millions de clients, d’après les
derniers chiffres publics, fin 2018,
dont 700 000 abonnés Internet.
Après deux années chaotiques,
l’opérateur a redressé la barre.
Son chiffre d’affaires a crû de 4 %
au deuxième trimestre, tandis
que le nombre d’abonnés fixe et
mobile a progressé. Suffisant, aux
yeux du groupe, pour redépenser
des sommes considérables.
Quatre lots mis en jeu
Pourtant, amortir une activité
aussi onéreuse – le coût de grille
total atteint 600 millions d’euros
par an, avait déclaré le patron d’Al
tice France, Alain Weill, au Monde
- paraît compliqué. D’autant
qu’Altice n’a jamais réussi à con
clure d’accord de distribution de
RMC Sport avec les autres opéra
teurs télécoms. Ces derniers ont
estimé que les 120 millions à
200 millions d’euros par an de
minimum garanti réclamés
étaient trop chers.
Face à SFR, Mediapro promet
d’être un concurrent de taille. En
tré par effraction dans le football
français en 2018, l’espagnol diffu
sera 80 % de la Ligue 1 dès la sai
son 20202021, des droits pour
lesquels il a accepté de dépenser
780 millions d’euros par an.
A moins d’un an du début des
festivités, les travaux ne sont pas
très avancés. Mediapro vient à
peine de nommer le patron de la
France, Julien Bergeaud, ancien
d’Eurosport et de Discovery.
Chez Canal+, où un plan de ré
duction des coûts portant sur la
suppression de 18 % des effectifs a
été engagé, la situation est plus
complexe. Difficile, pourtant,
pour la chaîne du sport et du ci
néma, de faire l’impasse sur la plus
prestigieuse des compétitions de
football, alors qu’elle a perdu
209 000 clients au premier semes
tre, à 4,5 millions d’abonnés.
Enfin, BeIN Sports paraît égale
ment en position délicate. Selon
Libération, sa base d’abonnés
aurait fondu à 3,2 millions de
clients fin 2018, contre 4 millions
pendant la Coupe du monde de
football. Surtout, ses comptes af
fichaient une perte de 81 millions
d’euros, fin 2018. Combien le Qa
tar seratil prêt à miser?
Les chaînes de télévision ont
déjà reçu, de la part de l’UEFA, un
document qui décrit le contenu
des quatre lots mis en jeu. Le pre
mier propose la meilleure affiche
du mardi soir, le second, celle du
mercredi et la finale, le troisième,
le reste des matchs, et le dernier
lot, destiné à une chaîne en clair,
contient la seule finale. Elles ont
jusqu’à fin novembre pour re
mettre leur copie.
L’UEFA est ensuite libre d’organi
ser autant de tours d’enchères
qu’elle le souhaite et n’est pas liée à
un prix de réserve, qui l’obligerait à
attribuer un lot lorsque ce prix est
atteint. A ce stade, une seule chose
est sûre : il y a difficilement de la
place pour quatre offres payantes
de football en France.
sandrine cassini
L’intérêt du
Nutri-Score est
d’être adoubé par
les autorités de
santé publique
et d’apparaître
clairement
sur le produit
l’appli clear fashion rêve d’être au sec
teur de la mode ce que Yuka est aux rayons
alimentaires et cosmétiques. L’appli, que
13 millions de personnes ont téléchargée
pour la consulter en magasin et choisir les
produits dépourvus d’additifs suspects, est
parvenue à infléchir les comportements
d’achat et à faire évoluer les fabricants et
les distributeurs.
Rym Trabelsi et Marguerite Dorangeon
parviendrontelles aussi à modifier les mé
thodes de fabrication des marques de
mode? Pour l’heure, ces deux jeunes fem
mes, de formation ingénieur agronome,
lancent leur application, Clear Fashion, en
France, avec les ambitions de mieux infor
mer les consommateurs d’habillement sur
les conditions de fabrication des vête
ments qu’ils achètent et de démocratiser la
mode responsable. « Il s’agit de décrypter
les engagements des marques référencées à
travers quatre thématiques : l’environne
ment, l’humain, le bienêtre animal et la
santé », avance Mme Trabelsi.
Informations sur 80 marques de mode
Disponible gratuitement depuis le 10 sep
tembre, l’application agrège les informa
tions publiques sur les engagements des
marques fournies par les fabricants ou ré
coltées par un comité d’experts. Toutes sont
notées par l’appli. L’utilisateur peut consul
ter la fiche d’une marque, après avoir saisi
son nom. Apparaît à l’écran sa note sur les
quatre thématiques et une infographie.
Chacune est balisée d’un feu tricolore.
A terme, le service entend permettre de
scanner le codebarres Gencod du vête
ment mentionné sur son étiquette et de ré
colter des informations sur le pays de con
fection, le fabricant et le produit. Cette mé
thode exige cependant que Clear Fashion
ait établi un partenariat avec son fabricant
pour en récupérer les données, y compris
celles relatives à ses fournisseurs et à ses
soustraitants.
Trop complexe? « Ce sera accessible dans
une prochaine version », assure Mme Tra
belsi. Pour l’heure, l’appli tourne avec des
informations sur 80 marques de mode.
Près de 4 500 personnes ont téléchargé
l’appli dans les deux jours qui ont suivi sa
mise à disposition sur les platesformes
Google et Apple. « A moyen terme, nous es
pérons atteindre les 100 000 télécharge
ments », précise la cofondatrice.
juliette garnier
L’application Clear Fashion se rêve en Yuka de la mode
Le NutriScore
secoue
l’industrie
agroalimentaire
Le succès des applications
qui scannent nos assiettes
contraint le secteur à évoluer
A É R O N A U T I Q U E
Boeing retire à son PDG
la fonction de président
Le conseil d’administration
de Boeing a retiré à son PDG,
Dennis Muilenburg, le titre
de président, une décision
surprise annoncée par le
constructeur vendredi 11 oc
tobre après les critiques émi
ses par un comité d’experts
sur la certification du
737 MAX. Cette dissociation
des fonctions doit permettre
à M. Muilenburg d’avoir une
« concentration maximale »
sur la supervision des activi
tés de l’avionneur au quoti
dien. – (Reuters.)
F I N A N C E
SoftBank veut empêcher
WeWork de couler
en prenant la barre
Le japonais SoftBank a mis
sur pied un plan de finance
ment qui lui donnerait le
contrôle de WeWork, le géant
des bureaux partagés, per
mettant ainsi de maintenir à
flot une compagnie qui doit
d’urgence trouver de l’argent
frais, affirme le Wall Street
Journal dimanche 13 octobre.