Edouard Philippe avec les
partenaires sociaux à
Matignon, dont Philippe
Martinez (CGT),
le 6 septembre.
Photo Albert Facelly
P
our l’union départementale de Force ou-
vrière dans l’Essonne, il y a «un seul
plan B» : «le retrait du projet de contre-
réforme des retraites». Alors, sur les réseaux
sociaux, et malgré les rumeurs de retouche du
projet du gouvernement, avec un hypothé-
tique report de sa mise en place, le syndicat
promet de se mobiliser le 5 décembre. Ils sont
nombreux à appeler à battre le pavé et faire
grève ce jour-là : la CGT, FO, la FSU, Solidaires
et les organisations de jeunesse se retrouve-
ront lors d’une première journée de grève in-
terprofessionnelle «contre le projet de réforme
de retraites par points». La date a d’abord été
choisie par l’intersyndicale de la RATP, après
une journée d’action réussie en septembre.
Forts de cette étape, les principaux syndicats
de la régie parisienne de transport proposent
désormais une grève illimitée. «Ça va être
chaud. Les agents ne comptent pas rester que
vingt-quatre heures, affirme Thierry Babec, de
l’Unsa, premier syndicat de la maison. Cer-
tains s’imaginent déjà manger la bûche de Noël
sur les piquets de grève.»
«Ambigu». A la RATP comme à la tête des
centrales, on assure qu’un potentiel plan B
retardant les effets de la réforme n’altère en
rien la mobilisation des salariés. «C’est de la
com», assure Philippe Boyer (CGT-cadres de
la RATP). «C’est un effet politique du gouverne-
ment pour laisser penser aux gens qu’il n’y a
plus de problème. Ça montre aussi que l’exécu-
tif n’est pas tranquille, pointe Catherine Per-
ret, de la CGT. Mais les gens ne sont pas dupes.
Ils ne vont pas lâcher la proie pour l’ombre.»
La cégétiste promet pour le 5 décembre un
rendez-vous «très suivi», marqué «pas forcé-
ment par des grosses manifestations, mais en
priorité par des grèves dans tous les secteurs».
«Le contexte est favorable», se félicite-t-elle.
Et pour cause : un début d’unité semble poin-
ter malgré l’absence de forces syndicales,
comme la CFDT, favorable à une réforme des
retraites. Mais un risque est bien identifié :
celui de la «segmentarisation» des revendica-
tions, où chaque secteur irait au front pour
tenter d’améliorer son propre traitement. Et
les regards se tournent vers la RATP. Premier
signe alarmant : la CGT de la régie ne s’est pas
associée au communiqué commun des autres
syndicats, le jugeant «ambigu» – le texte ré-
clame «le maintien [des] garanties statutaires»
des agents, là où la CGT fait le choix de la
«dimension interprofessionnelle» et d’un rejet
«en bloc» de la réforme. Autre anicroche :
jeudi, l’Unsa RATP a rencontré le secrétaire
d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djeb-
bari, au nom du «dialogue». Un rendez-vous
qu’elle avait pourtant refusé dans un premier
temps, comme les autres syndicats de la mai-
son. «Ils n’ont donc pas tenu parole», souffle
un syndicaliste, proche du dossier, qui craint
de voir l’Unsa RATP faire faux bond si le gou-
vernement venait à accepter une pente plus
douce de mise en œuvre de la réforme pour
les agents de la régie. Ce qui amenuiserait le
poids des mobilisations à venir.
«Compensation». «Les négociations secto-
rielles s’inscrivent dans une démarche natio-
nale», répond Thierry Babec, qui rappelle que
son syndicat n’a jamais réclamé cette réforme.
Et d’ajouter : «Quand des salariés s’installent
dans une grève longue, ce n’est pas une simple
compensation qui les arrête.» Pour couper court
à ces velléités, le gouvernement n’a pas dit son
dernier mot. Dans les prochaines semaines, le
secrétaire d’Etat aux Transports devrait venir
au siège de la RATP pour dialoguer. «Il va voir
quoi? Une centaine d’agents, relativise le cégé-
tiste Philippe Boyer. Mais on est 44 000 !»
Amandine Cailhol
A la RATP, «les salariés ne sont pas dupes»
Après une journée d’action
réussie en septembre, la régie
des transports parisiens veut
rester mobilisée, en dépit d’un
hypothétique plan B et des
craintes de «segmentarisation»
des revendications.
Libération Vendredi 18 Octobre 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 13