Courrier International - 10.10.2019

(Brent) #1

À Tokyo,


attention


chantiers


La capitale japonaise est en plein
travaux à l’approche des Jeux
olympiques. Dérangés, les rats
deviennent plus visibles.

Les rats tracassent les Tokyoïtes,
en particulier les habitants
de l’arrondissement névralgique
de Shibuya. Début août, une vidéo
postée sur les réseaux sociaux
a fait sensation au Japon. On y voit
des rats pulluler dans une
supérette du quartier, au point
que le magasin a dû fermer pour
dératiser. “Le nombre d’habitants
qui consultent les services
sanitaires de l’arrondissement à ce
sujet a plus que doublé en dix ans”,

rapporte le Nihon Keizai
Shimbun. Même si les autorités
n’ont pas encore établi la cause
de ce phénomène, “une partie
du problème vient des travaux
d’urbanisme”, analyse-t-il.
Beaucoup de grands chantiers
ont été lancés dans la capitale
japonaise en prévision des Jeux
olympiques que la ville doit
accueillir l’an prochain. Le quartier
de la gare de Shibuya, l’un des plus
animés de la ville, fait ainsi l’objet
de nombreux projets
de réaménagement. “Les rats
qui perdent leur habitat avec
les travaux urbains se répandent
dans la ville”, explique Tatsuo
Yabe, responsable d’un groupe
d’examinateurs de rats, dans
le quotidien économique nippon.
Selon un autre dératiseur, “bien
que le quartier chic de Shibuya
n’ait pas l’image d’un nid à rats,

dernièrement, on ne s’étonne
plus de recevoir des demandes
d’intervention”. La plus grande
opération de dératisation
de la capitale s’est déroulée
en octobre 2018, lors
du déménagement de l’immense
marché aux poissons de Tsukiji


  • le ventre de Tokyo. Selon
    des estimations, ce vieux marché
    aurait abrité quelque 10 000 rats.
    De crainte que son transfert
    ne conduise ces derniers
    à se réfugier dans les zones
    résidentielles environnantes,
    les autorités ont investi 35 millions
    de yens (296 000 euros) en divers
    produits de dératisation,
    dont 600 nasses, 40 000 pièges
    à glu et 300 kg de raticide. Pour
    l’heure, “nous n’avons pas eu
    de signalement de déplacement
    en masse”, se réjouit un
    responsable des autorités locales.


Razza l’aventuRieR
Évoqué dans l’article de Foreign
Policy qui ouvre ce dossier, c’est
un cobaye des plus rusés. Il a été
lâché dans la nature par un
doctorant “qui a perdu un
semestre
de travaux de
recherche après
la soudaine
disparition de
l’animal,
retrouvé grâce
à son traceur


plusieurs mois plus tard sur une
île où il avait échoué après
400 mètres de nage”, relate
New Zealand Geographic.
Ce qui lui a valu en 2006 de
devenir le héros de The Amazing
Adventures of Razza the Rat,
un album pour enfants de Witi
Ihimaera.

le dodu Rat des égouts
Bensheim, en Hesse, le
24 février 2019. Tout allait bien
pour ce rat allemand jusqu’au

moment où il a voulu se glisser
par le trou d’une bouche d’égout.
Mais, ayant accumulé un peu
trop de graisse durant l’hiver,
il s’est retrouvé bloqué. Bild a
suivi l’affaire de près, qui a vu
l’intervention de huit sauveteurs
pendant plusieurs heures et
fasciné les internautes du monde
entier. Il a finalement été
décoincé sans heurt, un des
sauveteurs concluant : “Même
les animaux haïs par la majorité
méritent le respect.”

Blek le Rat, le stReet
aRtist
De son vrai nom Xavier Prou,
le Français sexagénaire est
volontiers présenté comme
l’un des parrains et inspirateurs
de Banksy. “Habité par une
conscience sociale et le désir
d’apporter l’art au peuple,
Blek Le Rat a un programme
politique très clair”, affirmait
The Independent en 2008. Le
graffeur a entamé ses études aux
Beaux-Arts en plein Mai 1968.

Interrogé par le journal, il justifie
ainsi le choix de son emblème :
“Dans le mot ‘rat’, il y a ‘art’.
J’aime cette anagramme.” Pour
lui, l’ombre de l’animal “évoque
un soulèvement, c’est un signal
de rébellion”.

L’éradication en question
Est-il acceptable d’effacer complètement une espèce de la surface du
globe? Dans une étude sur la mouche tsé-tsé, des chercheurs concluent
que, s’il n’est pas éthique d’éradiquer ce parasite porteur de maladies
mortelles, cibler des populations isolées serait “moralement défendable”,
rapporte Science Daily. La question se pose d’autant plus que la technique
de “forçage génétique”, qui permet à un gène d’être transmis de manière
quasi certaine aux générations futures, est désormais à la portée de tous les
biologistes. Elle est envisagée chez le moustique, dont les mâles seraient
génétiquement modifiés pour produire une progéniture mort-née, stérile ou
uniquement masculine. Mais, interroge The Guardian, “si nous éradiquions
les espèces de moustiques vecteurs de maladies, d’autres espèces ne
vont-elles pas remplir la niche écologique laissée vacante? Et que se
passerait-il si nous exterminions des espèces qui jouent un rôle essentiel
mais encore non reconnu dans notre écosystème ?” C’est aussi ce que
soulevait le site néozélandais Stuff en 2018, après la parution d’une étude
sur le potentiel raticide du forçage génétique : “Le rat nous fait peut-être
horreur, mais dans certains pays sa chair est consommée, et dans d’autres il
pollinise les plantes et contribue à leur multiplication en disséminant leurs
graines.” Mérite-t-il de disparaître à jamais?

Courrier international — no 1510 du 10 au 16 octobre 2019 360 o. 53


“Le dernier candidat en lice à la mairie
de Paris : le rat !” titrait l’an dernier le site
Politico. Non sans malice, mais à raison,
car la lutte contre le petit rongeur est par-
tout devenue un enjeu majeur des poli-
tiques municipales. À New York, en 2017, le
maire Bill de Blasio a lancé un programme
d’extermination chiffré à 32 millions de
dollars. Pièges, poison, stérilisation, glace
carbonique... En vain. “New York tente
d’exterminer sa population grouillante de
rats depuis trois cent cinquante-cinq ans et
elle n’en est toujours pas venue à bout. Le
5 septembre, la dernière tactique en date
de sa campagne sisyphéenne a
été dévoilée à grand renfort de
publicité par Eric Adams, le pré-
sident du district de Brooklyn”,
ironise The New York Times.
“C’est en fait un seau qui est
censé tromper les rongeurs et les
précipiter dans la mort grâce à


une étrange préparation au vinaigre [dans En bref
laquelle ils se noient]. Cette potion toxique,
selon son fabricant Rat Trap, les empêche-
rait de pourrir trop vite et de dégager des
odeurs pestilentielles.” De l’avis de la poi-
gnée de journalistes qui ont assisté à la
présentation, ce dernier point au moins
reste largement perfectible.
—Courrier international

↑ Sur le quai d’une station de métro,
à New York. Photo Michael Appleton/
The New York Times

captures Youtube

sYbille prou
Free download pdf