12 |économie & entreprise DIMANCHE 8 LUNDI 9 SEPTEMBRE 2019
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Google défie Amazon sur
le terrain du commerce en ligne
Avec « Acheter sur Google », disponible aux EtatsUnis et en France,
le géant de la publicité en ligne riposte au leader mondial du ecommerce
E
t si Google devenait une
plateforme d’ecom
merce? Ces dernières
semaines, le secteur du
marketing et de la vente en ligne
scrute le nouveau service par
lequel le leader de la recherche en
ligne propose d’acheter des pro
duits, de la cafetière au savon, en
passant par le drone ou le pot de
moutarde. Baptisé « Acheter sur
Google », ce programme est dé
sormais « disponible pour 100 %
des internautes français depuis le
mois d’août », explique au Monde
Google. Il a été déployé discrète
ment et progressivement, depuis
l’annonce de son lancement en
France, en mars, lors d’un salon
professionnel à Monaco.
Avec cette initiative, disponible
uniquement aux EtatsUnis et en
France pour le moment, Google
s’aventure hors de ses métiers
traditionnels. Surtout, le géant de
la publicité en ligne fait une in
cursion sur le terrain d’Amazon,
le leader mondial incontesté de
l’ecommerce.
Google ne vend pas ses propres
produits mais ceux de mar
chands partenaires – Amazon
pratique, lui, ces deux activités à
parts égales. La firme califor
nienne de Mountain View pro
pose actuellement des articles
d’une trentaine d’enseignes : des
grands distributeurs comme
Carrefour, Auchan, Boulanger ou
FnacDarty mais aussi des mar
ques comme Banana Moon, Ka
poral, Kickers, MacWay, etc.
Le groupe américain espère
élargir rapidement l’offre, car le
programme est ouvert à tous les
vendeurs et notamment aux
agrégateurs comme Shopping
Feed, déjà présent. Des agences
spécialisées comme Artefact dé
marchent des commerçants de
taille moyenne qui seraient inté
ressés : « Nous pouvons les aider à
produire les flux de données à
transmettre à Google, sur les ca
ractéristiques des produits, leur
prix, les stocks en temps réel... »,
explique son cofondateur Vin
cent Luciani, notant que « Google
cherche clairement à se poser en
concurrent d’Amazon ».
Pour l’heure, « Acheter sur
Google » – « Shopping Actions »
en anglais – n’est accessible en
France que via l’adresse http://
shopping.google.fr. Cette page
d’accueil du service de compara
teur de produits Google Shop
ping présente désormais des arti
cles à l’achat, signalés par un logo
de caddie bleu, en plus des tradi
tionnels liens vers des sites d’e
commerce extérieurs.
Bientôt par commande vocale
Les produits du nouveau service
sont accessibles depuis le puis
sant moteur de recherche Goo
gle.com, dans un cartouche à
part, mais seulement aux Etats
Unis. « En France, ce n’est pas d’ac
tualité, assure l’entreprise. Goo
gle.fr est plus dédié aux intentions
qu’aux actes d’achat. » Le géant du
numérique a peutêtre voulu évi
ter de froisser la Commission
européenne qui, en 2017, lui a in
fligé une amende record de
2,42 milliards d’euros pour avoir
favorisé Google Shopping sur son
moteur de recherche.
En 2020, « Acheter sur Google »
devrait être disponible sur un
autre terrain stratégique : la com
mande vocale. Le service est « en
cours d’intégration » sur Google
Assistant, qui est disponible
sur les smartphones mais aussi
sur les enceintes connectées
Google Home et les appareils
connectés de Nest, la filiale de do
motique du groupe.
Cela renforce encore la concur
rence avec Amazon : en effet, l’en
treprise de Jeff Bezos a aussi in
vesti lourdement dans l’idée
qu’on fera demain ses courses en
parlant à des appareils connectés
dans sa maison.
Concrètement, Google gère lui
même le paiement en ligne des
produits. L’entreprise assure
aussi le service client – 7 jours sur
7, de 6 heures à minuit – et a pour
cela monté un service, installé
dans ses locaux de Dublin, en Ir
lande. L’entreprise offre, de plus,
une garantie remboursement et
le retour des produits.
En revanche, Google ne s’aven
ture pas sur le terrain des livrai
sons, qui sont assurées par
les commerçants, en trois jours
ouvrables maximum. Ce point
reste une force d’Amazon qui
propose des délais courts : sou
vent un jour voire une heure,
grâce à son programme de fidé
lité payant, Prime.
Interrogé, Google se défend
bien sûr d’attaquer frontalement
Amazon : « Nous avons une expé
rience historique forte dans le sec
teur du commerce de détail, en
tant que fournisseur de techno
logie. Nous avons lancé Google
Shopping il y a dix ans. Nous pro
posons aux commerçants de faire
de la publicité, sur la recherche, ou
d’utiliser nos services d’héberge
ment de données dans le cloud...
“Acheter avec Google” est dans la
continuité. » Contacté, Amazon
n’a pas souhaité s’exprimer.
Mais, avec 50 % de part de mar
ché aux EtatsUnis et 20 % en
France, l’entreprise de Jeff Bezos
a énormément d’avance. Or,
« Acheter avec Google » ne pro
pose pas, pour l’heure, de nou
veauté différenciante. Toutefois,
les choses évoluent vite et la par
tie n’est pas jouée dans les objets
connectés, par exemple.
De plus, Google semble atta
quer Amazon sur les prix : les
commissions que la firme pré
lève sur les ventes – de 6 % à 15 % –
sont moins élevées que celles
d’Amazon, selon le magazine
spécialisé LSA.
Dans la bataille à venir, il faudra
aussi compter avec Facebook : sur
son réseau social et sur sa filiale
Instagram, le groupe tente de rat
traper son retard dans le com
merce en proposant des achats et
en lançant sa monnaie, libra.
L’affrontement peut aussi être
indirect : ces platesformes cher
chent à accumuler toujours plus
de données pour imaginer de
nouveaux services. Et les listes
de course d’un utilisateur sont
des informations sensibles et très
convoitées.
alexandre piquard
La firme
californienne
ne s’aventure pas
dans les
livraisons, qui
sont assurées par
les commerçants,
au contraire
d’Amazon
« L’herbe est plus verte ailleurs ».
Ce dicton, nombre de vaches
françaises l’ont ruminé cet été,
rêvant à des cieux plus cléments.
De la Bourgogne à l’Auvergne en
passant par les PaysdelaLoire
et le Grand Est, les beaux prés
printaniers à l’herbe drue ont
laissé la place à un pauvre
paillasson gris et poussiéreux.
Pas de quoi remplir la panse des
bestiaux. Les éleveurs touchés
par cette sécheresse n’ont eu
d’autre choix que d’entamer les
stocks d’hiver de fourrage.
La tension monte en ce mois
de septembre crucial. Les pluies
tant attendues vontelles repein
dre en vert le décor et redonner
de l’herbe craquante à mettre
sous la dent des vaches? Un mo
ment clé choisi par la Fédération
nationale des producteurs de lait
(FNPL), syndicat apparenté à la
FNSEA, pour remettre la pres
sion. Quitte à se renvoyer la
balle... de foin avec le ministère
de l’agriculture sur les mesures
d’urgence à prendre.
Un pis-aller
Le gouvernement a annoncé un
versement anticipé d’une partie
des aides européennes au mois
d’octobre et a autorisé, au fil de
l’été, de plus en plus de départe
ments à utiliser les fourrages des
surfaces en jachère. « Les jachè
res au 15 août ont la même valeur
que la paille et on ne fait pas du
lait avec de la paille », rétorque
Thierry Roquefeuil, président de
la FNPL, considérant que les ap
ports de paille des régions céréa
lières vers les terres d’élevage as
soiffées n’étaient aussi qu’un
pisaller pour les éleveurs...
La question des assurances des
agriculteurs et des indemnités
versées au titre des calamités
agricoles est sur la table. « La vé
ritable assurance pour l’éleveur
est le prix du lait », affirme
M. Roquefeuil. « Sur l’ensemble
de l’année 2019, il devrait
progresser en moyenne de
15 euros pour atteindre 337 euros
la tonne », précisetil. Pas en
core une année de vaches
grasses pour les producteurs
laitiers donc.
Tout l’enjeu est de traduire
maintenant dans les faits les
bonnes résolutions des Etats gé
néraux de l’alimentation, dont
un des défis était justement de
mieux rémunérer les agricul
teurs. La loi alimentation impose
désormais de partir des coûts de
production à la ferme pour fixer
le prix du lait. Et donc d’accepter
de le revaloriser si la sécheresse
oblige l’éleveur à acheter cet hi
ver du fourrage pour nourrir son
cheptel. Pour l’heure, les discus
sions avec les géants Lactalis et
Sodiaal sont tendues.
Pour justifier leur peu d’en
train à ouvrir les vannes des
hausses de prix, les industriels
évoquent le Brexit et la guerre
commerciale entre Trump et Xi
Jinping. Ils scrutent aussi le
cours du beurre, qui a fondu,
mais reste confortablement ins
tallé autour des 4 000 euros la
tonne et celui de la poudre de
lait revalorisé audessus des
2 000 euros la tonne.
« La situation est plutôt bien
orientée, la demande est là et l’of
fre mondiale est peu dynami
que », résume Benoît Rouyer,
économiste du Cniel, interpro
fession laitière, qui souligne
l’étiage de la collecte en Australie
et la stagnation en Nouvelle
Zélande et aux EtatsUnis. En
France, le flot est en légère dé
crue de 1,1 % depuis janvier. Mais
avec un paysage très contrasté.
L’herbe est plus verte en Breta
gne et Normandie, et les bidons
sont bien remplis. Ailleurs, la sé
cheresse réduit le débit des pis.
Débit de l’eau, dépit du lait...
MATIÈRES PREMIÈRES
PAR LAURENCE GIRARD
Débit de l’eau,
dépit du lait
130
C’est le nombre d’emplois créés en août aux Etats-Unis, contre 159 000
en juillet, selon les statistiques du département du travail publiées ven-
dredi 6 septembre. Si le taux de chômage est inchangé à 3,7 %, les ana-
lystes ne s’attendaient pas au ralentissement de l’emploi. Toutefois, les
marchés restent calmes, persuadés que la Réserve fédérale va baisser
ses taux d’intérêt d’un quart de point le 18 septembre pour accompa-
gner le fléchissement de l’économie américaine. « La Fed continuera
μà agir de manière appropriée pour soutenir la croissance », a déclaré
vendredi son président, Jerome Powell, répétant une formule interpré-
tée comme le signal du maintien d’une politique accommodante. – (AFP.)
C O N C U R R E N C E
Facebook visé
par une nouvelle
enquête antitrust
Une coalition d’Etats améri
cains, dont New York, a lancé,
vendredi 6 septembre, une
vaste enquête sur la gestion
par Facebook des données
personnelles de ses utilisa
teurs et sur ses pratiques
commerciales, notamment
en matière de publicité. L’en
treprise a déjà été condamnée
fin juillet à une amende re
cord de 5 milliards de dollars
(4,5 milliards d’euros) par
la FTC, l’autorité américaine
de régulation des communi
cations, pour ne pas avoir su
protéger les données de
ses utilisateurs. – (AFP.)
Google doit fournir
des informations
à la justice américaine
Le ministère de la justice
américain a demandé à
Google de fournir des docu
ments sur des enquêtes pas
sées, dans le cadre de l’inves
tigation lancée fin juillet sur
les géants de la tech et
d’éventuelles pratiques anti
concurrentielles, a indiqué la
firme californienne, vendredi
6 septembre. « Nous nous
attendons à ce que les procu
reurs généraux posent
des questions similaires », a
ajouté la firme de Mountain
View, confirmant des
rumeurs sur l’ouverture
d’un nouveau front judiciaire
visant le groupe. – (AFP.)
C O N J O N C T U R E
La croissance en zone
euro réduite de moitié
Le rythme de croissance en
zone euro a été réduit de moi
tié au deuxième trimestre,
freiné par une contraction de
l’économie allemande et un
ralentissement des exporta
tions, montrent les données
publiées vendredi 6 septem
bre par Eurostat. La progres
sion du produit intérieur brut
des 19 pays de l’union moné
taire, menacés par le Brexit et
les tensions commerciales,
a été confirmée à + 0,2 % pour
le deuxième trimestre contre
+ 0,4 % sur les trois premiers
mois de l’année. – (Reuters.)
A Berlin, les spécialistes du son veulent
faire entendre leurs différences
Vintage, connectés ou luxueux... le marché mondial des appareils audio a augmenté de 15 %
au cours des six premiers mois de l’année et aiguise les appétits
berlin
S
e promener dans les allées
de l’IFA, le grand salon de
l’électronique grand public,
c’est prendre une grande rasade
de Retour vers le futur. Sur son
stand, Sony présente une réédi
tion, en série limitée et numéri
que, du Walkman, qui fête cette an
née ses 40 ans. Plus loin, on tombe
sur une réédition de la mythique
enceinte LE1 de 1959. La marque,
tombée dans le giron de Procter
& Gamble, n’avait plus fabriqué ce
type de produit depuis le milieu
des années 1980.
Dans un marché de l’électroni
que grand public à la peine, les
consommateurs sont manifeste
ment friands de vintage. Et de son,
plus encore. Qu’ils l’écoutent al
longés sur leur canapé avec la pla
tine du salon ou avec des oreillet
tes fichées dans les oreilles pen
dant leur jogging. Un engouement
bien compris par les marques : sur
le stand de Sony, près d’un tiers de
la surface est consacré à l’audio.
Mais surtout, c’est la multiplica
tion des marques qui frappe. Aux
côtés d’acteurs traditionnels, sur
gissent de toutes jeunes sociétés
ou des enseignes qui paraissent
moins légitimes dans le secteur
(marque de sport, etc.). « Le nom
bre de marques de casques est hal
lucinant », témoigne Olivier De
poilly, qui dirige la filiale française
du distributeur spécialisé Aqipa.
Ce dynamisme tient en partie au
renouvellement technologique
que connaît le monde du son. « La
dématérialisation de la musique a
beaucoup fait évoluer le secteur :
chacun a dû avancer sa propre pro
position », explique Christophe Si
caud, le dirigeant de Focal, une
marque française audio de luxe.
Capacités de miniaturisation
L’arrivée des enceintes connectées
de Google et Amazon – permet
tant d’interagir par la voix avec le
terminal – est venue rebattre les
cartes. Grâce à des capacités de mi
niaturisation inédites, le tradition
nel casque audio est désormais
concurrencé par des oreillettes
sans fil avec réducteur de bruit qui
permettent de profiter de sa musi
que sans être gêné par le bruit en
vironnant. « En deuxtrois ans, on a
vu beaucoup d’innovations arri
ver », confirme Olivier Depoilly.
Selon une étude GfK révélée à
l’IFA, « entre janvier et juin 2019, le
marché mondial de l’audio (hors
Amérique du Nord) a enregistré un
chiffre d’affaires total de 7,9 mil
liards d’euros, soit une augmenta
tion de 15 %. Les écouteurs et les cas
ques sont les principaux moteurs
de la croissance, avec les enceintes
Bluetooth portables et les encein
tes intérieures. » A eux seuls, les
écouteurs intraauriculaires pè
sent déjà pour 70 % des ventes de
casques en valeur.
Un tel dynamisme ne peut
qu’aiguiser les appétits. D’autant
que, reconnaissent plusieurs ac
teurs généralistes du secteur,
les marges sur les produits audio
sont, en moyenne, supérieures à
celles de la télévision. Et puis, sou
ligne Christophe Sicaud, l’audio
est « un marché où le ticket d’entrée
est, heureusement ou malheureu
sement, pas cher ». La barrière tech
nologique à surmonter n’est pas
nécessairement très haute. « Si
vous regardez aujourd’hui sur
KickStarter, vous trouverez une
vingtaine de projets de lancement
de casque 3D », étaye M. Sicaud.
Certains succès peuvent être ful
gurants, comme l’ont récemment
montré des sociétés comme Beats
(casques) ou Devialet (enceintes
haut de gamme).
De grands groupes se mettent
aussi sur les rangs. Le taïwanais TP
Vision – qui après avoir redonné
du lustre à la branche TV de Phi
lips, a racheté le portefeuille des
produits audio Philips – a présenté
à Berlin toute une gamme de pro
duits au design très soigné. Malgré
le déficit d’image dans le domaine
du son, qu’il ne méconnaît pas, il
croit à sa capacité à rendre ses let
tres de noblesses à la marque dans
le son. « Cette année on ne va pas
sortir des produits avec des prix
perchés. On ne veut pas brûler les
étapes, ou lancer des produits tous
azimuts. Ce sera un travail à moyen
et long terme », reconnaît Marc
Langevin, directeur général de TP
Vision France.
Un autre géant de l’électronique
grand public a montré ses ambi
tions à Berlin : le chinois TCL. Per
suadé qu’aujourd’hui les équipe
ments électroniques se conçoi
vent en écosystèmes, il a créé de
toutes pièces une division audio,
avec l’espoir que ces nouveaux
produits attirent les « millen
nials » dans l’univers de la marque.
Même des acteurs qui ont saisi
plus rapidement le virage du nu
mérique sentent le besoin de ne
pas s’endormir dans ce milieu de
venu ultracompétitif. Sonos, qui
ne proposait jusquelà que des en
ceintes connectées domestiques, a
dévoilé à l’IFA son premier produit
portatif. Plus tôt dans l’année,
il avait noué un partenariat avec
IKEA. « Ça nous permet d’entrer
plus tôt dans la vie de nos clients »,
plaide le PDG, Patrick Spence.
Bouger toujours, telle est la recette
du succès, jamais démenti de
Sony. Comme le résume Gildas
Pelliet, directeur général de Sony
France, « il faut toujours innover,
savoir s’adopter au bouleverse
ment des usages ».
vincent fagot