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JEUDI 12 SEPTEMBRE 2019 france| 9
A Lyon, la lutte souterraine entre Collomb et Kimelfeld
Malgré les apparences, les deux hommes continuent de s’opposer, à six mois des élections à la métropole
lyon correspondant
D
imanche 8 septembre,
Gérard Collomb arrive
à la dernière minute à
la messe. Le maire de
Lyon apporte une médaille sym
bolique à l’évêque Michel Dubost,
selon la tradition des Echevins.
Depuis le Moyen Age, pour conju
rer les mauvais sorts, les élus por
tent leur soutien à l’Eglise, qui, en
retour, bénit la ville. Devant la ba
silique de Fourvière pleine de lu
mière, l’ancien ministre de l’inté
rieur salue David Kimelfeld, son
exlieutenant, devenu rival pour
l’investiture La République en
marche (LRM) aux prochaines
élections de la métropole. Col
lomb lui serre mollement la main,
sans le regarder.
L’imperceptible geste illustre la
réalité de leur relation. Les deux
hommes continuent de se livrer
une bataille sans merci, contraire
ment aux apparences qu’ils veu
lent donner. En juillet, les deux
élus lyonnais ont été discrètement
reçus ensemble par Emmanuel
Macron. Après une visite officielle
en juin à Lyon, où il les avait ren
contrés séparément, le chef de
l’Etat semble vouloir éviter le duel
fratricide, qui mettrait en péril ce
berceau de la Macronie.
L’appel au calme présidentiel a
donné le ton de la rentrée lyon
naise. Le 27 août, Gérard Collomb,
qui a retrouvé son fauteuil de
maire de Lyon en novembre 2018,
invite son successeur à la métro
pole, pour une visite des chantiers
de la ville, dans une tour de la Part
Dieu, avec vue sur les 45 ouvrages
en cours. « On doit montrer qu’on
vaut mieux que ça », justifie Kimel
feld. Deux jours après la déambu
lation, le président de la métro
pole invite le maire de Lyon pour
une tournée des projets d’agglo
mération. Avant de s’éclipser, Gé
rard Collomb lâche à une poignée
de journalistes : « On attend une
décision de sagesse, je n’en attends
pas moins du président de la Répu
blique. »
Sûr de sa notoriété de bâtisseur,
élu trois fois maire de Lyon, il s’en
remet au choix final des « instan
ces arbitrales » parisiennes pour
résoudre l’équation lyonnaise. Un
élu court répéter les propos de
M. Collomb à l’oreille de M. Kimel
feld. Dans la minute qui suit, le
président de la métropole livre à
son tour une interview improvi
sée. Pour dire que la décision ne
doit pas venir de Paris. « Qu’ils
nous laissent discuter entre nous »,
balaietil. En divergence sur la
méthode, les deux hommes sont
très loin d’un accord.
Dans L’Opinion du mardi 10 sep
tembre, David Kimelfeld réfute
toute idée d’un accord entre les
deux hommes : « Je suis candidat à
la présidence de la métropole. Gé
rard Collomb, lui, parle beaucoup
de rayonnement international. Il a
un rôle à jouer dans ce domaine. »
Autant dire que le lot de consola
tion évoqué – qui pourrait être une
viceprésidence consacrée aux re
lations internationales et à l’at
tractivité de la métropole – n’a pas
été du goût de l’ancien ministre,
qui affiche une confiance à toute
épreuve. Son entourage distille la
petite musique d’une « porte de
sortie honorable » pour Kimelfeld,
« en perte de vitesse ». « A part Gé
rard Collomb, je ne vois pas qui
d’autre peut prétendre convaincre
l’électorat, son nom est ancré dans
la réussite de Lyon », soutient Jean
Yves Sécheresse. L’adjoint à la sé
curité de la mairie fait partie des fi
dèles qui pensent que « c’est tou
jours Collomb qui gagne à la fin ».
Bataille de positions
La moitié des élus lyonnais a
choisi un camp, l’autre se tient
dans une prudente réserve, à l’af
fût des moindres signes de fai
blesse, tant la situation est floren
tine. Selon de bonnes sources, Col
lomb a récemment signé person
nellement plusieurs permis de
construire, privant son adjoint à
l’urbanisme de ses prérogatives.
Coupable de murmurer à l’oreille
du président de la métropole, sans
pour autant claironner son choix,
Michel Le Faou tombe en disgrâce.
A l’inverse, Yann Cucherat, adjoint
aux sports et au tourisme, repré
sentait le maire le 3 septembre, à la
soirée de lancement de BFM Lyon,
devant Georges Képénékian, l’an
cien maire par intérim, pourtant
premier adjoint. Le duel tourne à
la bataille de position.
« Gérard Collomb veut fermer sa
parenthèse politique avec des
grands travaux, c’est la fin d’un cy
cle, tandis que David Kimelfeld,
c’est l’avenir, économique, écologi
que et social », plaide Marc Grivel,
nommé premier viceprésident
de la métropole par M. Kimelfeld,
au moment du remplacement de
M. Collomb. Le président du
groupe Synergies, constitué des
maires des petites communes, est
de ceux qui ont fait basculer la mé
tropole en faveur de Kimelfeld,
coupant le retour du ministre de
l’intérieur démissionnaire. Pen
dant ce temps, FrançoisNoël Buf
fet compte les points. Le sénateur
du Rhône, candidat Les Républi
cains, se dit que les 14 circonscrip
tions ne sont pas forcément défa
vorables à la droite, notamment
dans la périphérie lyonnaise.
« L’élection du président de la mé
tropole se fait au troisième tour, on
va finir très tradi, très lyonnais, avec
une majorité négociée en coulisses
par des promesses de projets contre
des votes », prévoit un ancien vice
président du Grand Lyon. A ce
jeulà, il n’y a pas de place pour
deux. David Kimelfeld a gagné en
capital sympathie, par sa gouver
nance plus collective. Mais Gérard
Collomb s’y connaît en réseaux.
Sur l’esplanade de Fourvière, le
maire est applaudi à deux reprises,
lorsqu’il fait savoir dans son dis
cours qu’il a appelé Philippe Bar
barin, avant la cérémonie des
Echevins. Après sa condamnation
en mars à six mois de prison avec
sursis pour nondénonciation des
agressions pédophiles par le tribu
nal correctionnel de Lyon – un ju
gement pour lequel il a fait appel –,
et après le refus du pape de sa dé
mission, le cardinal s’est retiré des
affaires du diocèse. A Lyon, un bon
nombre de catholiques lyonnais
gardent cependant le prélat en es
time. Une donnée qui n’a pas
échappé à Gérard Collomb.
richard schittly
Une enquête pour « prise illégale
d’intérêts» vise le patron de GE
Hugh Bailey était conseiller d’Emmanuel Macron, alors ministre
de l’économie, lorsqu’une aide a été accordée à General Electric
L
e parquet de Paris a ouvert,
vendredi 6 septembre, une
enquête préliminaire pour
« prise illégale d’intérêts » visant
Hugh Bailey, le directeur général
de General Electric France, a révélé
L’Obs, mardi 10 septembre. Cette
décision, confirmée au Monde de
source judiciaire, intervient au
moment où le conglomérat amé
ricain s’oppose aux syndicats
après l’annonce, fin mai, de la sup
pression de 1 050 postes, dont près
de 800 sur son site de Belfort (Ter
ritoire de Belfort). L’enquête est
menée par l’Office central de lutte
contre la corruption et les infrac
tions financières et fiscales.
En juin, Delphine Batho, dépu
tée des DeuxSèvres, avait saisi le
procureur de la République en in
voquant une « possible prise illé
gale d’intérêts » de M. Bailey, qui
fut conseiller technique d’Ar
naud Montebourg, puis d’Emma
nuel Macron au ministère de
l’économie entre 2012 et 2016,
avant de rejoindre GE France
en 2017 et d’en prendre la direc
tion générale en avril 2019.
Dans sa lettre au procureur, la
présidente de Génération écologie
indiquait « qu’une aide de 70,3 mil
lions d’euros a été accordée à Gene
ral Electric Energy Product (...) pour
l’achat de quatre turboalterna
teurs pour une centrale à cycle
combinée à Bazian, en Irak, au pre
mier semestre 2016 ». L’élue ajou
tait que M. Bailey n’avait « proba
blement pas pris cette décision
seul », mais qu’il avait été embau
ché chez GE l’année suivante.
Ces 70 millions n’étaient pas des
aides directes à GE, mais corres
pondaient à des crédits de la Co
face, l’établissement d’assurance
crédit français garantissant les ex
portations des produits fabriqués
dans l’Hexagone. A cette époque,
le géant américain cherchait les
pays prêts à l’aider à exporter,
puisque l’activité de l’Export
Import Bank, la « Coface améri
caine », était suspendue.
Pour Mme Batho, ministre de
l’écologie en 20122013, l’affaire est
« grave » et « illustre les stratégies
de débauchage de hauts fonction
naires, hauts conseillers de minis
tre, sur lesquels on peut considérer
qu’ils n’ont pas respecté l’éthique de
l’Etat », atelle déclaré à l’Agence
FrancePresse.
Les accusations contre Hugh
Bailey sont « totalement infon
dées », a répliqué GE, rappelant que
la commission de déontologie de
la fonction publique avait donné
son feu vert à sa nomination. Elle
lui avait juste demandé de rompre
tout contact professionnel avec
ses anciens collègues de Bercy
ayant eu à traiter avec GE. L’avocat
de M. Bailey, Benjamin Van Gaver,
se félicite que l’ouverture de l’en
quête lui offre « la possibilité d’ap
porter tous les éléments nécessai
res aux autorités afin de réfuter fer
mement les allégations portées à
son encontre ».
Cet épisode judiciaire intervient
alors que la direction de GE France
n’est pas parvenue à convaincre
l’intersyndicale (CGT, CFECGC,
SUD) du site de Belfort de négocier
le plan social annoncé en mai. Une
politique de la chaise vide ap
puyée par de nombreux élus lo
caux, de gauche et de droite, qui
exigent le maintien d’une activité
industrielle à Belfort. Sur les
4 300 salariés du site, près de 3 500
conserveront leur emploi, notam
ment dans le secteur des turbines
pour centrales électriques (gaz,
charbon, nucléaire...).
« Le dossier avance bien »
Pour les autres, le ministre de
l’économie et des finances, Bruno
Le Maire, a réaffirmé, miaoût,
dans une lettre aux syndicats, son
objectif « d’obtenir le maintien et le
développement d’un maximum
d’emplois industriels pérennes sur
le site ». Deux pistes sont particu
lièrement étudiées et « le dossier
avance bien », indiquent plusieurs
sources gouvernementales : ren
forcer les effectifs de l’usine d’Als
tom produisant des motrices de
TGV à Belfort, qui permettrait « la
création ou le maintien de 120 em
plois », selon M. Le Maire ; une di
versification dans les pièces de
moteurs d’avion.
En attendant, un comité de suivi
des engagements pris par GE
en 2014, lors du rachat de la bran
che énergie d’Alstom, devait se
réunir, mercredi 11 septembre,
sous la présidence de M. Le Maire.
Ces engagements – non tenus, se
lon les syndicats – portent sur le
maintien de centres de décision à
Belfort et la fabrication de grosses
turbines à gaz. Un marché qui s’est
effondré ces dernières années, ex
pliquant les difficultés de GE, mais
aussi de ses concurrents Siemens
et Mitsubishi.
jeanmichel bezat
La moitié des élus
lyonnais a choisi
un camp, l’autre
se tient dans une
prudente réserve,
à l’affût des
moindres signes
de faiblesse
pendant que le duel pour la métropole
capte l’attention, la campagne s’engage
pour la mairie de Lyon et la droite veut pro
fiter des tensions dans les rangs macronis
tes. Anne Brugnera a créé la surprise en dé
posant sa candidature auprès de la commis
sion d’investiture de LRM. L’exadjointe à
l’éducation, devenue députée, se verrait in
carner parité et proximité à la mairie.
Etienne Blanc veut profiter de ces divi
sions. Le candidat du parti Les Républicains
(LR) a inauguré son « QG des Lyonnais », rue
Dunoir, jeudi. Compte tenu des revers élec
toraux de la droite, reléguée à 10 % aux
européennes à Lyon, il se sait « challenger ».
Ses affiches ne portent d’ailleurs pas le logo
du parti. « Je ne le souhaite pas », assume le
premier président de la région Auvergne
RhôneAlpes, qui dit vouloir rompre avec
« les manières verticales et impériales des
partis ». Laurent Wauquiez lui apporte dis
crètement son soutien, par l’intermédiaire
de son épouse, présente à la soirée.
Le candidat promet « des idées très inno
vantes » en matière d’environnement. Ses
affiches vert d’eau annoncent la couleur.
« Je regrette qu’on ait trop longtemps aban
donné ces sujets, il y a un conservatisme na
turel de la droite et du centre, il est du passé, il
faut faire respirer la baraque », dit l’ancien
maire de DivonnelesBains (Ain). Cons
cient de son déficit de notoriété, l’avocat a
mené une campagne souterraine depuis
des mois, avec une soixantaine de réunions
en appartement, des dizaines d’interven
tions en petit comité, sans compter les opé
rations de la région qu’il n’a pas manqué de
promouvoir à Lyon.
r. sy
A droite, Etienne Blanc espère profiter des divisions macronistes
GE a rappelé que
la commission de
déontologie de la
fonction publique
avait donné
son feu vert
à la nomination
d’Hugh Bailey
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