Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

Éclairage public


© S. STIRNEMA – AG GYMNASIUM MELLE/WIKIPÉDIA

Michèle Idels
Coprésidente de l’Alliance
des femmes pour la démocratie

« Absolument. Ce Grenelle doit faire prendre
conscience de l’ampleur des violences faites aux
femmes. C’est une condition sine qua non pour
que des mesures efficaces soient mises en œuvre.
Antoinette Fouque, fondatrice de l’Alliance des
femmes, a d’ailleurs appelé ce Grenelle de ses vœux
dès 2008.
En fait, il y a un paradoxe : depuis cinquante ans,
les droits des femmes n’ont cessé d’avancer. Mais
si les mesures comme le bracelet électronique ou
l’ordonnance de protection existent dans la loi, elles
ne sont pas assez appliquées. Et les violences restent
très peu sanctionnées. Les condamnations pour
viol ont baissé de 40 % en dix ans, et celles pour
violences sexuelles de plus de 20 %, alors que le
nombre de plaintes a augmenté. L’Espagne est le
seul pays d’Europe à avoir adopté une loi globale
à ce sujet [dès 2004, ndlr]. Elle prévoit à la fois des
hébergements pour femmes, des tribunaux spéciaux,
des campagnes de mobilisation... Et les féminicides
ont baissé. Suivons-la. J’ajouterais que la France, pays
d’accueil du G7 cet été, doit avoir un rôle moteur. » U

Sophie Auconie
Députée UDI d’Indre-et-Loire,
autrice d’un rapport parlementaire
sur les violences sexuelles

« Non. Au-delà du temps perdu, ce Grenelle coûte de
l’argent. Il faut financer des tables rondes, louer une
salle, offrir du café et des madeleines... Cet argent,
il vaudrait mieux l’attribuer à des projets concrets,
comme la création de centres d’accueil en urgence
des victimes d’agressions (Cauva). Il n’en existe pour
l’instant qu’un à Bordeaux.

Lorsqu’une femme s’y rend, elle est reçue par un
médecin spécialisé. Il sait qu’après un traumatisme,
le récit d’une victime est imprécis et incohérent, car
elle est en état de sidération. Là où quelqu’un qui n’est
pas formé – comme aujourd’hui la police, la gendar-
merie ou le personnel hospitalier – dirait “elle ne dit
pas la même chose, elle ment”, au Cauva, la victime
a le temps de se calmer, de se mettre en situation de
confiance. Elle prend une douche, elle se change. Puis
on la met en relation avec les services sociaux pour
l’éloigner de son conjoint. Le Cauva conserve aussi
les preuves pendant trois ans, ce qui laisse le temps
à la victime de porter plainte. Chaque département
devrait avoir son Cauva. C’est quand même plus utile
que du blabla ! » U

Faut-il un

Grenelle sur

les violences

conjugales?

Par ANNA CUXAC et ALIZÉE VINCENT

Mardi 3 septembre se tiendra le premier « Grenelle »
contre les violences conjugales sous l’égide de
Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre
les femmes et les hommes. Selon le gouvernement,
qui l’a annoncé début juillet à la suite d’une mani-
festation des associations, il s’agira d’une « journée
de mobilisation nationale pour lutter contre ces
violences et faire connaître le numéro d’urgence, le
3919 ». Suffisant ? Au vu des dysfonctionnements des
systèmes judiciaire et policier, qui ne parviennent
toujours pas à protéger les victimes, on est en droit
de se poser la question.
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