LESECHOSWEEK-END– 37SORTIES
BIOGRAPHIENoël 1927.Danslesmontagnes
de Bavière,unpère et sonfilsobservent des
cygnesendormisàlasurfaced’unlacgelé.
Le petit s’appelleKlaus, le père Detlef.Detlef
Sierk. Plustard, le mondeentierleconnaîtra
sousle nomdeDouglasSirk. Sonœuvre
immensefait désormaisl’objetd’unevénération
queletempsn’entamepas. Denis Rossano,
correspondantpourle cinémabaséàLos
Angeles,estdevenufamilierduréalisateur,
longtemps réticentàaborderlesujetqu’il
atoujoursocculté :celuid’unpère àqui
on aarraché sonfils dèssonplusjeuneâge
et quinel’a jamaisrevu.
L’histoireestterrible.Réalisateurapprécié
de Goebbels,DetlefSierk aépouséuneactrice
dontlacarrièrepiétineetquidevientunenazie
fanatique. Aprèsleur divorce, en 1928,elle
s’empare de Klaus, leurfils de 4ans qu’elle fait
tournerdansdes filmsoù il jouelerôleduparfait
petit aryen. DèslorsDetlef ne le verraplus que
surécran dans dessallesdecinéma. Il assiste
en spectateuranonymeau succès de sonfils
devenuune starducinémanazi. Dansl’espoir
de reprendre contact aveclui, Detlef,marié
àune juiveensecondesnoces,essaie de rester
en Allemagne,malgrésadétestationdurégime.
Il finitparfuirauxÉtats-Unisoù il repartde zéro
avantde devenirle roidumélodrame.C’est
àHollywoodqu’il apprend la mortdeKlaussur
le frontde l’Estoù Goebbels,qui le soupçonnait
d’êtrehomosexuel,l’a envoyé àl’abattoir.
LesamoureuxducinémaestimentqueDouglas
Sirkaréaliséquelques-unsde plusbeauxfilms
dumondeparmilesquelsLe tempsd’aimer
et le tempsde mouriretMiragedelavie
(à l’afficheduCinéSorbonne). Il s’estéteint
àlaveille de ses90 ans,au bord d’unlacsuisse
où peut-êtredormaientdescygnes.Le livre
de DenisRossanoestundocument
exceptionnel,aussiéclairantqu’émouvant.T. G.
Un pèresansenfant,deDenisRossano.
AllaryÉditions, 360 p.,22,90€.RobertSmith,le chanteurdeTheCure,enconcerten2005.
LA REDÉCOUVERTE
EN VUE
ROCKLesmoinsde 30 ansne lesconnaissent
sans doute pasou alorsseulementde réputation
carleurdernierbonalbumremonteà1992,
«Wish», unbijoudemélancolietorturée.
Pourtant, avantcela, TheCureétaitle groupe
indépendant anglais le plusnovateur et le plus
fou,leplusoriginalet le plusbranché.Nonpas
parcequesonleader,RobertSmith, avait inventé
unenouvelle coupedecheveuxultra-ébouriffée,
mais parcequeleurschansonsrock faisaient
danser. Ensoirées et en discothèque, àlatélé
(l’une étaitdevenuele génériquedel’émission
Rapido) et bienévidemmentlorsde concerts
épiques. Onparlait d’ailleurs de Curemania,
commevingtansplustôt on avait parlé
de Beatlemania.Boys Don’t Cry, TheWalk, Close
to Me,Let’s Goto Bed, Lullaby,Friday I’min Love
constituaientla bandesond’une époque.
NOUVELALBUMPOURHALLOWEEN
Trenteansplustard,ces mélodies sautillantes
n’ontpasprisuneride.Le groupe adébuté
en 1978,poussépar l’audacedesgroupes punks
et le besoind’exorciserson naturel spleen.
L’annéedernière, ils ontfêté leursquaranteans
de bons et loyaux services àHydePark,viaun
concertquiattira plus de 50 000personnes. Mais
si depuisunevingtained’années,le groupedont
seulela figurede proueRobertSmithestrestée
fidèle(lebassisteSimonGallup àses côtés,
n’estarrivéqu’au deuxièmedisque),abiensorti
quelquesalbums,cinqau total,ceux-ci sont
passésinaperçus. Qu’importe,il n’ajamais
THECURE,QUARANTEANSAPRÈS
DOUGLASSIRK,
ORPHELINDE FILS
déposélesarmes,viades concerts,
quiremplissent régulièrementBercy.En2008,
il atenulascène en haleineduranttroisheures
et demie, et l’on réalisaitalorsle chemin
parcouru,aussi leurimmensetalent.
L’uniqueétapefrançaisede TheCurecetété
àRockenSeineestimportantecarelle
intervientau milieud’unetournéeeuropéenne
annonciatriced’unnouveaudisque.Unopus
expérimental,RobertSmithayantprévenu
queleschansonsduraienttoutesentre 10
et 12 minutes,pourtant,aucunenoten’en sera
offerteau publicde Rock en Seine.«Ce n’estpas
de la musiquedestinéeàêtrejouéeen pleinair !»
a-t-il annoncé,précisantmême«Notremusique
estbientrop sombrepourcela...»Quasiment
terminé,il devraitsortiren octobrepour
la fêted’Halloween.Enattendant,les
spectateursaurontdroitàune prestation
flirtantuniquementaveclanostalgie.Des
madeleinespour touslesamateursde musique
gothique(ilsen sontl’undeshérauts), mais
aussipour tousceuxquidepuislesannées 1980
se sontlaissésunjourséduireparleurpop
instinctiveetultra-jouissive. Lespluscurieux
remarquerontquele guitaristen’estpas
uninconnu:Reeves Gabrels(ex-TinMachine)
futuncompagnonde routede DavidBowie:
véritablevirtuosede la sixcordes,il offre
unesecondejeunesseauxsuccèsd’hier.C. E.
TheCureàRockenSeine,ParcdeSaint-
Cloud,vendredi 23 aoûtà21h00.
http://www.rockenseine.com THIERRYROGE/
REUTERSDR