Echos - 2019-08-28

(lily) #1

16 // ENTREPRISES Mercredi 28 août 2019 Les Echos


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LESECHOS
FORMATION

d’Aston Martin. Biberonné à
l’essence, notre homme à moitié
dyslexique fit des études en Suisse,
quand il ne démontait pas des
moteurs. Son père s’éteint alors
qu’il avait quinze ans seulement.
Dix ans plus tard, poussé par sa
mère, Louise, qui lui donna le pré-
nom du fondateur de la dynastie,
voilà « Ferdinand 2 » qui com-
mence sa carrière d’ingénieur à
Stuttgart, dans le bureau d’études
de son oncle Ferry, qui conçoit des
moteurs de course pour Porsche.
Mais, quelques années plus tard, la
famille se brouille. Le jeune Ferdi-
nand est évincé, lui qui entretenait
alors une liaison avec Marlene, la
femme de son cousin Gerhard, à
qui il fit deux enfants.

A la dure
En 1972, il débarque chez Audi.
Avec quelques secrets industriels
dégotés chez Porsche, affirment
certains. Au sein de la marque aux
quatre anneaux, Ferdinand Piëch
monte vite en galon, innove à tous
crins (les quatre roues motrices
Quattro, c’est lui), et finit à la tête de
l’entité qui taille désormais des
croupières aux grands fauves du
haut de gamme, Mercedes e t
BMW. « Il a transformé Audi en une
marque premium. [ ....] Il a diffusé

dans toute l’industrie sa passion
pour les détails et la qualité »,
admire Herbert Diess, l’actuel
patron de Volkswagen. Dans le
milieu, Ferdinand Piëch est réputé
pour sa hantise des écarts entre les
pièces de carrosserie.
Avec tout cela, il fit si bien chez
Audi qu’on finit par lui offrir en
1993 le trône chez Volkswagen,
alors exsangue. Maniaque auto-
crate autoritaire, Doktor Piëch
mène le groupe à la baguette. Ceux
qui le déçoivent sont virés dans la
minute, en public et sans ménage-
ment aucun. « C’est le tyran des dic-
tateurs », tranchait Bob Lutz,
l’ancien boss de General Motors.
« Si je veux réussir quelque chose,
j’agis sans réaliser ce qui se passe
autour de moi. Mon désir d’harmo-
nie est limité », avouait l’intéressé
dans son autobiographie.
A Wolfsburg, Ferdinand Piëch
met au point une vaste politique de
plate-forme pour pouvoir utiliser
les mêmes pièces dans les voitures
de plusieurs marques du groupe,
notamment chez Volkswagen, S eat
et Skoda. Puis le patron au vocabu-
laire guerrier et à la logique mili-
taire se mit à étendre l’empire f ami-
lial, absorbant les camions MAN et
Scania, les fleurons du luxe Bent-
ley, Lamborghini et Bugatti. Bien
sûr, il y eut quand même quelques
ratés, à commencer par le four de la
limousine Phaeton, l’une de ses
danseuses qui se révéla un fort dis-
pendieux échec commercial.

Les syndicalistes
« connivents »
Mais ce n’est là qu’une petite partie
de sa face noire. Pour parvenir à s es
fins, il n’hésite pas à amadouer les
représentants du personnel afin
notamment d’obtenir des assou-
plissements sur les horaires de tra-
vail. Représentants du personnel
qui finirent englués dans un scan-
dale de prostituées et de voyages
aux frais de l’entreprise. Son sys-
tème fondé sur la peur et l’impossi-
bilité de l’échec a également pu
conduire au scandale du « diesel-
gate » en 2015, des ingénieurs du

groupe ayant préféré frauder infor-
matiquement les contrôles anti-
pollution plutôt que d’avouer leur
incapacité à obtenir les performan-
ces attendues. L’homme avait
quitté quelques mois plus tôt le
conseil du groupe qu’il présidait
depuis t reize ans, é vincé pour s’être
opposé à la reconduction au volant
de Martin Winterkorn. Celui-ci
lâchera d’ailleurs les commandes
quelques mois plus tard, frappé par

la foudre du scandale des moteurs
truqués.
Dans la famille Porsche-Piëch,
on s’était un peu plus tôt de nou-
veau écharpé, près de quarante ans
après les premières escarmouches.
En 2 010, Ferdinand Piëch avait con-
trecarré une OPA lancée par ses
cousins Porsche avec l’aide du
Qatar et des politiciens locaux –
offensive qui finira par une défaite
en rase campagne, Volkswagen

absorbant totalement Porsche
deux ans plus tard. Aujourd’hui, le
clan autrichien tient dans sa main
de fer 52,2 % du capital du groupe
Volkswagen, qui emploie quelque
30 0.000 personnes dans le monde.
Lui avait vendu ses parts en 201 7,
pour près de 1 milliard d’euros. Sa
fortune de 3 milliards est abritée
dans deux fondations. Assez pour
assurer le train de vie de sa large
descendance, a priori.n

Julien Dupont-Calbo
@jdupontcalbo


Le Sphinx ne glacera plus ses inter-
locuteurs d’un seul et unique
regard. Ferdinand Piëch, l’héritier
qui a propulsé Volkswagen sur le
toit de l’automobile mondiale en
l’espace de deux décennies, est
décédé dimanche à Rosenheim,
en Bavière, à quatre-vingt-deux
ans, après s’être écroulé au restau-
rant sous les yeux de sa femme.
« Mon mari [...] est décédé subite-
ment et de manière inattendue le
25 août 2019 », écrit Ursula Piëch,
l’ancienne gouvernante de ses
nombreux enfants, dans un bref
communiqué.
Il était né en Autriche en 193 7, la
période où son grand-père Ferdi-
nand Porsche lança le construc-
teur allemand avec l’aide du régime
nazi, d ésireux d ’obtenir s a « voiture
du peuple ». Aujourd’hui, tous les
drapeaux Volkswagen sont en
berne à Wolfsburg. « Nous n’en
serions pas là sans lui », lâche
Berndt Osterlöh, le puissant res-
ponsable syndical du premier
constructeur mondial.


La voiture dans le sang
Géniteur patenté – douze enfants
avec quatre femmes différentes –,
Ferdinand Piëch est l’une des figu-
res les plus illustres de l’industrie
automobile. Un « titan », même,
souligne Andy Palmer, le patron


AUTOMOBILE


Le petit-fils du
fondateur du premier
constructeur mondial
s’est éteint dimanche.


Sous la direction de cet
ingénieur brillant et
despotique, le groupe
allemand s’est hissé
sur le toit de l’automo-
bile mondiale en deux
décennies seulement.


Volkswagen et l’auto


perdent Ferdinand


Piëch, son tyran génial


Ferdinand Piëch : « Si je veux réussir
quelque chose, j’agis sans réaliser
ce qui se passe autour de moi. »

Raphaël Bloch
@Bloch_R

C’est un nouveau front qui s’ouvre
pour les avocats de Boeing. Déjà
très occupés par le volet pénal du
dossier du 73 7 MAX, les défenseurs
du géant américain, à la peine
depuis le début de l’année, vont
devoir s’atteler à son volet civil, qui
s’annonce au moins aussi impor-
tant. Un client de Boeing vient de
saisir les tribunaux à Chicago. C’e st
une première pour l’avionneur, jus-
que-là exclusivement visé par des
plaintes des familles des victimes
des crashs de la Lion Air (octo-

bre 2018) et de l’Ethiopian Airlines
(mars 2019), qui ont fait plus de
30 0 morts.
La société Avia Capital Services,
filiale du conglomérat d’Etat russe
Rostec, poursuit l’avionneur améri-
cain pour non-respect de ses enga-
gements contractuels. Dans sa
plainte, Avia l’accuse d’avoir caché
des « informations critiques » sur la
sécurité de ses avions pour inciter
ses clients à en acheter.

Indemnisation
« insuffisante »
La société, qui a déjà versé 35 mil-
lions de dollars pour la commande
de 35 avions MAX 8, demande son
annulation et le versement de dom-
mages et intérêts – aucun 737 MAX
n’ayant, depuis mars, le droit de
décoller. Au total, Avia réclame
115 millions de réparations, selon le
« Financial Times ».
Boeing aurait proposé u ne
indemnisation à l a société, mais c el-
le-ci aurait refusé. Elle était « insuf-
fisante », selon l’avocat d’Avia, Ste-
ven Marks du cabinet Podhurst
Orseck, cité par le « FT ». Le mon-
tant proposé n’a pas été révélé. Tou-
jours selon Steven Marks, d’autres
sociétés voudraient également atta-
quer Boeing : « Je pense que vous
verrez d’autres sociétés déposer

AÉRONAUTIQUE


Avia Capital Services
poursuit l’avionneur
américain pour faire
annuler une com-
mande de 35 appareils
MAX 8 interdits de vol.


La société russe de
leasing l’accuse d’avoir
caché des « informa-
tions critiques » sur la
sécurité de ses avions.


à suivre


Total enregistre le départ
du cofondateur de Direct Energie

ÉNERGIE Xavier C aïtucoli, le c ofondateur d u fournisseur d ’énergie
alternatif Direct Energie devenu directeur général de Total Direct
Energie après le r achat en 2 018 de l’entreprise par le géant p étrolier,
quitte son poste « pour donner une nouvelle orientation à sa carrière
professionnelle », indique Total. C e dernier va ê tre r emplacé à la t ête
de Total Direct Energie par S ébastien Loux, actuel directeur opéra-
tionnel de l’entité qui vise 6 millions de clients d’ici à 2022.

Carmat autorisé à reprendre le
recrutement de patients au Danemark

CŒUR ARTIFICIEL Ce mercredi matin, Carmat annonce avoir
reçu l’accord de l’autorité de santé d anoise a insi que du c omité é thi-
que de l’hôpital Rigshospitalet, à Copenhague, pour poursuivre
l’étude clinique pivot en cours en Europe, dont la première moitié a
obtenu un taux de réussite de 70 %. C’est le premier pays à donner
son feu vert à la reprise du recrutement des dix derniers patients
prévus, interrompu en raison des changements de production
nécessaires à l’industrialisation de la bioprothèse cardiaque sur le
nouveau site de la société à Bois-d’A rcy.

Siparex prend le contrôle des activités
européennes de Sintex

INDUSTRIE La société de capital-investissement Siparex, associée
à Carvest (Crédit Agricole), BNP Paribas Développement et Afri-
cInvest, va prendre le contrôle des activités européennes du plas-
turgiste indien Sintex Plastics Technology. Les activités reprises,
qui opèrent sous le nom Sintex NP, sont basées à Genas, en ban-
lieue lyonnaise. Elles o nt généré l’an d ernier u n chiffre d’affaires de
27 5 millions d’euros, doublé en huit ans grâce à une politique
active d’acquisitions.

plainte dans les prochains mois. Ce
n’est que le premier dossier. »
Boeing, qui espère un retour du
737 MAX d’ici à la fin de l’année, a
déjà négocié de nombreux accords
de compensation avec ses clients.
Au deuxième trimestre, le concur-
rent d’Airbus a ainsi provisionné
4,9 milliards de dollars pour
indemniser ses clients, et notam-
ment la cinquantaine de compa-
gnies aériennes touchées par
l’immobilisation de leurs appareils.

Un second semestre
compliqué
Mais toutes les sociétés n’ont pas
accepté. Et cette provision semble
trop juste : elle ne couvre que l’équi-
valent des six premiers mois de
perte de recettes des compagnies
aériennes, alors que l’immobilisa-
tion des 737 MAX pourrait aller au
moins jusqu’à la fin de l’année.
Cette estimation laisse égale-
ment de côté d’autres surcoûts pos-
sibles, comme ceux liés à la remise
en service des quelque 600 appa-
reils bloqués au sol. Au deuxième
trimestre, Boeing a enregistré les
plus mauvais résultats de son his-
toire sur trois mois : une perte nette
de 2,9 milliards de dollars. Le
second semestre s’annonce compli-
qué à Chicago.n

737 MAX : Boeing poursuivi pour


la première fois en justice par un client


Les dates clefs


1972


Ferdinand Piëch arrive
chez Audi qu’il va
transformer en marque
haut de gamme.

1993


Le descendant de Ferdinand
Porsche est appelé à la tête
de Volkswagen.

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