Echos - 2019-08-14

(coco) #1

Nicolas Rauline
@nrauline
— Bureau de New York


Le possible impact des tarifs
commerciaux sur l’économie amé-
ricaine a fait reculer Washington.
Le représentant au Commerce,
Robert Lighthizer, a annoncé mardi
le report de l’entrée en vigueur des
sanctions contre les produits chi-
nois annoncées il y a une dizaine de
jours.
Les surtaxes de 10 % sur un cer-
tain nombre de p roduits, comme l es
téléphones portables, les ordina-
teurs, les jouets, les consoles de jeux
vidéo ou encore les chaussures, ne


seront appliquées qu’à partir du
15 d écembre et non a u 1er s eptembre,
comme prévu initialement. Ce sont
la plupart des biens de consomma-
tion courante qui sont épargnés, les
tarifs restant en vigueur sur d’autres
produits affectant moins directe-
ment les consommateurs. A eux
seuls, les téléphones portables
représentent en effet 40 milliards de
dollars d’importations, sur un total
de 300 milliards concernés.
Les autorités américaines ont
aussi précisé que certains produits
allaient être retirés définitivement
de la liste, sans préciser lesquels, sur
des critères de santé ou encore de
sécurité nationale. Une liste précise
devait être publiée mardi dans la
soirée. Pour le représentant au
Commerce, il s’agit là d’un « proces-
sus normal, qui découle des commen-
taires publics et des auditions » réali-
sés ces dernières semaines.
Plusieurs entreprises avaient
demandé des exemptions, crai-

gnant une baisse d’activité. Les
négociateurs américains et chinois
se sont parlé au téléphone, c e mardi,
avant que Robert Lighthizer
n’annonce la nouvelle. La semaine
dernière, Donald Trump avait
évoqué la possibilité d’annuler les
négociations prévues entre les deux
parties en septembre. Il avait aussi
refusé l’idée d’exempter certaines
entreprises, comme Apple.

Impact sur la consommation
Après l’annonce de la nouvelle
vague de tarifs, des économistes
avaient mis en garde Washington
sur l’impact qu’ils pourraient avoir
sur la consommation. Oxford Eco-
nomics e stimait, p ar exemple, qu’ils
coûteraient 0,1 point de croissance
au pays en 2020. Le consommateur
américain aurait été touché, lui, à
hauteur de 300 dollars par an et par
foyer, en moyenne. Et ce sont les
Américains les moins aisés qui
auraient été les plus menacés.

L’annonce du report a été
accueillie favorablement par les
marchés. A Wall Street, le Dow
Jones et le S&P 500 gagnaient près
de 1,5 % en fin de séance euro-
péenne. Le Nasdaq bondissait de
près de 2 %. Certaines sociétés, parti-
culièrement menacées par de nou-
veaux tarifs commerciaux, respi-
raient. Comme Apple, qui gagnait
4,5 %, ou le fabricant de machines
Caterpillar, qui prenait 3,7 %. Les
cours du pétrole progressaient de
plus de 4 %. Le brent, référence euro-
péenne, est même repassé au-des-
sus de la barre des 60 dollars. Les
prix du baril avaient nettement
reculé après l’annonce d’une nou-
velle salve de droits de douane. Les
investisseurs redoutent que la
guerre commerciale n’entraîne un
ralentissement de la croissance et
donc de la demande en pétrole. A
l’inverse, les cours de l’or perdaient
près de 0,6 %, tout juste au-dessus du
seuil de 1.500 dollars l’once.n

Trump reporte certaines taxes, les marchés soulagés


Les surtaxes sur certaines
importations chinoises
(téléphones, PC...)
n’entreront en vigueur
qu’au 15 décembre.
Les valeurs technologiques
rebondissent à Wall Street.


bénéficié. Tous enregistrent des
performances impressionnantes.
La dette irlandaise à 100 ans s’est
par exemple appréciée de 61 %
depuis le début de l’année. Son
rendement, de 2,35 % annuel à
l’émission, est tombé à 0,84 %.
C’est moins que ce que Dublin a
payé e n début d’année p our
s’endetter à 10 ans s ur les marchés.
L’appel à l’aide de l’Irlande au
Fonds monétaire international
(FMI), moins de dix ans aupara-
vant, paraît déjà bien loin...

L’Autriche a emprunté
3,5 milliards, à 2,10 %
La dette belge à 100 ans a suivi la
même dynamique. Elle s’adjuge
85 % depuis le début de l’année.
Les montants levés par l’Irlande
et la Belgique à cette maturité,
100 millions d’euros chacun, res-
tent anecdotiques. L’Autriche en
revanche a emprunté 3,5 mil-
liards d’euros à 100 ans en 2017, à
2,10 %. Depuis, le prix de l’obliga-
tion a quasi doublé et affiche une
hausse de 66 % depuis le début de
l’année. L’Autriche en a profité
pour lever 1,25 milliard supplé-
mentaire fin juin à un taux réduit
de 1,17 %. Depuis, il est tombé
encore plus bas, à 0,74 %.
Les entreprises profitent aussi
de l’attractivité des dettes de très
long terme. L’obligation à 100 ans
de l’université d’Oxford, émise en
2017, s’est appréciée de 32 %
depuis le début de l’année. Après
une première émission à 100 ans
en 2015, SNCF Réseau a levé
mardi le premier « green bond » à
100 ans : 100 millions d’euros à un
taux de seulement 1,45 %.n

Bastien Bouchaud
@BastienBouchaud

L’opération avait fait grand b ruit il
y a deux ans. L’Argentine, à peine
revenue sur les marchés finan-
ciers a près quinze ans de
purgatoire, avait réussi à
emprunter 2,7 milliards de dol-
lars sur 100 ans. Le taux de 7,9 %,
attractif compte tenu de la
faiblesse des rendements obliga-
taires, avait à l’époque attiré
11 milliards de dollars d’ordres.
La lune de miel a pris fin lundi
après les primaires. L’obligation a
perdu 25 % de sa valeur en une
journée. Son taux de rendement,
qui évolue en sens inverse de son
prix, a grimpé à 12,5 %. Les inves-
tisseurs qui s’y sont brûlé les
doigts étaient pourtant prévenus.
L’Argentine a connu huit faillites
dans son histoire et était notée en
catégorie spéculative, c’est-à-dire
la plus risquée, par les agences de
notation.
Mais la dette argentine fait
figure d’exception parmi les quel-
ques obligations souveraines à
très long terme. L’Autriche,
l’Irlande et la Belgique ont profité
de la faiblesse des taux d’intérêt
ces dernières années pour
emprunter jusqu’au XXIIe siècle.
Le nouveau plongeon des rende-
ments obligataires depuis le début
de l’année leur a particulièrement

La chute de 25 % du prix
de l’obligation argentine
à 100 ans lundi fait figure
d’exception. Les dettes
à très long terme affichent
des performances élevées.

Le pari des obligations


à 100 ans


mais près d’un tiers à tabler sur ce
scénario. Pour eux, la chute des
taux d’intérêt est appelée à se
poursuivre. 43 % d’entre eux
s’attendent à une baisse des ren-
dements obligataires à court
terme ces douze prochains mois.

Une proportion au plus haut, là
aussi, depuis 2008.
Par ailleurs, les conséquences de
la guerre commerciale commen-
cent à se faire sentir. Notamment
pour les pays très dépendants des
échanges internationaux. A Singa-
pour, le gouvernement a ainsi été
contraint de revoir son scénario
économique et il prévoit désormais
une stagnation pour cette année.
Mais, paradoxalement, la dimi-
nution de l’appétit pour le risque et
la détérioration d e l’environnement
économique n’annoncent pas for-
cément le pire pour les marchés
actions. Plus les taux baissent, plus,
en relatif, c eux-ci paraissent
attrayants.n

lLes anticipations d’une entrée en récession de l’économie américaine dans les douze prochains mois


n’ont jamais été aussi élevées depuis 2009.


lLes investisseurs s’attendent à de nouveaux épisodes de volatilité à court terme.


Les marchés financiers ballottés


par la guerre commerciale


Sophie Rolland
@Sorolland


La tempête provoquée début août
par l’escalade dans la guerre com-
merciale entre Washington et
Pékin a laissé des traces sur les
marchés. Les investisseurs, qui
redoutent par-dessus tout un
ralentissement de la croissance
mondiale, ont les nerfs à vif.
Les tensions politiques en
Argentine et à Hong Kong, en ali-
mentant ces inquiétudes, ont fait
remonter l’aversion au risque d’un
cran à cette semaine. Après une
brève accalmie, le VIX, l’indice de
volatilité le plus regardé à Wall
Street souvent considéré comme
l’« indice de la peur », est même
repassé au-dessus de 20 points. Et
les valeurs refuges en ont profité :
l’once d’or a touché 1.535 dollars et
les rendements obligataires ont
poursuivi leur chute. Le taux amé-
ricain à 30 ans a flirté avec son
plancher historique de 2016
(2,098 %) et, en Europe, le rende-
ment du Bund est descendu
encore plus loin e n territoire néga-
tif (jusqu’à – 0,619 % en séance).


Enquête auprès
des investisseurs
La spirale baissière, qui menaçait
de se réenclencher, a été inter-
rompue par les annonces de
report des surtaxes américaines
sur certains produits électroni-
ques en provenance de Chine
mardi. Les droits de douane
supplémentaires, initialement
annoncés pour septembre,
n’entreront finalement en vigueur
qu’en décembre. En soi, la nou-
velle ne change pas réellement la
donne, mais elle redonne un peu
d’espoir aux investisseurs sur la
suite des négociations. « Il n’est
pas rare que le milieu de l’été soit
agité, d’autant que la liquidité est
faible. Les tensions politiques à
Hong Kong, en Argentine, en Italie
et au Royaume-Uni sont de nature
à occuper les marchés », com-
mente Tangi Le Liboux, straté-
giste chez Aurel BGC.
La plupart des investisseurs
parient d’ailleurs sur de nouveaux
épisodes de volatilité à court terme.
Depuis 2009, ils n’ont jamais été


BOURSE


aussi nombreux à anticiper une
entrée en récession de l’économie
américaine dans les douze pro-
chains mois. La dernière enquête
de Bank of America-Merrill
Lynch auprès des gestionnaires
d’actifs révèle qu’ils sont désor-

Argentine : le peso toujours
orienté à la baisse

Le peso argentin était à nouveau en baisse mardi en
début de soirée. Après avoir dévissé de 18,76 % face au
dollar lundi, dans le sillage du revers du président Macri
aux primaires, il perdait encore 3 %. L’ indice de la
Bourse de Buenos Aires, le Merval, se reprenait, lui,
de 5,7 % après son effondrement de près de 38 % la veille.

FINANCE & MARCHES


Mercredi 14 et jeudi 15 août 2019Les Echos

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