Liberation - 2019-08-14

(Ron) #1
démarche de repentir du pénitent,
à son désir de changer de compor-
tement. Avec humour, l’ancien évê-
que d’Amiens, Jacques Noyer,
aujourd’hui à la retraite, qui fut
confesseur à Lourdes, raconte
qu’un homme s’apprêtant à se ren-
dre à un rendez-vous galant avait
sollicité, par avance, l’absolution de
son adultère. «Je ne pouvais l’ab-
soudre d’un péché qui n’avait pas
encore été commis», plaisante l’évê-
que émérite. Quoi qu’il en soit, le
mari adultère n’aurait obtenu qui-
tus qu’en renonçant à ses projets
d’infidélité...

On ne s’agenouille plus
Inviolable vraiment, le secret de la
confession? «C’est la garantie pour
que la confiance s’établisse», plaide
Roland-Gosselin. L’Eglise catholi-
que y tient mordicus. En Australie,
le débat a été ouvert sur l’obligation
de lever le secret de la confession en
cas d’affaires pédocriminelles.
Quelques voix en France, au sein
même de l’Eglise, ont plaidé pour
une telle mesure, si elle était stricte-
ment encadrée. En retour, elles se
sont attiré les foudres d’une majo-
rité de pratiquants. Et pourtant. Il
y a eu quelques cas. Ainsi Jacques
Noyer se souvient d’une affaire qui
fit grand bruit, il y a une quaran-
taine d’années. En Italie, un prêtre
avait décidé, en conscience, de bri-
ser son obligation de secret pour
alerter les autorités d’un attentat
qui se préparait à la gare de Milan.
L’un des protagonistes s’était confié
à lui dans son confessionnal...
Une exception qui confirme l’im-
muable règle. L’actuel pape Fran-
çois, en bon jésuite (l’ordre religieux
dans lequel il a été formé est connu
pour être le champion de l’accom-
pagnement spirituel), a lui aussi
une attention particulière pour ce
rituel. Le 9 mars 2018, il avait orga-
nisé une soirée de confessions à la
basilique Saint-Pierre du Vatican. A
cette occasion, on l’avait vu, don-

nant l’exemple, aller s’agenouiller
lui-même dans un confessionnal.
Début juillet, il a réaffirmé solen-
nellement le secret, selon lui invio-
lable, de ce sacrement de la théolo-
gie catholique, d’essence divine, si
l’on en croit le texte publié à cette
occasion par le Vatican.
Contrairement à ce qu’on pourrait
croire, la confession n’est pas totale-
ment tombée en désuétude dans le
monde catholique. «C’est vrai, en
particulier, chez les croyants qui ont
une approche beaucoup plus rigo-
riste de la pratique religieuse» , re-
marque l’historienne Caroline Mul-
ler. Le retour de cette pratique, le
prêtre Laurent Lemoine l’a surtout
constaté, en France, depuis que les
Journées mondiales de la jeunesse
(JMJ) ont eu lieu à Paris, en 1997.
Initiés par Jean Paul II, ces immen-
ses rassemblements de jeunes ca-
tholiques ont promu la confession.
Rares sont ceux qui ne se souvien-
nent pas des photos montrant ces
enfilades de confessionnaux en
plein air.
Mais la confession a changé (peut-
être provisoirement...). Dans la
forme, déjà. Beaucoup de paroisses
ont bazardé leurs vieux confession-
naux. On ne s’y agenouille plus, at-
tendant avec une certaine anxiété
dans une semi-obscurité, qu’une
petite grille s’ouvre et qu’un prêtre
se mette à parler. Après le concile
Vatican II, qui a réformé l’Eglise ca-
tholique dans les années 60, des pe-
tits espaces où le pénitent et le curé
se retrouvent face à face ont été peu
à peu aménagés. A Saint-Louis
d’Antin, ils ont la taille d’un cagibi.
Ici, pendant l’été, pour éviter les
chaleurs étouffantes, les confes-
sions ont été transférées dans les es-
paces d’écoute.•

(1) A lire à ce sujet, l’ouvrage de Caroline
Muller, Au plus près des âmes et des corps,
une histoire intime des catholiques au
XIXesiècle, PUF, 2019.

PÉDOPHILIE : L’OMERTA RETOQUÉE
Premier évêque français condamné (à trois mois de prison avec
sursis en 2001) pour avoir couvert un prêtre pédophile, Pierre
Pican, qui officiait à Bayeux et Caen avait invoqué, pour sa défense,
son secret professionnel. Il avait ainsi relancé le débat sur le secret
de la confession. Ce qui pourtant n’était pas le cas dans cette
affaire. «Les évêques ne confessent jamais leurs prêtres», précise
Jacques Noyer, évêque émérite d’Amiens. En France, les ministres
du culte (pasteurs protestants, rabbins, imams...) bénéficient d’un
secret professionnel, leur permettant de protéger les confidences
qu’ils reçoivent spontanément de leurs fidèles. Mais si le tribunal
correctionnel de Caen n’a pas non plus retenu cette option pour
Pierre Pican, c’est que la confidence n’avait pas été spontanée.
En fait, René Bissey, le prêtre pédophile, avait été convoqué par
l’évêque de Bayeux et de Caen pour s’expliquer sur des faits qui lui
avaient été signalés. Le cardinal Philippe Barbarin, lors de son
procès en janvier avait, lui aussi, invoqué le secret de la confidence.
Ce que, une fois encore, le tribunal n’avait pas retenu, le
condamnant à six mois de prison avec sursis. Le procès en appel
aura lieu le 28 novembre.
Normandie. Photo tirée de la série Un curé de campagne, en 1986.PHOTO JEAN-ERICK PASQUIER. RAPHO B.S.


Libération Mercredi 14 et Jeudi 15 Août 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 15

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