Laurent Rigoulet
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L’été
Après Cuba, le membre des Black Panthers Eldridge Cleaver et sa femme Kathleen trouvent refuge à Alger, ville phare de la révolution internationale.
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Quinze jours
fous à Alger
Dans un continent à peine décolonisé, l’Algérie
indépendante organise le Festival panafricain.
Artistes et militants de la cause noire affluent.
Un vent de libération souffle sur une ville exaltée.
La chaleur est étouffante quand
Eldridge Cleaver (1935-1998), figure
charismatique des Black Panthers,
mouvement de libération des Noirs
américains, écrit ses « notes d’exil » :
« Je suis assis dans un petit appartement
sur la plage, à 200 mètres de la mer, des
gens passent sous ma fenêtre et parlent
dans une langue que je ne comprends
pas, cette langue n’est pas l’espagnol, et
ce pays n’est pas Cuba. » Cleaver a dû
s’éloigner du pays d’adoption de Che
Guevara et trouver une nouvelle terre
d’accueil révolutionnaire en Algérie,
où tout lui est étranger. Il a parcouru le
monde, traversé les frontières en utili-
sant tellement de noms d’emprunt
que le sien a « perdu toute clarté ». A Al-
ger, l’angoisse et la fatigue de la fuite
s’estompent. Il sent revenir la force du
désir dans une ville en plein renou-
veau. Alger, capitale de « l’Algérie indé-
pendante, de l’Algérie socialiste », Alger
en chantier, Alger en surchauffe, Alger,
tête de pont de la révolution interna-
tionale où Malcolm X est venu se res-
sourcer quelques années plus tôt. Les
Black Panthers ont installé un centre
d’accueil rue Didouche-Mourad, une
artère fréquentée du centre-ville. La
jeunesse locale se presse devant les ef-
figies des (super-)héros de la rébellion
noire en tenue paramilitaire à béret.
Elle leur trouve des airs de Martiens.
De l’autre côté de l’artère, le Fatah, le
mouvement de libération de la Pales-
tine fondé par Yasser Arafat, a établi
son QG. Les deux organisations se cô-
toient et palabrent, des groupes se for-
ment, d’autres s’y fondent, un mo-
ment de fraternité dans un fatras de
langues enflammées.
En cet été 1969, une multitude de mi-
litants de la cause noire, venus de tous
les horizons, déferle sur Alger qui orga-
nise son premier Festival panafricain,
et en donne le coup d’envoi alors que
les Américains viennent de poser un
pied sur la Lune. L’événement est d’im-
portance. L’Algérie veut en remontrer à
Télérama 3629 31 / 07 / 19