Un autre système de sujétion – plus coercitif
mais aussi plus dispendieux – consistait à «réduire»
un territoire conquis en province. Au milieu du
IIIe siècle av. J.-C., Rome ne possédait que trois pro-
vinces : la Sicile, la Corse et la Sardaigne. Deux
siècles plus tard, à la fin de la République, elle en
détenait plus de vingt. Certaines d’entre elles furent
créées à l’issue d’une victoire militaire – telles l’His-
panie citérieure (l’est de l’actuelle Espagne) et l’His-
panie ultérieure (l’actuelle Andalousie) fondées
en 197 av. J.-C, après la deuxième guerre punique.
D’autres furent reçues en héritage, comme la Cyré-
naïque, située dans la Libye actuelle, léguée par
Ptolémée Apion en 96 av. J.-C. D’autres encore
furent constituées sur d’anciens Etats clients, à
l’exemple de la Grèce formellement intégrée au
territoire romain en 146 av. J.-C.
146 av. J.-C. : l’année est à marquer d’une pierre
blanche. Après la ruine de Corinthe et le sac de
Carthage, le Sénat passa du régime du protectorat
à une politique d’annexion de plus en plus affir-
mée. Selon l’historien Marcel Le Glay, «désormais,
même si elle n’a pas pris immédiatement posses-
sion d’une région après une victoire, Rome a droit
de le faire quand bon lui semble» (Rome, grandeur
et déclin de la République, éd. Perrin, 2005). La
preuve? Après ses succès militaires dans le sud de
la France en 120 av. J.-C., le Sénat n’a pas jugé oppor-
tun de «réduire» la région en province ni même de
lui imposer de tribut. Cinquante ans plus tard, à la
demande de Pompée, il exercera son droit d’hégé-
monie en fondant officiellement la Gaule transal-
pine sur le territoire de l’actuelle
Provence. Une fois tombées
dans l’escarcelle de Rome, les
provinces étrangères deve-
naient des divisions adminis-
tratives à part entière. Elles
étaient attribuées à un magis-
trat de rang supérieur portant
le titre de proconsul ou propré-
teur. Au proconsul incombait la
charge des territoires impor-
tants ou menacés, au propré-
teur revenait la gestion des
régions mineures ou pacifiées.
Exception de taille : l’Egypte, le
dernier vestige de l’empire
alexandrin. Provincialisée en
30 av. J.-C., elle fut confiée, en
raison de sa richesse et de son
prestige, à un préfet rendant
compte uniquement à son
conquérant, Octave, le futur
empereur Auguste.
Qu’ils soient à la tête de
l’humble Corse ou de l’opulent
Orient, tous les gouverneurs
disposaient de l’imperium
(«commandement») leur per-
mettant de diriger des armées
et de condamner à mort. En
principe, la durée de leur man-
dat ne dépassait pas deux ans.
Du moins, initialement. Car
nombre d’entre eux allèrent
au-delà. A commencer par César, proconsul des
Gaules transalpine et cisalpine pendant cinq
années consécutives, de 59 à 55 av. J.-C.
Une fois stabilisée, la province était adminis-
trée, contrôlée et taxée. A ce titre, le gouverneur
était amené à effectuer des tournées d’inspection,
à arbitrer des conflits, à aménager l’espace urbain,
et, bien sûr, à faire rentrer l’argent dans les caisses
de l’Etat. A la fin de la République, commente Mar-
cel Le Glay, «ce sont les revenus provinciaux
L’impérialisme était
avant tout fiscal,
comme le rappelle
cette tablette
gallo-romaine du
IIIe siècle qui mon-
tre un percepteur
collectant la dîme
dans une province.
GEO HISTOIRE 83