Les Echos - 09.03.2020

(Steven Felgate) #1

Laurent Marcaillou
—Correspondant à Toulouse


Le bilan carbone des passagers
aériens toulousains va bientôt
s’améliorer un peu. L’aéroport de
Toulouse-Blagnac alimentera à
l’hydrogène au début de l’année pro-
chaine une partie de ses bus.
Engie Solutions (51 % des parts) et
la région Occitanie, via son Agence
régionale énergie climat (49 %), ont
constitué la société HyPort, qui cons-


truira cette a nnée une station de pro-
duction et de distribution d’hydro-
gène « vert ». Il sera produit par un
électrolyseur d’eau alimenté à l’élec-
tricité renouvelable.
L’investissement s’élève à 7 mil-
lions d’euros, dont 2 millions venant
de l’Agence de l’environnement et de
la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui
apportera aussi 3 millions pour
aider les achats de véhicules à hydro-
gène. L’opération est également sub-
ventionnée par l’Union européenne
et la région Occitanie, qui veut inves-
tir 150 millions d’euros d’ici à 2030
dans ce nouveau carburant. La sta-
tion produira 300 kg d’hydrogène
par jour, de quoi faire le plein de neuf
autobus. Elle le vendra 12 euros le
kilo, un kilo permettant de parcourir
100 km en voiture. HyPort installera
aussi une station à l’aéroport de Tar-
bes-Lourdes en 2021.
Construite en lisière de l’aéroport,
la station de Blagnac aura deux

zones de distribution du côté des pis-
tes et sur la voie publique pour des-
servir le grand public. Entré dans le
programme européen Net Zero,
l’aéroport a commandé en octobre
quatre autobus à hydrogène au
constructeur Safra à Albi (Tarn), qui
seront opérés par Transdev pour
transporter les passagers entre
l’aérogare et les avions, et desservir
les parkings auto. Transdev utilisera
un cinquième autobus H2 pour un
client non dévoilé à Blagnac.

Projet pour les avions
Les engins de piste à l’hydrogène ne
figurent pas encore au programme.
« Il existe déjà des chariots élévateurs
à pile à combustible, on peut imaginer
des équipements de piste ainsi que des
camions à hydrogène disponibles
dans un proche avenir », affirme
Julien Chauvet, directeur hydrogène
France d’Engie Solutions. L’autre
grand client de la station sera le

groupe Safran, qui prépare l’utilisa-
tion de l’hydrogène dans les avions
« plus électriques ». A Toulouse, sa
filiale Safran Power Units et des
laboratoires publics mènent le pro-
jet de recherche Pipaa de 51,6 mil-
lions d’euros sur l’utilisation de la
pile à combustible pour alimenter
les moteurs auxiliaires des avions,
les galleys de restauration et des
moteurs dans les roues.
« L’aéroport et Safran sont les deux
clients socles et nous allons promou-
voir la mobilité à hydrogène zéro
émission auprès des entreprises et des
collectivités », explique Julien Chau-
vet, qui vise les flottes d’utilitaires et
les taxis. Il n’y a pas que l’aéroport. Le
syndicat des transports toulousains
Tisséo a lancé e n décembre un appel
à manifestation d’intérêt pour
implanter une station d’hydrogène à
l’Oncopôle (pôle de recherche sur le
cancer), afin d’alimenter 6 à 8 auto-
bus en 2023.n

L’aéroport de Toulouse roulera plus vert


La société HyPort, créée
par Engie Solutions
et la région Occitanie,
va construire deux stations
de production d’hydrogène
dans les aéroports
de Tarbes et de Toulouse.
Ce dernier a commandé
4 autobus à hydrogène
à Safra pour desservir
les pistes et les parkings.


L’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible, qui fédère industriels et chercheurs, estime l’objectif de 5.000 véhicules utilitaires ou collectifs
et de 100 stations en 2023 « atteignable ». Photo Nicolas Messyasz/Sipa

50 véhicules et ainsi pouvoir ins-
taller une station-service. Six col-
lectivités (Clermont Auvergne
Métropole, Riom Limagne et Vol-
cans, la Métropole de Lyon, Gre-
noble Alpes Métropole, Chambé-
ry-Grand Lac et Moutiers) o nt déjà
franchi ce premier pas.
Seul le territoire de Chambéry a
toutefois réussi à mobiliser assez
d’acteurs économiques, parmi les-
quels EDF, Engie, le concession-
naire auto Jean Lain, pour avoir sa
station-service. « Nous avons plus
d’une soixantaine de demandes de
subventions en cours d’instruction,
fin 2023, nous atteindrons bien
l’objectif de 1.000 véhicules subven-
tionnés », assure Jean-Sébastien
Bisch, chef de projet Zero Emis-
sion Valley. Et par ricochet, celui
de la vingtaine de stations-service,
même si, pour l’heure, aucun nou-
veau projet n’est en cours.

Cartographie
Ces équipements sont financés
par la SAS Hympulsion, détenue
par la région (33 %), Engie et
Michelin (22,8 % chacun), la
Caisse des Dépôts (16,9 %), le Cré-
dit Agricole (4,6 %). Elle dispose
d’un budget de 40 millions récem-
ment abondé par l’A deme à hau-
teur de 14,4 millions. L’exploita-
tion des stations-service est
confiée à GN Vert, filiale d’Engie.
L’objectif des partenaires de ZEV
est de démultiplier la demande
pour rentabiliser ces stations
ouvertes à tous. Ils s’attellent
d’ailleurs à la réalisation d’une car-
tographie des stations-service à
hydrogène, dans l’espoir de voir
plus d’acteurs publics et privés,
mais aussi des particuliers rouler
à l’hydrogène.n

Françoise Sigot
—Correspondante à Lyon

Et d’une! Le 14 février dernier, le
président du conseil régional
Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent
Wauquiez, a inauguré à Cham-
béry la première station à hydro-
gène financée dans le cadre du
projet Zero Emission Valley (ZEV),
visant à développer l’usage de cette
énergie.
La méthode? Créer l’offre avec
des stations-service abritant un
électrolyseur pour produire ce
carburant et des bornes pour le
distribuer. Et en parallèle, créer la
demande en subventionnant
l’achat de véhicules à pile à com-
bustible.
La région Aura met la main au
portefeuille, via un financement
proportionnel au nombre de kilo-
mètres au compteur. Cette aide va
jusqu’à 15.000 euros par véhicule
parcourant plus de 25.000 kilomè-
tres par an. Elle mise aussi sur la
mobilisation des collectivités loca-
les, encouragées à désigner des
chefs de projet Zéro Emission Val-
ley pour porter la bonne parole
auprès des acteurs économiques
de leur territoire.
Il s’agit de les convaincre
d’acquérir des véhicules à hydro-
gène pour atteindre le seuil de

Début 2019, la région
Auvergne-Rhône-Alpes
s’est fixé pour objectif
d’installer 20 stations
de recharge d’hydrogène,
en subventionnant l’achat
par des entreprises
privées et des partenaires
publics de 1.000 véhicules
utilisant cette énergie.

Un an et une station à


Chambéry pour le plan


hydrogène de Wauquiez


cédé », indique Stéphanie Paysant,
porte-parole de l’Afhypac.
C’est le cas de la Bourgogne-Fran-
che-Comté, qui a prévu 90 millions
d’euros de subvention jusqu’en 2030
dans son plan de développement
d’une centaine de stations, adopté e n
novembre 2019. En quelques mois,
plusieurs agglomérations ont
décidé de se lancer et une vingtaine
de projets consacrés à la mobilité
sont déjà recensés. Dijon a lancé en
janvier la construction d’une unité
de production et de distribution, qui
sera alimentée par l’électricité pro-
duite par l’usine d’incinération des
ordures ménagères et ravitaillera
une flotte de huit camions de col-
lecte de déchets. Auxerre et Belfort
ont, pour leur part, choisi d’expéri-
menter ce carburant sur une demi-
douzaine de bus chacune.
L’acteur privé le plus mobilisé sur
le territoire est Rougeot Energie,
filiale de l’entreprise familiale de tra-
vaux publics R ougeot (chiffre d’affai-

res de 100 millions d’euros, 580 sala-
riés). L’entreprise de Meursault
(Côte-d’Or) se positionne sur le plan
bourguignon, mais a aussi des visées
nationales. Pour accompagner le
marché des flottes captives des col-
lectivités et des entreprises, elle a
créé, dès 2017, une société d’ingénie-
rie, Justy (chiffre d’affaires de 1,3 mil-
lion d’euros en 2019), et s’apprête à
poser la première pierre d’un centre
d’essais et de contrôle des réservoirs
à hydrogène à Belfort. Un investisse-
ment de 8 millions d’euros.

Statut original
Rougeot s’est allié à Dijon Métropole
au travers de la société commune
Smart Energhy, dont il est l’action-
naire majoritaire. Le partenariat
public-privé portera l’investisse-
ment de 6,5 millions d’euros néces-
saire à une capacité de production
de 500 kg d’hydrogène par jour. Ce
statut original, institué par la loi du
17 août 2015 sur la transition énergé-

tique pour la croissance verte, per-
met aux collectivités locales d’entrer
de façon minoritaire dans le capital
de sociétés de production d’énergies
renouvelables. L’achat des véhicules
équipés de piles à combustible reste
à la charge de la collectivité.
Rougeot duplique le modèle à
Auxerre, où la station approvision-
nera, en plus des bus de l’agglomé-
ration, des trains régionaux desti-
nés à circuler sur la partie non
électrifiée de la ligne Avallon-Mi-
gennes, dans l’Yonne. A Belfort, c’est
Hymamics, filiale hydrogène du
groupe EDF, qui est pressenti pour
accompagner la communauté
d’agglomération.
Pour Christophe Rougeot, le pré-
sident de l’ETI, le bénéfice d’une
société de droit privé est de « gagner
du temps en comparaison des délais
d’un marché public ». L’entrepre-
neur se revendique seul indépen-
dant au côté de gros acteurs comme
EDF ou Air Liquide.n

Christiane Perruchot
—Correspondante à Dijon


Les projets de stations à hydrogène
comprimé décarboné commencent
à fleurir dans l’Hexagone à coups de
partenariats public-privé. Produit
par électrolyse de l’eau et n’émettant
pas de CO 2 , ce nouveau carburant
vert convainc de plus en plus de col-
lectivités soucieuses de verdir le
transport et de créer des circuits
courts de l’énergie. « Avec une volonté
politique plus ou moins forte »,
nuance l’Association française pour
l’hydrogène et les piles à combusti-
ble (Afhypac), qui fédère industriels
et chercheurs. Pour l’association,
l’objectif de 5.000 véhicules utilitai-
res ou collectifs et de 100 stations
en 2023 semble « atteignable ».
Une poignée de conseils régio-
naux ont pris la tête de cette filière
(Bourgogne-Franche-Comté, Occi-
tanie, Normandie, Auvergne-Rhô-
ne-Alpes) et déjà établi un plan de
financement des projets émergeant
sur leur territoire. Les autres écri-
vent leur feuille de route. Tous ont en
tête l’horizon fixé par le plan natio-
nal de déploiement de l’hydrogène
présenté en 2018 par le ministre
Nicolas Hulot : établir la part de
l’hydrogène à 20 % dans le mix éner-
gétique en 2030.


Plus cher
En attendant que le coût de cette
nouvelle technologie trouve sa ren-
tabilité par la massification de son
utilisation, ce sont les collectivités
qui équilibrent les projets, aidées d es
industriels à travers des partenariats
public-privé. « L’hydrogène décar-
boné par électrolyse de l’eau est plus
cher à produire que l’hydrogène par
reformage du gaz, celui qu’utilisent
beaucoup d’industriels dans leur pro-


lQuelques collectivités et des opérateurs privés financent l’installation de points de ravitaillement pour inciter


au développement de flottes de véhicules à hydrogène.


lRougeot, ETI engagée dans plusieurs villes bourguignonnes, dont Dijon, vient de lancer son projet.


Les premières stations à hydrogène


public-privé sortent de terre


ÉNERGIE


90


MILLIONS D’EUROS
Le montant des subventions
prévu par la Bourgogne-
Franche-Comté jusqu’en 2030,
pour son plan
de développement
d’une centaine de stations.


PME & REGIONS


Les EchosLundi 9 mars 2020

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