Les Echos - 09.03.2020

(Steven Felgate) #1

Les Echos Lundi 9 mars 2020 FINANCE & MARCHES// 31


Plus tôt, le groupe Crédit Agricole
avait annoncé des mesures ciblées.
« Au cas par cas », la banque s’est
dite ainsi prête à étudier le report
jusqu’à 6 mois des rembourse-
ments de crédit et mettre en place
une procédure accélérée d’accord
de crédit en moins de 5 jours pour
les situations les plus urgentes.
Elle peut également, dans ces
conditions, supprimer les pénalités
et les coûts additionnels des reports
d’échéance et de crédit des clients.
En matière d’assurance, la banque
mutualiste pourra accélérer les
modalités de prise en charge des
demandes d’indemnités des clients
couverts.n

Fédération bancaire française
(FBF) a affirmé la « totale mobilisa-
tion » des banques « afin d’accom-
pagner leurs clients, notamment
TPE et PME, face à d’éventuelles dif-
ficultés résultant du développement
de l’épidémie de coronavirus pou-
vant impacter temporairement leur
activité ». Les prêteurs « examine-
ront avec attention les situations
individuelles des TPE et PME impac-
tées dans les secteurs exposés aux
conséquences de cette crise sanitaire.
Les banques rechercheront notam-
ment au cas par cas les solutions
adaptées aux besoins de finance-
ment court terme », indique encore
la FBF.

Selon une enquête de la CPME
menée auprès de 940 chefs d’entre-
prise du 27 février au 3 mars, 54 %
des entreprises exportant dans les
zones infectées par le virus rencon-
trent des difficultés, ainsi que 39 %
de celles s’y approvisionnant. A cel-
les-ci s’ajoutent les petites et
moyennes entreprises du secteur
du tourisme. La majorité d’entre
elles a déjà observé une baisse de
son chiffre d’affaires. Et l’inquié-
tude générale monte. Ils sont
désormais 68 % chez les chefs
d’entreprise à exprimer des crain-
tes pour leur activité, contre 51 % la
semaine précédente. D ans l a foulée
de la réunion à Bercy, vendredi, la

Solenn Poullennec
@SolennMorgan


« Si vous me mettez devant un épi-
sode de “Dora l’exploratrice” le soir,
je n’ai plus assez de cerveau pour le
comprendre », plaisante un expert
de l’assurance-annulation. Comme
d’autres professionnels du secteur,
celui-ci est sur la brèche depuis que
la propagation du coronavirus en
Europe et les exigences françaises
d’annulation des événements fer-
més de plus de 5.000 personnes ont
provoqué la zizanie dans le monde
des Salons p rofessionnels, des com-
pétitions sportives ou des manifes-
tations culturelles. Jeudi, le mara-
thon de Paris est venu s’ajouter à la
liste des rassemblements reportés.
Les courtiers et les assureurs
actifs sur le segment de l’assurance-


annulation tels qu’Allianz, Gene-
rali, Tokio Marine HCC ou encore
AXA et Circles Group se retrouvent
en première ligne pour répondre
aux demandes d’indemnisation des
organisateurs. « Sur le marché fran-
çais, 80 % des grands événements
sportifs et culturels sont assurés
6 mois à 1 an à l’avance, et, pour eux,
la garantie contre l’épidémie est
acquise », assure Laurent Cellot,
directeur chez le courtier en assu-
rances Gras Savoye Willis Towers
Watson.
« En cas d’annulation, les organi-
sateurs peuvent obtenir un rembour-
sement de leurs frais. En cas de
report, les assureurs acceptent de
prendre en charge les frais supplé-
mentaires engendrés par celui-ci »,
poursuit le professionnel. Reste
que, même assurés en amont, tous
les organisateurs d’événements ne
sont pas logés à la même enseigne.
« Les événements privés et ceux orga-
nisés par les entreprises [pour leur
propre compte, NDLR] ne font pas
toujours l’objet d’une assurance-an-
nulation », explique Laurent Cellot.
« Il est encore difficile de détermi-
ner si les clients sont couverts par les

contrats d’assurance-annulation
d’une manière générale. En effet, les
garanties et exclusions varient d’un
contrat à l’autre, excluant pour cer-
tains, entre autres, la notion de SRAS
et toutes formes virales apparentées

ou toutes épidémies », décrypte
Antonella Spinella, directrice chez
le courtier Siaci Saint Honoré. « On
pressent que, dans beaucoup de cas,
cela va être une perte sèche pour les
organisateurs », avance, moins opti-
miste, Alexandre Regniault, chargé
des assurances au cabinet d’avocats
Simmons & Simmons.

Crainte pour
les Jeux Olympiques
Une chose est sûre, il y a un avant et
un après-explosion de l’épidémie
du coronavirus. « De nombreux
clients nous sollicitent pour sous-
crire des polices pour des futurs évé-
nements, en voulant racheter les
exclusions é pidémies et pandémies. »
Depuis le mois de janvier cepen-
dant, « les assureurs excluent systé-
matiquement le risque coronavirus
dans les nouveaux contrats, cultu-
rels, sportifs, e tc., et ce, p our toutes les
zones géographiques », souligne
Katherine Villarruel, chez le cour-
tier en assurances Marsh. La date
de bascule utilisée en référence par
les assureurs peut varier d’un
groupe à l’autre.
Selon plusieurs sources, un seul

acteur présent sur le marché, Cir-
cles Group, acceptait jusqu’en
février de couvrir contre le corona-
virus sous réserve que son client y
mette le prix. Mais il a refermé la
fenêtre de tir à la fin du mois dernier.
Les annulations ne toucheront
pas tous les assureurs de la même
façon. Certains se montrent
d’ailleurs sereins. « Pour les annula-
tions des événements, nous avons
très peu de contrats où le risque de
pandémie n’est pas exclu, très peu »,
a indiqué jeudi le CEO d’AXA
France, Jacques de Peretti.
« La plus grosse crainte des assu-
reurs, ce sont les Jeux Olympiques »,
assure Katherine Villarruel chez
Marsh. Même si l’annulation de la
manifestation qui doit s’ouvrir à
Tokyo en juillet n’est pas à l’ordre du
jour, le Comité international olym-
pique a déclaré être assuré contre
une telle décision. « L’impact d’une
annulation d es JO serait dans tous les
cas catastrophique p our le marché de
l’assurance-annulation », conclut
Laurent Cellot. Rien que pour
Munich Ré, la facture serait de plus
de 100 millions d’euros, a indiqué le
réassureur fin février.n

Annulations : le secteur événementiel


face au maquis des assurances


Devant la propagation
du coronavirus en Europe,
les reports et annulations
d’événements se multi-
plient. Seuls les organisa-
teurs bien assurés en
amont pourront obtenir
une indemnisation.


Le risque


de défaut


des


entreprises


flambe


Isabelle Couet
@icouet

Une vague de faillite d’entrepri-
ses est-elle à craindre? C’est ce
que le marché semble désor-
mais anticiper pour les entre-
prises notées en catégorie spé-
culative. L’indice iTraxx
flambait vendredi après-midi
sur les marchés pour atteindre
son plus haut niveau depuis
l’été 2016. L’iTraxx portant sur
la dette « high yield » (obliga-
tions mal notées, c’est-à-dire en
dessous de BBB) a bondi de
100 points de base, à environ
380 points. Il s’agit d’un indice
de CDS – « credit default
swaps » –, autrement dit mesu-
rant le coût moyen d’une assu-
rance pour se protéger du ris-
que de défaut d’une entreprise.
Une référence pour tout le mar-
ché du crédit.

« C’est un peu la panique,
estime Vaclav Vacikar de Rabo-
bank auprès de Bloomberg, il
semble que les participants de
marché n’ont pas voulu garder de
risques pendant le week-end. » Le
stratégiste crédit n’a d’ailleurs
pas le souvenir d’une séance où
la volatilité a été aussi forte. Chez
ING, le ton est même alarmiste :
« Nous observons une correction,
et je pense que nous n’avons pas
encore vu le pire », s’inquiète
Jeroen van den Broek.

Montagnes de dette
Depuis l’émergence de la crise
du coronavirus, les inquiétudes
de la communauté financière se
concentrent sur un point faible
des marchés : la dette des entre-
prises. Des années de taux
extrêmement b as ont poussé les
groupes à lever des montagnes
de dette. Une frénésie qui s’est
accompagnée d’une dégrada-
tion de la qualité des émetteurs,
comme l’a souligné récemment
l’OCDE dans un rapport choc.
La crise actuelle, en dégra-
dant les perspectives de rentabi-
lité et donc la capacité de rem-
boursement des emprunteurs,
peut être le catalyseur d’une
série de défaillances. Cette
semaine, les analystes d’ING
prévenaient : « Les anticipations
de taux de défaut sont encore très
bénignes mais, en cas de retour-
nement économique, on pourrait
assister à un rebond des défauts,
qui pousserait les investisseurs
exposés à la dette spéculative et
aux p rêts à effet d e levier à réduire
leurs portefeuilles brutalement.
Comme la liquidité est limitée sur
ces segments, cela pourrait
entraîner des ventes forcées. »
Depuis le début de la crise du
coronavirus, plus aucune
entreprise en catégorie spécu-
lative n’a a ccès aux marchés des
levées de dette en Europe.
Même les emprunteurs bien
notés ont vu le marché se fer-
mer plusieurs jours.n

Les indices CDS – ces
assurances qui permet-
tent de se protéger d’un
défaut obligataire – se
tendent à des plus hauts
depuis quatre ans. Un
très mauvais présage
pour les entreprises
lourdement endettées.

Les inquiétudes
de la communauté
financière se
concentrent sur
un point faible des
marchés : la dette
des entreprises.

« Les garanties
et exclusions
varient
d’un contrat
à l’autre, excluant
pour certains,
entre autres,
la notion de SRAS
et toutes formes
virales
apparentées
ou toutes
épidémies. »
ANTONELLA SPINELLA
Directrice chez le courtier
Siaci Saint Honoré

Bruno Le Maire bat le rappel


des banques et des assureurs


Anne Drif
@ANNDRIF
et Edouard Lederer
@EdouardLederer


Bercy appelle l ’ensemble d u secteur
financier à la mobilisation. Bruno
Le Maire a convoqué, vendredi, les
grands banquiers et les assureurs
français pour leur demander de
soutenir les entreprises en diffi-
culté. Frédéric Oudéa (Société
Générale et Fédération bancaire
française), Philippe Brassac (Crédit
Agricole), Jean-Laurent Bonnafé
(BNP Paribas), Laurent Mignon
(BPCE), Isabelle Ferrand (Crédit
Mutuel), Tony Blanco (La Banque
Postale), Benoît de La Chapelle
Bizot (FBF), ainsi que les dirigeants
de la Fédération française de l’assu-
rance et de la Caisse Centrale de
Réassurance ont été appelés à « être
vigilants [face] aux entreprises en dif-
ficulté et [à] soutenir les entreprises
qui souffrent le plus dans les secteurs
de l’événementiel, du tourisme, des
transports et de la restauration »,
explique-t-on du côté de Bercy.
« Il a aussi été demandé aux éta-
blissements financiers de se faire le
relais des mesures du gouvernement
auprès des chefs d’entreprise en diffi-
culté qui se manifesteraient auprès
de leurs services, et qui n’en auraient
pas forcément connaissance, à l’ins-
tar des dispositions de report de char-
ges sociales », explique-t-on aussi
au ministère des Finances.


Report de plusieurs mois
des échéances de crédit
Dimanche, la ministre du Travail,
Muriel Pénicaud, a déclaré que près
de 900 entreprises avaient d’ores et
déjà demandé à bénéficier des aides
au chômage partiel. « Cela concerne
15.000 salariés », a-t-elle dit, chif-
frant à 52 millions d’euros le coût de
la mesure. On ne peut pas laisser des
TPE, des PME à la merci de ce genre de
situations. »


Le ministre de l’Economie
a convoqué, vendredi,
les grands banquiers
et les assureurs ainsi que
le gouverneur de la Banque
de France pour les appeler
à soutenir les entreprises
en difficulté touchées
par le coronavirus.


« Il a été demandé
aux établissements
financiers de
se faire le relais
des mesures
du gouvernement
auprès des chefs
d’entreprise
en difficulté. »
LE MINISTÈRE
DES FINANCES

Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, arrivant à l’Elysée, le 26 février dernier, pour une réunion
consacrée au coronavirus. Photo Ludovic Marin/AFP
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