32 // FINANCE & MARCHES Vendredi 21 et samedi 22 février 2020 Les Echos
Thibaut Madelin
@ThibautMadelin
Deux ans après l’acquisition de
XL Group pour 15 milliards de dol-
lars, AXA est rattrapé par ses
démons. Le géant français de l’assu-
rance a vu son cours chuter de près
de 4 %, jeudi, après avoir corrigé les
prévisions de résultat de sa division
de grands risques, dont il a débar-
qué le patron. Scott Gunter, précé-
demment vice-président senior de
l’assureur Chubb, va succéder à
Greg Hendrick, un pilier historique
de XL Group, qui « a décidé de pour-
suivre d’autres opportunités en
dehors du groupe », a annoncé le
géant français de l’assurance en
marge de la publication de ses
résultats annuels.
Le groupe a annoncé un chiffre
d’affaires en hausse de 5 %, à
103,5 milliards d’euros et un résultat
opérationnel en hausse de 4 %, à
6,45 milliards d’euros. Le retour sur
fonds propres a atteint 16 %. Un
niveau « extrêmement élevé », a sou-
ligné le nouveau directeur finan-
cier, Etienne Bouas-Laurent, sem-
blant préparer le terrain pour une
baisse en 2020 sur fonds d’incertitu-
des liées aux effets de l’épidémie du
coronavirus.
La reprise en main de XL souli-
gne les difficultés d’intégration d e la
division, qui prévoit désormais un
résultat opérationnel de 1,2 milliard
d’euros en 2020, contre 1,4 milliard
jusqu’à présent. Elle est confrontée
à un niveau de catastrophes natu-
relles plus élevé qu’attendu au
moment de l’acquisition.
De nouvelles mesures
« Chez AXA XL, impacté une nou-
velle fois par une sinistralité défavo-
rable en 2019, nous enregistrons de
fortes hausses tarifaires et prenons
les mesures nécessaires pour réduire
la volatilité des résultats », a déclaré
Thomas Buberl, le patron d’AXA.
Une façon implicite de reconnaître
que le chantier est plus dur qu’anti-
cipé. Au-delà des catastrophes
naturelles, dont les coûts ont
dépassé de 300 millions d’euros le
niveau normalisé, le groupe a cons-
taté une déviation de 200 millions
au quatrième trimestre liée à
« l’inflation sociale », un phéno-
mène de renchérissement observé
en Amérique du Nord et lié à la
AXA rattrapé par les difficultés
de sa nouvelle filiale XL Group
l Deux ans après l’acquisition de XL Group, l’intégration représente un défi plus lourd que prévu.
lLe géant français de l’assurance a débarqué le patron de sa division de grands risques.
nomination surprise avait relancé
les interrogations sur la stratégie
du groupe dans ce métier.
Quatre mois plus tard, AXA ne
veut pas laisser planer le doute : la
gestion d’actifs reste son cœur de
métier. Et ce malgré une taille rela-
tivement modeste face à ses con-
currents. L’an dernier, elle affichait
673 milliards d ’euros d’actifs g érés,
en hausse de 5 % en 2019, et un
résultat opérationnel de 264 mil-
lions d’euros, en baisse de 3 %.
Pour s’imposer, AXA IM mise
sur la gestion d’actifs alternatifs,
qui incluent notamment l’immo-
bilier et représente 137 milliards.
« On est numéro un en Europe et
cinquième au niveau mondial », a
insisté Gérald Harlin, pour qui la
croissance passera aussi par les
actifs dits « core », comme les pro-
duits à taux fixe ou les actions.
Gestion assurantielle
AXA est convaincu que cette
expertise pourra convaincre
d’autres investisseurs institution-
nels de lui confier sa gestion. Mais
le groupe compte aussi sur
l’expertise de sa filiale pour ses
propres placements (gestion
assurantielle). AXA France est
ainsi le premier client d’AXA IM et
fait appel à lui pour 90 % de son
portefeuille.
Coefficient d’exploitation
A l’heure où l’épargne se boule-
verse sur fond de taux ultrafaibles,
la filiale historique compte sur
l’expertise d ’A XA IM pour d évelop-
per des produits capables
d’accompagner la transition des
clients des fonds traditionnels en
euros vers ceux, plus sophistiqués,
en unités de compte (UC), qui font
appel à des produits structurés.
Mais ce n’est pas l’unique point
de la feuille de route. Pour s’entou-
rer, Gérald Harlin, dont le mandat
est perçu comme temporaire, s’est
entouré mi-janvier d’un nouveau
directeur global des opérations,
Godefroy de Colombe. Son profil
est un signe : il dirigeait jusqu’ici la
filiale low cost du groupe, Direct
Assurance.
Autrement dit, la discipline en
matière de coûts va devenir une
priorité. En 2018, AXA a lancé un
plan d’économie de 100 millions
d’euros, prévoyant plus de
200 départs volontaires. Ce pro-
gramme a déjà un impact positif
sur la structure, qui a vu son coeffi-
cient d’exploitation diminuer de
0,2 point, à 72 % en 2019.
Le gestionnaire d’actifs veut
l’abaisser davantage. « C’est évi-
demment l’un des objectifs à moyen
terme », a déclaré Gérald Harlin à
« L’Agefi ». A titre de comparaison,
la moyenne de l’industrie se situe
entre 60 et 65 % et Amundi, le lea-
der européen, affichait en 2019 un
coefficient de 50,9 %.
Les efforts attendus en matière
de discipline, dans une filiale
habituée à vivre dans le confort,
suffiront-ils à dissiper les doutes
potentiels qu’AXA pourrait éprou-
ver si la consolidation du secteur s e
poursuit? « Si un concurrent vient
avec une offre alléchante, la ques-
tion reviendra sans doute », juge un
« insider ».n
AXA IM mise sur la discipline et la gestion alternative
T. M.
avec Bastien Bouchaud
« La feuille de route c’est la crois-
sance et c’est la croissance organi-
que. » Gérald Harlin, président
exécutif d’AXA Investment Mana-
gers, a affiché jeudi les ambitions
de la société de gestion d’actifs
d’AXA, soulignant implicitement
la dimension stratégique de cette
filiale qui fait régulièrement l’objet
de rumeurs de cession.
L’ancien directeur financier du
groupe d’assurance avait été
nommé en octobre dernier pour
succéder à Andrea Rossi, poussé
vers la sortie. I ntervenant d eux ans
après l’échec de négociations de
cession d’AXA IM à Natixis, sa
L’assureur a nommé
mi-janvier Godefroy
de Colombe, ancien PDG
de sa filiale à bas coût
Direct Assurance, comme
directeur des opérations
de sa filiale de gestion
d’actifs.
ASSURANCE
judiciarisation des sinistres en res-
ponsabilité civile. Le groupe a pris
trois mesures : une réduction de
l’exposition aux branches dom-
mages exposées aux risques de
catastrophes naturelles, une réduc-
tion de l’exposition aux b ranches de
responsabilité, ainsi que de nouvel-
les couvertures de réassurance,
qui expliquent la correction des
objectifs.
Hausses de prix
La baisse des objectifs « soulève c lai-
rement la question des équilibres
financiers d’une acquisition dont le
périmètre est maintenant réduit au
minimum », ont commenté les ana-
lystes de Citi, illustrant l’inquiétude
persistante des marchés sur cette
opération dont l’annonce, en
mars 2018, avait entraîné une chute
du cours de près de 10 %.
Thomas Buberl se retrouve en
première ligne. « L’acquisition de XL
est vraiment au cœur de notre straté-
gie qui consiste à changer le profil de
risque d’AXA, d u risque financier l ié à
l’épargne vers un risque technique lié
aux dommages, a-t-il déclaré aux
« Echos ». On passe de la phase d’inté-
gration à la phase d’accélération. »
Alors qu’A XA vise des synergies
de 100 e t 300 millions d ’euros par a n
sur le plan des revenus et des coûts,
moyennant la suppression de quel-
que 700 postes, un nouveau s errage
de vis pourrait être d écidé. « Il y a un
programme en cours, mais on
pourra certainement aller au-delà »,
selon une source interne.
Au-delà de cette discipline ren-
forcée, AXA XL peut compter sur la
hausse des prix dans les grands ris-
ques. En 2019, ceux-ci ont aug-
menté en moyenne de 8 % avec une
accélération en fin d’année. Sur cer-
taines lignes, les hausses peuvent
dépasser 30 à 40 %, a insisté Etienne
Bouas-Laurent.
(
Lire « Crible »
Page 44
AXA vise des
synergies de 100 et
300 millions d’euros
par an sur le plan
des revenus et
des coûts, moyennant
la suppression de
quelque 700 postes.
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de 3,5 % (mais stable en France), à
33,5 milliards d’euros, et un résultat
net en progression de 3,3 %, à
1,4 milliard. Et, « pour la première
fois », comme le souligne Antoine
Lissowski, directeur général, le
groupe se fixe un objectif pour
2020, une « croissance de 3 à 7 % »
du résultat net.
Dans le cadre de la réorganisa-
tion du pôle financier public,
La Banque Postale, elle-même
filiale à 100 % de La Poste (groupe
Caisse des Dépôts), sera l’action-
naire majoritaire (62 % du capital)
au côté du groupe bancaire BPCE
(16 %) et d’un flottant élargi à 22 %.
La Banque Postale est d’ailleurs le
premier partenaire de CNP Assu-
rances (25 % du chiffre d’affaires),
devant le groupe brésilien Caixa
Economica Federal (20 %), dont le
partenariat sera prolongé jusqu’e n
2046, et enfin de BPCE (19 %).
L’intégration partielle de la provi-
sion pour participation aux bénéfi-
ces (PPB), qui appartient toujours
aux clients d’assurance-vie, a littéra-
lement dopé le ratio de couverture
du groupe de 60 points de pourcen-
tage. Le ratio de couverture atteint
ainsi 227 %, contre 187 % à la fin
2018, alors qu’il n’aurait été que de
167 % sans le fameux arrêté « PPB »
signé en urgence par Bercy le
24 décembre dernier. L’é mission de
1 milliard d’euros de dettes subor-
données a eu quant à elle un impact
limité de 7 points de pourcentage.
Pratiques prudentielles
Cette disposition réglementaire,
qui vise à aligner les pratiques pru-
dentielles européennes, bénéficie
en premier lieu aux assureurs-vie
qui ont constitué, au fil des ans, des
provisions importantes. C’est le cas
de CNP Assurances, dont la PPB
s’élève à 13,8 milliards d’euros (dont
9,1 milliards « éligibles » au calcul
prudentiel selon les modalités défi-
nies par le superviseur), soit 6 %
de l’encours des fonds en euros.
Sur l’activité épargne en France,
les actions commerciales menées
pour réduire l’impact de la baisse
des taux, à la fois pour les clients
et l’assureur, ont porté leurs fruits :
la collecte nette sur les fonds en
euros, au capital garanti, est néga-
tive de 3 milliards d’euros alors que
la collecte en unités de compte (UC)
est positive de 3 milliards.
Si l’objectif du groupe est de se
positionner sur les activités à ris-
que, l’épargne représente toujours
76 % de son chiffre d’affaires en
France. Toutefois, le directeur géné-
ral a confirmé la vocation de CNP
Assurances à récupérer l’activité
IARD de La Banque Postale, d’ici à
un ou deux ans.n
Covéa cède sa participation dans Caser
ASSURANCE Le groupe d’assurances mutualiste Covéa, en
négociations exclusives pour racheter Partner Re, vient, selon
nos informations, de céder sa participation de 20 % dans l’assu-
reur-vie espagnol Caser Seguros. Le montant brut de cette ces-
sion d evrait avoisiner les 220 millions d’euros. C ette transaction
a été réalisée lors du rachat par le groupe suisse Helvetia de 70 %
du capital de Caser, pour un montant de 780 millions d’euros.
en bref CNP Assurances dope sa solvabilité
avant son mariage
Eric Benhamou
@eric_benhamou
A la veille de son adossement à
La Banque Postale, les autorisa-
tions étant attendues « d’ici à quinze
jours », CNP Assurances affiche un
solide bilan sur l’exercice 2019 : un
chiffre d’affaires (primes) en hausse
ASSURANCE
La montée au capital
de l’assureur par
La Banque Postale
sera finalisée d’ici
à quinze jours.
L’assureur annonce un
objectif de croissance
de 3 à 7 % de son
résultat net en 2020.