de marché. Tout en assurant « ne
pas fermer la porte » à l’alliance avec
l’Opep, le ministre russe de l’Ener-
gie, Alexandre Novak, a annoncé
que le pays « peut augmenter sa pro-
duction de 200 .000 à 300.000 barils
par jour, a vec un potentiel de
500 .000 bpj dans un avenir proche ».
Le rouble au plus bas
Ce retour au chacun pour soi n’a pas
tardé à avoir un effet boomerang. La
chute des cours de l’or noir provo-
quée par la fin de l’alliance Russie-
Arabie saoudite (qui concentrent
ensemble plus de 40 % de la produc-
tion mondiale) a fait plonger la
Bourse de Moscou. L’indice princi-
pal a baissé de 16 % à l’ouverture
mardi, avant de se reprendre. Dans
sa chute, le pétrole a entraîné le rou-
ble, qui a dévissé de près de 10 %
lundi, avant de légèrement remon-
ter. Le taux de change du rouble face
à l’euro ou au dollar atteint des
niveaux sans précédent depuis 2016.
Dans un pays dépendant des
hydrocarbures (30 % du PIB, 50 %
mis par Vladimir Poutine. En guise
de relance, le chef du Kremlin a
lancé un vaste plan d’investisse-
ment de 300 milliards d’euros. Mais
la baisse des prix pétroliers va
désormais mettre, par ricochet, les
finances publiques à rude épreuve.
Les autorités se veulent certes
rassurantes. Le ministre de l’Ener-
gie explique que l’industrie pétro-
lière dispose d ’une marge suffisante
pour rester compétitive à tout
niveau de prix. Son collègue aux
Finances rappelle que le pays a
accumulé assez de réserves pour
faire front.
Avec 150 milliards de dollars (9 %
du PIB), le fonds souverain russe
pourrait tenir entre 6 et 10 ans si les
prix du pétrole chutaient à
25-30 dollars par baril. La position
financière est d’autant plus solide
par rapport à la guerre des prix de
2016 que Moscou aurait plus de
réserves financières que Riyad et
une devise plus flexible que celle du
royaume. Des assurances désor-
mais mises à l’é preuve des faits.n
Moscou face à un risque d’effet boomerang
Be njamin Quénelle
[email protected]
—Correspondant à Moscou
Baisse du rouble et chute de la
Bourse de Moscou : la Russie a payé
cher mardi le défi pétrolier lancé
par le Kremlin à l’A rabie saoudite.
En mettant fin à son alliance tari-
faire avec l’Organisation des pays
exportateurs de pétrole (Opep) diri-
gée par Riyad, la Russie a fait un
pari risqué.
Libérées des contraintes de pro-
duction exigées jusque-là par le
soutien des prix en concertation
avec l’Opep, les compagnies de l’or
noir russe, le géant public Rosneft
en tête, peuvent désormais repren-
dre leur stratégie de prise de parts
La fin de l’alliance
pétrolière de la Russie avec
l’Arabie saoudite a précipité
la chute des prix du baril.
Une nouvelle épreuve
pour l’économie russe,
déjà en pleine stagnation.
pour l’Etat, la situation est grave.
« Même avant le choc pétrolier de
cette semaine, les réserves en devises
n’offraient pas un niveau de protec-
tion suffisant, explique Mahmoud
Harb, analyste chez Fitch Ratings,
compte tenu de la vulnérabilité exté-
rieure du Nigeria » , et notamment
sa dépendance aux cours du
pétrole. Ces réserves sont passées
de 45 milliards de dollars à l’été
2019 à 38 milliards fin 201 9 et
36 milliards vendredi dernier, pré-
cise encore l’analyste. En décem-
bre, l’agence considérait que les
perspectives de la note souveraine
du pays étaient négatives. Pour
attirer les investisseurs, la Banque
centrale nigériane a en outre misé
sur des instruments non conven-
tionnels, particulièrement vola-
tils. Ce qui accentue la vulnérabi-
lité du pays en temps de crise.
Espoir pour l’économie
Plusieurs compagnies pétrolières
- Royal Dutch Shell, Chevron,
ExxonMobil, Total, Eni et Equi-
nor – sont présentes au Nigeria. Si
la chute des prix du pétrole se
poursuit, elles devraient revoir
leur stratégie d’investissement
dans le pays. Une révision e n cours
de la loi organique pétrolière, qui
détermine le niveau d’imposition,
était déjà une cause majeure
d’incertitude pour ces groupes.
A court terme, le gouvernement
envisage de revoir son budget à la
baisse et de stimuler la produc-
tion. Ce qui ne peut qu’accélérer la
chute des cours. A long terme, une
baisse des cours offre cependant
un espoir pour l’économie :
réduire sa dépendance aux matiè-
res premières. « Le Nigeria est un
bon exemple de la malédiction du
pétrole , commente Philippe
Copinschi, professeur à Sciences
Po. Si les cours restent durablement
bas, cela pourrait pousser le gouver-
nement à accélérer la transforma-
tion de l’économie. » n
Hortense Goulard
@HortenseGoulard
Po ur le Nigeria, la chute des cours
du pétrole ne pouvait pas plus mal
tomber. Le pays le plus peuplé
d’Afrique dépend largement des
revenus de l’or noir pour équili-
brer son budget. L’érosion du prix
du baril ces deux dernières années
avait déjà réduit ses réserves de
devises. Et une bonne partie de la
dette du pays est détenue par des
investisseurs étrangers, qui pour-
raient être tentés de vendre pen-
dant une période de grande incer-
titude sur les marchés financiers.
Le géant d’Afrique de l’Ouest est
directement menacé, selon le
directeur de l’Agence internatio-
nale de l’énergie (AIE), Fatih Birol.
« Je m’inquiète pour certains des
gros pays producteurs de pétrole ,
a-t-il déclaré lundi. Il y a d’énormes
tensions sur l’équilibre financier de
nombreux producteurs, alors que
l’effondrement des cours du pétrole
conduit leurs revenus à des plus bas
historiques. » Trois pays, selon lui,
sont particulièrement fragiles :
l’Irak, l’Angola et le Nigeria.
Au Nigeria, l’exploitation des
hydrocarbures représente près de
la moitié des rentrées fiscales et
environ 85 % des exportations en
valeur. Leur poids dans les finan-
ces publiques est démesuré par
rapport à leur place dans l’écono-
mie. Le pétrole et le gaz ne repré-
sentent que 10 % de la richesse
nationale et quelques dizaines de
milliers d’emplois, autant dire
presque rien dans un pays de
190 millions d’habitants. Mais
Le pays dépend de
la manne pétrolière pour
équilibrer son budget.
Avant même le début
de la crise, ses réserves de
change étaient insuffisan-
tes pour le protéger
des chocs extérieurs.
Le Nigeria
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du budget de l’Etat), le plongeon du
prix du baril à 30 dollars est une
double menace. Sur les finances
publiques, calculées en fonction
d’un baril à 40 dollars. Mais aussi
sur toute une économie déjà en sta-
gnation. La croissance en 2019 a
plafonné à 1,3 %, loin des 4 % pro-
Dans un pays
dépendant des
hydrocarbures
(30 % du PIB, 50 %
du budget d’Etat), le
plongeon du prix du
baril à 30 dollars est
une double menace.
Sur les finances
publiques et sur toute
une économie
déjà en stagnation.
Les Echos Mercredi 11 mars 2020 MONDE// 07