J'irai manger des khorovadz

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J'irai manger des khorovadz

Je roule le long de la rive en longeant le bord pour continuer mon
périple vers Chirakamout et je parviens devant un nouveau tunnel au
niveau du col de Sevan (2 114 mètres). Un petit cabot commence à
s’exciter à la vue de mon vélo. Il devient hargneux agressif et
s’approche à quelques centimètres en aboyant férocement. Sa mâchoire
frôle mon mollet je crois en perdre un morceau. Tandis que je tends la
main pour dégainer ma bombe magique un homme surgit de la guitoune
de l’entrée et vocifère en arménien en rappelant le chien qui se calme.
C’est bon rien qu’une petite frayeur qui me réveille avant la traversée de
ce nouveau trou noir!
À la sortie du tunnel étrangement un autre univers s’offre à mes
yeux. De la verdure à perte de vue avec des forêts de sapins et de pins.
On surnomme parfois cette région « la Suisse arménienne » tant la
couleur verdoyante et cette végétation luxuriante façonnent le paysage.
Le temps passe dans le bonheur de la découverte et de l’émerveillement :
happé par la pureté du panorama je savoure ces moments. On trouve
dans ces vallées du nord des terres fertiles où se situent la plupart des
champs cultivés.


L’Arménie a la réputation souvent usurpée d’être le berceau de
« l’œuf du soleil » le dzirani (l’abricot). La confusion est entretenue par
le nom scientifique de ce petit fruit jaune : « Prunus armeniaca (prune
d’Arménie) ». La réalité c’est qu’il est originaire de Chine même si sa
présence ici est ancienne et abondante. Il serait dommage de penser que
l’abricotier n’offre que ses fruits. Il est également voué à sacrifier ses
précieuses branches qui sont indispensables à la fabrication du duduk ou
doudouk – un instrument emblématique du pays – une sorte de hautbois
à dix trous dont l’origine remonte à 2 500 ans. Avant d’être travaillé le
bois doit s’affiner pendant au moins quarante années. Pour en jouer
l’artiste doit « fabriquer » les sons par son souffle par ses lèvres par ses
doigts et aussi par son émotion. Il nous initie à sa conception de la vie.
Savourer un fruit jaune en jouissant du son tellement unique du duduk
à la fois sombre profond lancinant envoûtant et mélancolique c’est
communier aux vicissitudes de ce peuple tout en y déchiffrant les notes

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