J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
De l’élégance du pardon

ses Mémoires : « Dans le traité qui établit la paix entre la Turquie et les
Alliés l’Histoire cherchera en vain le mot Arménie. »


Erevan m’attend. Ma femme m’attend.
Je regarde mon compteur et je constate avec stupeur que les 6 000 km
sont explosés. Je n’en reviens pas car j’avais envisagé de ne parcourir
qu’une distance d’environ 5 000 km. Cela tient sans doute à des erreurs
de calcul d’itinéraire mais aussi aux détours non prévus en Crimée en
Géorgie et ici. Tant mieux j’aurai encore plus de souvenirs.
Comment ai-je fait pour parvenir jusqu’ici? Je me le demande encore.
Je consulte l’heure. Pas de temps à perdre pour arriver à l’horaire
convenu. Je pédale éperdument dans l’euphorie de la fin. Ce n’est plus
moi qui cours après le temps mais le temps qui court après moi. J’aurais
voulu en faire abstraction mais ce n’est pas possible. La fin de
l’aventure est un prélude aux obligations qui m’attendent. La pression du
temps le conditionnement de l’environnement comment vais-je me
réhabituer au programme routinier à mes taches d’avant? J’aurai moins
la possibilité de flâner de divaguer mon terrain de jeu quotidien ne sera
plus les chemins d’un monde pluriel mais les quatre murs de mon
bureau. Oubliés mon inexpérience mes questionnements mes
appréhensions d’avant. Était-ce le courage ou l’inconscience qui m’a
poussé à délaisser ce cocon rassurant et protecteur? Non tout
simplement la volonté de réaliser un rêve. Cette folle équipée a purifié
ma vision mon regard sur l’existence sur les autres et m’a fait toucher
du doigt les formidables privilèges de ma vie au quotidien.


À l’approche de la capitale je rejoins une route plus importante qui
arrive de l’est. Je m’engouffre dans une circulation effervescente et les
premières maisons de la banlieue se profilent. Je progresse dans une
obstination obsessionnelle plus rien ne peut m’arrêter. La suite du
parcours est constituée de petites descentes en alternance avec des
montées. Dans l’une d’elles alors que je pédale douloureusement sur ce
vélo chargé je longe un stand de fruits et légumes. Le vendeur me
voyant peiner sous la chaleur – la température avoisine les 35° loin des

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