Page de gauche,
la sculpture
Silence,de
WangKeping,
et l’exposition
sauvage de 1979
sur les grilles du
Musée national
des arts dePékin.
Ci-contre,
le collectifLes
Étoiles en 1980.
En bas,
Ma Desheng,
en tête de cortège
le 1eroctobre
1979 pour
protester contre
la confiscation
de leursœuvres.
nées.Pourquoicenom ?«Parceque durantla
Révolution culturelle, vous pouviez parler des
étoiles, mais pas en public.Parceque les étoiles
n’existaientpas.Lesétoilesn’existaientpas parce
qu’iln’yavait qu’un soleil et quece soleil était le pré-
sidentMao.Lesoleil était la seulechose qui brillait,
aunjourexpliquéHuangRuiàdejeunes artistes
chinois.LeprésidentMao étaitlaseule sourcede
lumière.Durantla Révolution culturelle, on ne dis-
cutait que de philosophie politique, pas de sciences
naturelles.Parailleurs, les étoilesn’apparaissentque
la nuit. Lesétoiles brillentindépendammentles unes
des autres,chaque étoile brille seule. Ellesexistent
par elles-mêmes et pour elles-mêmes.»
Très vite, une vingtaine depersonnesrejoignent
les deuxcompères, notammentQuLeilei, Zhong
Acheng, AiWeiwei, BoYun,WangKeping–qui
joueraunrôle très importantau sein du groupe–
et unefemme, LiShuang. Optimistes,ceux-ci
prévoientdefairedurer leurexpositionsauvage
du 27 septembreau3octobre. Bien sûr,lapolice
en décide autrementets’emparedes œuvres dès
la nuit du 28 au 29 septembre.Unepièce, notam-
ment,afait sensation :Silence,deWangKeping,
sculptureenbois présentéequelques joursplus
tarden«une»duNewYorkTimes(20octobre
1979).Unvisage sans crâne, sans oreilles,avec un
seul œil ouvert,unnez sans narines et une
bouche obturée.UnemétaphoredelaChine de
l’époque.«Jen’avais jamais lu de livred’art.Je ne
connaissaispasl’artoccidental. Tout venaitdu
cœur.Jefaisaistout ce qui était interdit. Dessujets
érotiques, politiques, abstraits.Je voulaischanger
la société»,témoigne aujourd’huiWangKeping,
qui vit depuis 1984àParis.
Avec unetellerage,cesirréductibles necèdent
évidemmentpasàlapression.Onleur interdit
d’exposer?Ils manifesteront.Àpartir duMur
de la démocratie et,tantqu’à provoquer,lejour de
la fête nationale, le 1eroctobre.Avec un slogan qui
aujourd’hui les mènerait droit en prison :«Nous
voulons la démocratie politique, nous voulons
la libertéartistique. »ÉgalementexiléàParis,Ma
Desheng se souvient:«Tout le mondeavaitpeur
àl’époque.»Atteintdepolio depuis son enfance,
il ne se déplacequ’avecdesbéquilles:ilest pour-
tanttoujoursentêtedescortèges etn’hésite
jamaisàprendrelaparole en public. Encore
aujourd’hui, sapassionresteintacte:«XiJinping
estfou. Il veut imiterMao. Je ne veux pasretourner
en Chinecarjerefuse de metaire»,confie-t-il.
Avec
l’appui decertains officiels,Les
Étoilesparviennentmalgrétout à
organiser deuxexpositions à
Pékin. 33 000personnes visiterontlapremière
en novembre1979, dans une salle miseàdispo-
sitionpour l’association des artistes dePékin.
Quantàlaseconde, en août 1980, présentéecette
fois àl’intérieur duMusée national des arts, elle
accueilleraplus de 100 000personnes en dix-
huit jours.Unrecordpourcettevénérable insti-
tution.Manifestement, les autorités sontdivisées.
Deng Xiaoping, vice-premier ministredepuis
août 1977,etqui, au départ, approuvait leMurde
la démocratie,lefaitfermer en décembre1979.
Aufil des soubresautspolitiques, les membres
des Étoiles sontqualifiésparfois d’artistes, sou-
ventde dissidents. En 1981,HuangRui, Ma
Desheng etWangKeping ne sontplus autorisés à
fairepartie de l’association des artistes dePékin.
En 1982, la campagnecontrela «pollution spiri-
tuelle»bat son plein. Début 1983, lapoliceferme
aubout de cinq joursuneexposition des trois
amis dans une simple école dePékin. Dès lors,
cesartistescherchentdes cieux pluscléments.
AiWeiwei est déjà aux États-Unis,WangKeping
vachoisir laFrance,MaDesheng la Suisse,Huang
Rui, lui, optepour leJapon. Il nerentreraqu’au
début des années 2000 et seraàl’origine de l’Es-
pace798, une ancienne usine d’armementde
Pékin transformée en galeries etateliersd’ar-
tistes. Ce lieun’aplus aujourd’hui lecôté