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SAMEDI 5 OCTOBRE 2019 international| 5
Brexit : l’UE attend davantage d’efforts de Johnson
Bruxelles rejette les dernières propositions du premier ministre britannique, bien accueillies à Westminster
bruxelles bureau européen,
londres correspondante
N
ick Robinson, le pré
sentateur du pro
grammephare de la
BBC « Today », a par
faitement résumé la situation sur
le front du Brexit. « Vous trouvez
que les discussions autour d’un ac
cord de divorce sont un peu dures
à suivre? Laissezmoi vous aider.
[Theresa] May a négocié un ac
cord qui convenait à l’Union euro
péenne, mais qu’ont rejeté les dé
putés [britanniques]. Boris John
son vient de proposer un accord
que le Parlement pourrait proba
blement soutenir, mais que l’UE va
certainement rejeter »...
C’est en effet le sort qui semble
réservé à l’« ultime » offre d’ac
cord de divorce envoyée mercredi
2 octobre par le premier ministre
britannique à Bruxelles. Jeudi, les
institutions européennes ont
officialisé leur position : à ce
stade, la proposition britannique
ne peut constituer le point de dé
part de nouvelles négociations.
De Paris à Berlin, Madrid ou Var
sovie, c’est la conclusion à la
quelle ont abouti les ambassa
deurs des 27 pays membres. Après
des entretiens téléphoniques
avec M. Johnson et le chef du
gouvernement irlandais, Leo
Varadkar, le président du Conseil
européen, Donald Tusk, a dit
n’être « toujours pas convaincu ».
Le Parlement européen, qui doit
lui aussi ratifier l’accord, a rejeté
les « propositions de dernière mi
nute » de Londres, estimant que,
« dans leur forme actuelle », elles
« ne constituent pas la base d’un
accord », a déclaré l’eurodéputé
Guy Verhofstadt, président du
« comité de pilotage du Brexit ».
Le plan de Boris Johnson prévoit
que l’Irlande du Nord quitte
l’union douanière européenne,
comme le reste du RoyaumeUni,
mais que la province britannique
continue à appliquer les règles
européennes en matière de
circulation des biens avec la créa
tion d’une « zone de réglementa
tion » étendue à toute l’Irlande.
Tout cela, sous réserve de l’accord
ultérieur du Parlement et de
l’exécutif nordirlandais.
« Deux sujets, en l’état, nous po
sent de très gros problèmes »,
confie un diplomate. Le premier
concerne les contrôles douaniers
qui devraient être effectués entre
les deux Irlandes puisqu’elles ne
seront pas dans la même union
douanière, l’Irlande du Nord
étant avec le RoyaumeUni et la
République d’Irlande avec l’Union
européenne.
« Fenêtre très étroite »
Avec une question centrale : com
ment éviter le retour d’une fron
tière physique entre les deux
Irlandes, que les accords de paix
du Vendredi saint excluent, tout
en respectant l’intégrité du mar
ché unique européen? « Les Bri
tanniques assurent qu’on trouvera
une solution durant la période de
transition. Mais il est hors de ques
tion que l’on s’engage sans avoir
réglé ce sujet », commente un
observateur avisé des négocia
tions. L’autre ligne rouge, que les
Européens refusent de franchir,
c’est d’accorder à Belfast un droit
de veto sur l’accord. Londres
propose que le gouvernement
et les élus nordirlandais se pro
noncent sur ses termes, d’ici à la
fin de la période de transition,
puis tous les quatre ans.
Les équipes de Michel Barnier, le
négociateur en chef pour les 27,
vont continuer à discuter avec
celles de David Frost, l’émissaire
de M. Johnson. Avec comme
échéance le 11 octobre. A cette
date, soit les deux parties sont
parvenues à rapprocher leurs
vues, soit elles prendront acte de
leurs désaccords. Ce sera alors au
Conseil européen, des 17 et 18 oc
tobre, de prendre la relève. « La
fenêtre est très étroite, il faut conti
nuer à se préparer au “no deal” »,
conclut un diplomate.
A Westminster, pour la pre
mière fois depuis longtemps, en
revanche, le ton était presque
conciliant jeudi. Et c’était heu
reux, car John Bercow, le speaker
de la Chambre des communes,
avait un début d’extinction de
voix... Questionné sur ses propo
sitions, Boris Johnson est resté
courtois, patient et souriant. Dé
terminé, après des débats d’une
rare violence face aux députés, fin
septembre, à faire la paix dans le
but de préparer le terrain pour un
vote majoritaire sur son « deal ».
Jeremy Corbyn, le leader des
travaillistes, a certes dénoncé un
« accord bien pire que celui de
Theresa May, un accord à la
Trump ». Ian Blackford, chef de
file du SNP, parti écossais indé
pendantiste, a lui aussi pointé
une « proposition mortnée, un
premier ministre qui en réalité ne
veut pas d’un accord ». Mais, pour
la première fois, les plus ultras
des brexiters, les membres de
l’ERG (European Research Group)
Mark François et Steve Baker, qui
avaient voté avec constance con
tre l’accord entre Theresa May et
les Européens, ont donné des ga
ges à Boris Johnson. « On a un bon
deal », a même estimé M. Baker.
La veille, les élus du DUP, le pe
tit parti unioniste nordirlan
dais, qui bloquaient les accords
de Mme May au motif qu’il ris
quait de coincer le territoire
nordirlandais dans une union
douanière avec l’UE, avaient
aussi salué les propositions de
Downing Street.
cécile ducourtieux
et virginie malingre
Pour la première
fois, les plus
ultras des
brexiters ont
donné des gages
à Boris Johnson
La « protection de notre
mode de vie européen »
mise en échec à Bruxelles
Les eurodéputés exigent de changer le nom
du portefeuille supervisant l’immigration
bruxelles bureau européen
I
l s’y attendait et il s’y était, à
l’évidence, soigneusement
préparé : Margaritis Schinas,
le candidat conservateur grec au
poste de commissaire à la « protec
tion de notre mode de vie euro
péen », avait un seul véritable obs
tacle à franchir, jeudi 3 octobre,
lors de son audition par les euro
députés : celui de l’intitulé de son
portefeuille. Celuici inclut la coor
dination des politiques de la sécu
rité, de la santé, de la culture, de
l’éducation, de l’égalité des chan
ces, de la jeunesse, des droits so
ciaux... mais aussi de la migration.
D’où, depuis l’annonce de cette dé
nomination par Ursula von der
Leyen, la future présidente de la
Commission, un vif débat portant
à la fois sur la notion de protection
- contre qui, contre quoi, dans
quel but? – et sur un « mode de
vie » bien difficile à identifier.
« Vous avez le courage de défen
dre un titre indéfendable, mais il
est toxique, il divise, il exclut », lan
çait d’emblée Sophie In’t Veld,
une libérale néerlandaise. « Cet
intitulé qui évoque l’idée d’une for
teresse à construire fait le jeu de
l’extrême droite », jugeait Birgit
Sippel, socialedémocrate alle
mande. « Promettez que vous re
tournerez auprès de Mme von der
Leyen et changerez ce titre! », exi
geait aussi la Britannique Judith
Bunting (LibDem).
Seulement assuré, au départ,
du soutien de son groupe, le Parti
populaire européen, M. Schinas a
habilement argumenté, sans ja
mais fermer totalement la porte
à un changement. Pas question,
en tout cas, de défendre un projet
du « eux contre nous », ditil. Et
pour ce qui est des valeurs euro
péennes – « le respect de la dignité
humaine, la solidarité, la justice,
l’égalité... » –, il n’y a que les popu
listes qui, assuretil, doivent se
sentir menacés par leur réaffir
mation. D’ailleurs, « si on rentre
dans le jeu de Mme Le Pen et que
l’on revient sur le titre, c’est elle qui
va jubiler... ».
« Entre le respect de tous les argu
ments exprimés et la volonté [de
Mme von der Leyen] de rechercher
le consensus, je suis sûr que le
temps fournira la réponse », ajou
tait toutefois M. Schinas. Rompu à
toutes les ficelles de la communi
cation après cinq années passées
comme porteparole en chef de la
Commission, l’ancien fonction
naire s’est donc habilement tiré
d’affaire. Et s’est assuré un soutien
suffisant : sa candidature a été ap
prouvée, mais la lettre transmise
par le Parlement prônera bel et
bien un changement d’intitulé.
Dans son exposé, le responsable
grec a assorti son propos d’un ar
gumentaire sur la nécessité d’une
Europe plus juste, plus inclusive,
plus protectrice des plus vulnéra
bles, et ouverte sur le monde ; ca
pable, donc, de se soucier des en
fants – il promet une garantie
européenne pour les soins de
santé et l’éducation –, des jeunes
en quête d’emploi, de l’égalité
hommesfemmes ou des réfugiés.
Remettre « tout à plat »
Pour la migration et l’asile, il pro
met « un nouveau pacte ». Et dit
son intention de remettre « tout à
plat » pour sortir d’années de para
lysie afin de rétablir la zone Schen
gen, réviser les accords de Dublin
(sur le premier pays d’accueil), col
laborer avec les ONG qui effec
tuent des sauvetages en mer, mais
aussi appliquer une politique de
retour plus rapide. « Les migrants
ne sont pas des ennemis. L’Europe
restera toujours une terre d’asile,
mais ceux qui ne sont pas éligibles
devront partir. »
Vaste programme, souvent en
tendu. « Ce ne sera pas facile, mais
on y arrivera », objecte le futur
commissaire, qui se lancera à la re
cherche de compromis avec les
Etats – dont une partie, à l’Est, blo
que tous les débats – et entend re
chercher le soutien du Parlement.
Interrogé à maintes reprises
sur la notion de protection, le fu
tur commissaire a répondu :
« Nous défendre contre qui? Con
tre ceux qui ne nous permettent
pas de nous promener en paix un
14Juillet [une allusion à l’attentat
de Nice, en 2016], ceux qui refu
sent de nourrir des demandeurs
d’asile [comme c’est le cas en
Hongrie], ceux qui menacent nos
valeurs d’inclusion. Je ne pense
pas qu’en disant cela nous fas
sions le jeu des populistes... »
jeanpierre stroobants
JAPON
avec la compagnie aérienne qui desse
le plus grand nombre de pays au monde
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