La dernière saison de
Game of Thrones (ici
diffusée dans un stade,
à Moscou) a suscité de
violentes polémiques
parmi les fans.
une seule bonne décision de toute la saison),
Brienne de Torth ne sert plus à grand-chose...
Toutefois, cela reste superficiel et les vraies
causes du désarroi me semblent bien plus pro-
fondes. Elles résident dans une lacune fondamen-
tale de notre culture narrative : nous ne savons
pas raconter des histoires « sociologiques ». Selon
moi, c’est même l’une des principales raisons
pour lesquelles nous avons tant de mal à répondre
au bouleversement technologique actuel, causé
par l’arrivée du numérique et de l’intelligence
artificielle – dont j’analyse l’impact sociétal dans
mes recherches. Mais nous y reviendrons plus
loin. Voyons d’abord ce qui est arrivé à la série.
Pourquoi Game of Thrones a-t-elle suscité tant
de passions? Le jeu d’acteur brillant, la superbe
cinématographie ou la bande-son flamboyante ne
sont pas ses seuls atouts et d’autres séries par-
tagent ces caractéristiques, qui restent d’ailleurs
bien présentes dans la dernière saison. Quelle est
donc la spécificité de Game of Thrones, à une
époque que les critiques appellent « le deuxième
âge d’or de la télévision » tant les productions de
qualité abondent sur le marché?
À son meilleur, la série était un animal aussi
rare qu’un dragon amical : c’était un récit sociolo-
gique et institutionnel, dans un médium dominé
par le psychologique et l’individu. La meilleure
preuve en est que les auteurs parvenaient à tuer
précocement de nombreux personnages princi-
paux sans perdre le fil de l’histoire. Ainsi, Ned
Stark meurt dès la fin de la première saison, alors
que la série semblait construite autour de lui. La
deuxième saison donne naissance à un héritier