Les Echos - 19.08.2019

(avery) #1

22 // FINANCE & MARCHES Lundi 19 août 2019 Les Echos


Nessim Aït-Kacimi
@ NessimAitKacimi


Le plus intrépide des activistes, Bill
Ackman, a pris pied chez une
légende du monde de l’investisse-
ment, Warren Buffett. Son hedge
fund Pershing Square a acquis
3,5 millions de titres de Berkshire
Hathaway, représentant un mon-
tant de près de 685 millions de dol-
lars et 0,25 % des actions en circula-
tion. L’activiste s’est comparé à
l’oracle d’Omaha, qu’il qualifiait
récemment de « mentor » lors
d’une conférence en avril dernier.
Sa prise de participation serait
« amicale » et « passive » , selon le
« Financial Times ». Bill Ackman ne
va ainsi pas mettre la pression sur le
conglomérat de Warren Buffett
pour l’inciter à des changements
afin de faire remonter l e cours de s on
action, à la traîne du marché cette
année. Il voit plutôt une opportunité
à saisir : la sous-évaluation du titre et
sa d écote par rapport à sa valeur fon-
damentale. Il avait déjà brièvement
investi dans cette société fin 1999.


INVESTISSEMENTS


So n fonds a acquis d es actions d e
classe « B » qui ont moins de droits
de vote que les actions « A » de
Berkshire Hathaway. Réputé pour
ses bras de fer avec des groupes
comme Herbalife, le gérant de
hedge fund s’est assagi en adoptant
une approche plus constructive et
moins frontale. Sur le long terme,
la performance boursière du
groupe de Warren Buffett reste très
élevée, 20,5 % par an en moyenne
entre 1965 et 2018. Le leadership de
son fondateur et sa stratégie béné-
ficient d’un très large consensus
parmi ses actionnaires, malgré de
récentes déconvenues.

Acquisition d’actions
Starbucks
Le hedge fund de Bill Ackman a
progressé de près de 50 % sur les
sept premiers mois de l’année,
après des années de contre-perfor-
mance. Son incursion au sein du
capital de la société de Warren Buf-
fett est son premier investissement
depuis son acquisition d’actions de
Starbucks en octobre dernier. Le
fonds a cédé ses parts dans United
Technologies et Automatic Data
Processing, lui permettant de récu-

pérer des liquidités. Il est présent
dans 9 sociétés (Chipotle, Restau-
rant Brands, Hilton, Lowe’s , Star-
bucks, Howard Hughes, Berkshire
Hathaway, Federal National Mor-
tgage Association, Federal Home
Loan Mortgage Corporation).
Warren Buffett n’a jamais caché
le peu de considération qu’il avait
pour les hedge funds, aux frais trop

élevés et incapables, selon lui, de
générer durablement de la valeur
pour les investisseurs sans prise de
risque inconsidérée. Lors d’une
conférence organisée par le maga-
zine « Forbes » en 2015, il déclarait
que « la plupart des activistes recher-
chent un profit rapide et veulent que
l’action qu’ils ciblent progresse dans
la semaine qui suit leur investisse-

lLe hedge fund activiste


de Bill Ackman a pris une participation


dans Berkshire Hathaway.


lSon in vestissement se veut « amical »


et guidé par la sous-évaluation du titre,


à la traîne du reste du marché boursier


américain.


L’activiste


Bill Ackman


investit chez


Warren Buffett


Laurence Boisseau
@ boisseaul


C’est ce qu’on appelle une belle prise.
Elliott, l’activiste que les patrons
redoutent le plus au monde, a
recruté Steven Barg, un banquier
star de Goldman Sachs qui dirigeait
précisément l’activité de défense
des sociétés clientes de la banque


d’affaires. Steven Barg rejoindra
Elliott en tant que nouveau patron
du « corporate engagement » (enga-
gement des entreprises). Dans cette
activité de conseil, passer de la
défense d’une société à l’attaque
est extrêmement rare. Elliott avait
déjà recruté d’autres banquiers
d’investissement comme Geoffrey
Sorbello, qui a quitté la banque
Houlihan Lokey en 2016, mais
celui-là défendait les activistes.
Steven Barg avait rejoint Gold-
man Sachs en 2010 et dirigeait les
activités de conseil aux actionnaires
au sein de la banque. Celles-ci
incluent la défense contre les inves-
tisseurs activistes. Il a, par exemple,

travaillé avec Sony l orsque le groupe
japonais a été pris pour cible par le
hedge fund Third Point. Steven Barg
a déjà affronté le hedge fund dirigé
par Paul Singer dans plusieurs
batailles, notamment celles impli-
quant eBay et SAP. Il a également
défendu Vivendi contre Elliott, dans
la lutte pour le contrôle du conseil
d’administration de Telecom Italia.

L’un des plus combatifs
Elliott, qui gère quelque 35 mil-
liards de dollars, est considéré
comme l’un des fonds les plus com-
batifs en matière d’activisme.
Depuis le début de l’année, le fonds
américain créé par Paul Singer,

l’homme qui a poursuivi pendant
une décennie l’Etat argentin, a
dépensé 3,4 milliards de dollars
en campagnes activistes, plus que
ses rivaux.
En France, Elliott est connu pour
être entré au capital de Pernod
Ricard, en décembre 2018. Plus
récemment, cet été, il a fait irrup-
tion, en plein milieu du rachat
d’Altran par Capgemini, en ache-
tant des « equity swaps », mais il
n’a pour l’instant pas l’intention
d’apporter à l’offre d e Capgemini les
actions qu’il pourrait détenir à l’ave-
nir dans le groupe de conseil en
technologies. Elliott est également
actionnaire de Norbert D entressan-

Steven Barg défendait
les intérêts des entreprises
contre les activistes chez
Goldman Sachs. A ce poste,
il avait affronté le fonds
qu’il rejoint. Un transfert
rare dans le secteur.


pas une accusation par Washington
de blanchiment d’argent qui a
entraîné la chute de la banque. Pour
autant, la déconfiture de la sixième
banque lettone comporte aussi son
lot de zones grises.
« La forte dépréciation supplé-
mentaire des actifs de la banque a
entraîné une détérioration significa-
tive de sa situation financière, à tel
point que les actifs de PNB Banka sont
devenus inférieurs aux passifs , expli-
que la BCE dans un communiqué.
La banque n’a pas été en mesure de
satisfaire aux exigences en matière de
maintien de l’autorisation et de don-
ner l’assurance qu’elle pourrait se
conformer aux exigences en matière
de capital dans un avenir proche. »
En effet, depuis avril 2017, PNB
Banka, anciennement Norvik
Banka, est sous la supervision

directe de la BCE après avoir entamé
des poursuites judiciaires contre le
régulateur letton d evant un t ribunal
international. La banque, alors
contrôlée par un investisseur
anglo-russe, avait également pour-
suivi en justice le directeur de la
Banque centrale lettone, Ilmars
Rimsevics, pour corruption.

Des provisions insuffisantes
La petite banque lettone est la cin-
quième banque européenne à être
déclarée en faillite par la BCE. Outre
ABLV, il y a eu l’espagnole Banco
Popular, ensuite rachetée par San-
tander, et deux banques vénitiennes
sauvées par l’Etat italien. A ce stade,
il est peu probable qu’un repreneur
se présente pour PNB Banka, mais
ce n’est pas exclu, assure une source
proche de la BCE.

Un an après la banqueroute de la
banque lettone ABLV, c’est au tour
de son homologue PNB Banka
d’être déclarée « en faillite ou suscep-
tible de faillir »
par la Banque cen-
trale européenne (BCE). A la diffé-
rence de la précédente, ce n’est


BANQUE


La Banque centrale
européenne a déclaré
PNB Banka en faillite,
après plusieurs mois
de supervision et
d’audit de sa situation.


El le est la 5e banque
européenne à connaître
une telle procédure.


La banque étant trop petite pour
générer un risque systémique, le
mécanisme de résolution unique
(MRU) de la BCE a annoncé qu’il ne
mènerait pas d’action de résolution.
La liquidation de PNB Banka se fera
donc sous la législation lettone.

Cette liquidation intervient après
plusieurs mois d’audit de la situa-
tion financière de PNB Banka. La
banque é tait mal en p oint a u
moment où elle est passée sous la
houlette du régulateur européen ; le

Depuis le 15 août, PNB
Banka a cessé de four-
nir des services finan-
ciers et a suspendu les
paiements et retraits.

ment. Chez Berkshire, nous gérons
notre société pour les actionnaires
qui restent investis, pas p our c eux qui
veulent sortir ». L’activisme a « par-
fois du sens quand la société est mal
gérée » , mais les h edge funds s pécia-
lisés sur cette stratégie déçoivent en
termes de performances délivrées
pour leurs clients, avait ajouté
Warren Buffett.n

gle. Depuis 2015, il fait barrage au
retrait obligatoire entrepris par
l’américain XPO Logistics.
Chez Goldman Sachs, c’est Avi-
nash Mehrotra qui remplacera Ste-
ven Barg comme nouveau patron
monde de l’activité de défense des
sociétés. Celui-là, associé chez
Goldman depuis 2010, a codirigé
cette même entité avec Steven Barg
de 2015 à 2017. Cette nomination n’a
pas tardé car le départ du banquier
star est une perte pour la banque
d’affaires. Nul doute q ue ses concur-
rents risquent de venir rapidement
chasser sur ses terres, mettant en
avant le fait que leurs associés, eux,
ne partent pas chez l’adversaire.n

Elliott recrute un banquier star de Goldman Sachs


Le hedge fund de Bill Ackman, Pershing Square, a acquis 3,5 millions de titres de Berkshire Hathaway.

rap port audité de 2018 a démontré
le déficit élevé de capitaux et des
provisions insuffisantes.
PNB Banka s’était vu infliger en
2017 une amende de 1,5 million
d’euros par la Commission du mar-
ché financier et des capitaux lettons
(FCMC) pour avoir permis à certains
clients d’enfreindre les sanctions de
l’Union européenne et des Nations
unies contre la Corée du Nord.
Depuis le 15 août, la banque a
cessé de fournir des services finan-
ciers et a suspendu les paiements et
retraits pour éviter toute fuite des
dépôts. Les fonds des clients sont
garantis à hauteur de 100.000 euros
chacun. « Les paiements compensa-
toires garantis de PNB Banka s’élève-
ront à environ 297 millions d’euros » ,
a déclaré Kristine Cernaja-Mez-
male, présidente de la FCMC. — F. B.

La BCE déclare en faillite la banque lettone PNB Banka


Les taux négatifs, une aubaine
pour les Etats? Pas forcément,
selon une note de Fitch Ratings.
Certes, ils leur permettent de
s’endetter à bon compte et d’allé-
ger leurs charges d’intérêts


  • donc leurs dépenses. Mais ils
    sont surtout le reflet de perspec-
    tives économiques moroses.
    Lesquelles sont susceptibles de
    dégrader la situation de leurs
    finances publiques et leur qua-
    lité de crédit.
    Allemagne, Suède, Dane-
    mark, Suisse, Pays-Bas, Nor-
    vège... les pays qui peuvent lever
    de la dette à taux négatif, quelle
    que soit la maturité de l’emprunt,
    sont de plus en plus nombreux.
    Dans la seule zone e uro, la dette à
    10 ans d’une dizaine d’Etats
    s’échange à taux négatif. La spec-
    taculaire chute des rendements
    a fait basculer les dettes souve-
    raines dans un autre monde.
    A la veille de la crise, en 2007,
    l’OAT française à dix ans affi-
    chait un rendement de 4,75 %,
    un taux qui n’a cessé de dégrin-
    goler pour atteindre – 0,44 % – le
    dernier plancher historique en
    date –, le 15 août dernier. Même
    chose outre-Rhin : le taux alle-
    mand à dix ans est passé de
    4,68 % en 2007 à – 0,71 % jeudi
    dernier. Début août, le rende-
    ment du Bund à 30 ans est pour
    la première fois tombé en terri-
    toire négatif. Et, selon les spécia-
    listes du marché obligataire, le
    mouvement n’est pas terminé.


Décorrélation
Alors que les taux d’emprunts
des pays et leurs notations par
les agences évoluent normale-
ment dans la même direction –
une meilleure note de crédit
allant de pair avec un coût de
financement plus faible –, on
observe d epuis plusieurs années
une décorrélation. Entre 2008
et 2013, au cœur de la crise, Fitch
a reculé d’un total de 68 crans les
notations de dettes souveraines
européennes, alors que les ren-
dements des emprunts d’Etat,
eux, n’ont cessé de plonger.
Plusieurs raisons expliquent
la persistance de taux bas. Les
réductions successives d es taux
d’intérêt par les banques cen-
trales d’abord, mais aussi
l’inquiétude des investisseurs
sur la faiblesse de la croissance
mondiale, qui les pousse à se
tourner vers des valeurs refu-
ges. Pour l’agence de notation,
ce sont surtout les politiques de
« quantitative easing », menées
par les banques centrales à la
suite de la crise financière, qui
sont à l’origine de la décorréla-
tion entre les rendements sou-
verains et leurs notations par
les agences.
A long terme, les effets néga-
tifs liés à la dégradation de la
croissance – moins de revenus et
plus de dépenses – dépasseront
largement les économies liées à
la diminution du coût de finan-
cement, estime Fitch. L’Allema-
gne, dont le PIB s’est rétracté de
0,1 % au deuxième trimestre,
s’apprête à illustrer le raisonne-
ment de l’agence de notation.
Selon le « Spiegel », Angela Mer-
kel et son ministre des Finances,
Olaf Scholz, seraient prêts à
renouer avec le déficit budgé-
taire pour compenser une baisse
des recettes fiscales. — L. S.-I.

Les taux


négatifs


ne renforcent


pas les finances


des Etats


DETTE


Se lon Fitch Ratings,
les taux bas
annoncent surtout
une dégradation
de l’environnement
économique,
susceptible de peser
sur les finances
publiques.

Sipany/Sipa
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