Le Monde - 21.08.2019

(Jeff_L) #1

10 |france MERCREDI 21 AOÛT 2019


0123


La Seine

18 e
19 e

Bois
de Vincennes

20 e

12 e

14 e^13 e

15 e

16 e

8 e

17 e
9 e 10 e

11 e

5 e

6 e

7 e

1 er

2 e
3 e
4 e

Bois
de Boulogne

en milliers d’euros annuels

REVENU MÉDIAN, EN 2014

de 40 à 58
de 30 à 40
de 20 à 30
de 10 à 20
de 0 à 10

DENSITÉ D’EMPLOIS À L’HECTARE, PAR IRIS, EN 2016

de 200 à 400
de 50 à 200
de 10 à 50
moins de 10

de 400 à 1 500

en nombre de cas pour 100 000 hab.

TAUX D’INCIDENCE MOYEN DE LA TUBERCULOSE, EN 2016

supérieur à 20
de 15 à 19
de 10 à 14
inférieur à 10

PART DE CADRES DANS LA POPULATION, EN 2015

de 30 % à 50 %
de 20 % à 30 %
de 10 % à 20 %
de 0 à 10 %

PART DE LOGEMENTS SOCIAUX PAR IRIS

de 10 % à 20 %

de 70 % à 94 %
de 40 % à 70 %
de 20 % à 40 %

de 0 à 10 %

Prix en euros au m^2

PRIX AU M^2 DES APPARTEMENTS ANCIENS AU 1ER TRIMESTRE 2019

Plus de 11 000
Plus de 9 000
Moins de 9 000

Le Rassemblement national

LISTE ARRIVÉE EN TÊTE AUX EUROPÉENNES 2019

La France
insoumise

EELV

La République en marche

LISTE ARRIVÉE EN TÊTE AUX MUNICIPALES 2014 (2E TOUR)

Union pour un Mouvement populaire
Parti socialiste
Europe Ecologie -
Les Verts (EELV)

CANDIDAT ARRIVÉ EN TÊTE À LA PRÉSIDENTIELLE 1974 (2E TOUR)

Valéry Giscard d’Estaing
François Mitterrand

SOURCES
APUR ; INSEE ; MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR ; NOTAIRES DU GRAND PARIS ;
SANTÉ PUBLIQUE FRANCE

INFOGRAPHIE
XEMARTIN LABORDE ET DELPHINE PAPIN
INFOGRAPHIE LE MONDE

A Paris, les fractures sociale et politique se creusent


A l’approche des municipales, la dichotomie historique entre l’ouest bourgeois et l’est reste un enjeu électoral


J


ean­Louis Missika, l’adjoint
d’Anne Hidalgo chargé de
l’urbanisme, en est per­
suadé : en choisissant Benja­
min Griveaux pour mener la
prochaine bataille des municipa­
les, La République en marche
(LRM) a investi un candidat de na­
ture à faire resurgir les vieux cli­
vages. En mars 2020, « Gri­
veaux va fédérer la droite, Anne Hi­
dalgo la gauche et les écologistes,
et on va revenir à une carte de Pa­
ris ultra­classique », prédit­il. A
l’ouest, les arrondissements
bourgeois de droite. A l’est, les ar­
rondissements plus populaires
de gauche. Et, au cœur de la ba­
taille, « le 12e et le 14e, deux arron­
dissements susceptibles de bascu­
ler d’un côté ou d’un autre »,
ajoute ce fin connaisseur de la
carte électorale, que la maire so­
cialiste a chargé, avec quelques
autres, de préparer sa réélection.

Dichotomie politique
Retour à la normale, en quelque
sorte? A Paris, l’opposition entre
l’ouest riche et l’est plus pauvre
est ancienne. Elle remonte au
moins au début du XVe siècle. Les
aristocrates et les bourgeois ont

alors quitté la partie est de la capi­
tale, notamment le Marais, pour
s’installer faubourg Saint­Ho­
noré, faubourg Saint­Germain ou
encore plus à l’ouest, en direction
de Versailles et de son palais.
Le contraste s’est ensuite ag­
gravé. « La ségrégation verticale
(les pauvres se logeant sous les toits
et les riches occupant les “étages
nobles”) fut peu à peu remplacée,
dès la monarchie de Juillet, par une
ségrégation horizontale que les tra­
vaux d’Haussmann étendirent à
toute la ville », dépeint Bernard
Marchand dans Paris, histoire
d’une ville (Seuil, 1993). L’implan­

tation des usines dans l’est de la
ville lors de la révolution indus­
trielle, au XXe siècle, a encore ac­
centué le phénomène.
Quartiers bourgeois d’un côté,
ouvriers de l’autre : cette fracture
sociale s’est traduite par une di­
chotomie politique durable.
« Quelles que soient la nature des
consultations et leurs circonstan­
ces immédiates, malgré la succes­
sion des générations et les profon­
des mutations démographiques
de la capitale, l’opposition est­
ouest est constante depuis un siè­
cle et, à quelques glissements près,
figée dans les mêmes frontières »,
relevait le politologue Jean Ran­
ger en 1977.

10 000 euros le mètre carré
Depuis, les cartes restent mar­
quées par cette confrontation est­
ouest. La ville n’est toutefois pas
divisée en deux moitiés par une
simple ligne verticale. Les arron­
dissements de gauche forment
plutôt un croissant allant du nord
au sud en passant par l’est, et con­
tournant le centre historique de
Paris. Ces quartiers, qui ont voté
François Mitterrand en 1974 et
l’ont porté à l’Elysée en 1981, sont

aussi ceux qui ont permis à la
gauche de gagner la Mairie de Pa­
ris en 2001, et fait le succès d’Anne
Hidalgo en 2014. En sera­t­il de
même en 2020?
Le déclin des vieux partis de
droite comme de gauche et l’élec­
tion d’Emmanuel Macron ont
modifié la donne. Les européen­
nes de mai ont montré qu’à Pa­
ris, l’arc de gauche n’avait pas
disparu. Mais il a rétréci et
changé de couleur. Les anciens
bastions socialistes du nord­est,
devenus en partie des terres
« bobos », ont voté avant tout
pour la liste écologiste menée
par Yannick Jadot. La droite tradi­
tionnelle, de son côté, a cédé la
première place à La République
en marche dans les « beaux quar­
tiers » et au­delà.
Ce basculement en faveur de La
République en marche et des
Verts coïncide évidemment avec
l’embourgeoisement de la capi­
tale. En dix ans, les prix des ap­
partements anciens ont bondi
en moyenne de 65 %, pour frôler
les 10 000 euros du mètre carré.
Peu à peu, les ouvriers, les chô­
meurs et les classes populaires
se sont ainsi retrouvés poussés

au­delà du périphérique. La ville
devient chaque jour davantage
réservée aux riches et aux actifs.
Les cadres sont désormais pré­
sents en masse dans presque
tous les quartiers, et plus seule­
ment à l’ouest.

Poches de pauvreté
Cette gentrification générale n’a
pas gommé pour autant toutes
les différences entre quartiers.
L’incidence de la tuberculose, un
fort marqueur social, dessine tou­
jours le même croissant. L’immo­
bilier suit un arc identique, avec
des prix au mètre carré inférieurs
à 9 000 euros dans les cinq arron­
dissements les plus proches du

périphérique à l’est (18e, 19e, 20e,
12 e et 13e), quand ils dépassent sys­
tématiquement 11 000 euros
dans les huit premiers arrondis­
sements, les plus centraux. A
Saint­Germain­des­Prés, le mètre
carré s’échange même au­delà de
16 000 euros!
A l’opposition est­ouest, tou­
jours nette, s’ajoute en effet une
disparité entre le centre et la péri­
phérie. L’embourgeoisement, qui
touche l’essentiel de la ville, laisse
des rues plus populaires, et
même des poches de pauvreté
aux marges, près de portes
comme celles d’Aubervilliers ou
de la Chapelle. Sur l’ancienne
« zone », les habitations à bon
marché construites à la place des
fortifications concentrent les lo­
gements sociaux. Beaucoup de
foyers monoparentaux, peu de
cadres. C’est ici, aux pourtours,
que l’abstention électorale est la
plus fréquente. Ici aussi que le
Rassemblement national, beau­
coup moins implanté à Paris que
dans le reste du pays, obtient ses
meilleurs scores et arrive en tête
dans quelques bureaux de vote.
denis cosnard et
service infographie

Ces quartiers
qui ont voté
Mitterrand
en 1974 sont aussi
ceux qui ont fait
le succès
d’Hidalgo en 2014.
En sera-t-il de
même en 2020?

Les européennes
de mai ont
montré que l’arc
de gauche n’avait
pas disparu.
Mais il a rétréci
et changé
de couleur
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