Le Monde - 21.08.2019

(Jeff_L) #1
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MERCREDI 21 AOÛT 2019

FRANCE

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Municipales à Lyon : à LRM, la guerre des nerfs

Gérard Collomb veut reprendre la tête de la métropole, mais son intérim, David Kimelfeld, entend bien rester


lyon ­ correspondant

L


a scène se déroule le
24 juin, rue du Lac à Lyon,
au siège de la deuxième
métropole de France. Cel­
le­ci tient sa dernière assemblée
plénière avant les vacances, con­
sacrée aux comptes administra­
tifs. Recul de la dette, hausse de
l’autofinancement, les voyants
sont au vert pour la collectivité
aux 59 communes et 3,5 milliards
de budget. Perché sur le fauteuil
de président, en bras de chemise,
David Kimelfeld vante son bilan :
compétences sociales « assumées
résolument », développement éco­
nomique « extrêmement fort »...
Certes, il rend courtoisement
hommage au « travail qui vient de
loin », mais sans nommer son pré­
décesseur, Gérard Collomb. Puis le
maire du 4e arrondissement de
Lyon, qui d’évidence se projette
dans un nouveau mandat, ajoute :
« Il reste des choses à faire en ma­
tière de dialogue social. »
A droite de l’assemblée, Gérard
Collomb reste figé, cravate som­
bre, bras croisés. Le visage crispé
de l’ancien ministre de l’intérieur
dit toute la tension qui traverse la
vie politique lyonnaise. L’ex­prési­
dent détrôné écoute silencieuse­
ment les débats, le regard vague,
avant de quitter la séance avant la
fin, accompagné par ses gardes du
corps jusqu’à sa berline.
La scène illustre la lutte sans
merci que se livrent Gérard Col­
lomb et son ex­lieutenant, David
Kimelfeld, pour gagner l’investi­
ture de La République en marche
(LRM), à quelques mois de l’élec­
tion des 150 conseillers de la mé­
tropole lyonnaise, pour la pre­
mière fois au suffrage universel di­
rect. M. Collomb, triple maire de
Lyon, veut reprendre la tête de la
métropole, qu’il a laissée à M. Ki­
melfeld le temps de son inter­
mède ministériel. Mais ce dernier,
resté longtemps dans l’ombre du
premier, au poste de premier vice­
président chargé de l’économie,
ne veut plus lâcher l’intérim.

« Collomb ne lâchera rien »
Dans une agglomération à la so­
ciologie jeune et active, la dyna­
mique semble plus que favorable
aux marcheurs. Aux européen­
nes, la liste de Nathalie Loiseau a
obtenu 28,67 % à Lyon, et 26,25 %
dans le département. Pas très
éloigné des scores d’Emmanuel
Macron au premier tour de la pré­
sidentielle de 2017 : 30,31 % à Lyon,
et 26,58 % dans le département. A
l’inverse, la liste Les Républicains
(LR) s’est repliée à 10 % le 26 mai –
au même niveau que le Rassem­

blement national –, contre 23,35 %
obtenus par François Fillon au
premier tour de la présidentielle
de 2017.
Outre la démographie et le ré­
servoir d’élus, Lyon représente un
symbole fort pour LRM. L’aven­
ture présidentielle a un peu com­
mencé ici puisque Gérard Col­
lomb a compté parmi les pre­
miers soutiens de poids à Emma­
nuel Macron. Il a entraîné dans
son sillage bon nombre d’élus,
dont David Kimelfeld, à l’époque
premier secrétaire du PS rhoda­
nien, devenu inconditionnel de la
réforme macronienne. Le chef de
l’Etat devra arbitrer entre ces
deux hommes devenus rivaux.
Lors de sa dernière visite à Lyon, le
24 juin, il a pris soin de dîner en tê­
te­à­tête avec son ancien ministre
de l’intérieur, puis, le lendemain,
de petit déjeuner avec le président
de la métropole. A l’un, la mairie, à
l’autre, la métropole? « Personne
ne peut prédire ce qui peut se pas­
ser, Kimelfeld est déterminé, Co­

lomb ne lâchera rien », résume un
élu métropolitain.
En attendant une clarification,
chacun fourbit ses armes. Au dé­
but de l’été, Gérard Collomb a pro­
posé un ticket à son rival, en lui
proposant de lui laisser le fauteuil
de la présidence à mi­mandat. Idée
aussitôt rejetée par David Kimel­
feld, qui voit dans cette formule un
mépris à l’égard des électeurs, si­
non un piège à son endroit.
Persuadé de sa notoriété, sou­
tenu par le président de l’Assem­
blée nationale Richard Ferrand,
comme lui un ex­socialiste de­
venu fervent soutien de Macron,
le maire de Lyon joue de sa sta­
ture. « Il a hissé Lyon au rang de
métropole européenne, dans la li­
gnée des Michel Noir et Raymond
Barre, il a fait la nique au pouvoir
parisien en démissionnant, l’élec­
torat lyonnais lui restera fidèle, Ki­
melfeld reste un inconnu », confie
Roland Bernard, élu du 2e arron­
dissement de Lyon et indéfectible
soutien de M. Collomb.

De son côté, David Kimelfeld a
organisé début juillet un meeting
public à Vaulx­en­Velin, où la plu­
part des députés LRM se sont affi­
chés, favorables à sa gouvernance
plus collective. Puis, le président
de la métropole a transformé son
association Nous sommes la mé­
tropole en microparti. « Les dons
affluent », assure un membre de
son premier cercle. Un « appel » en
faveur de son investiture a égale­
ment circulé au sein des comités
LRM du Rhône, recueillant – selon

l’équipe de M. Kimelfeld – 350 si­
gnatures.

Le danger vient d’ailleurs
Avant de trancher entre les deux
candidats, le parti devra aussi se
trouver un référent, après le dé­
part de Caroline Collomb au prin­
temps. L’épouse du maire a quitté
son poste, officiellement en raison
de ses fonctions de magistrat ad­
ministratif, incompatibles avec un
engagement électoral. Mme Col­
lomb essuyait aussi un fort vent de
critiques, portant sur un mode de
fonctionnement jugé autocrati­
que. A ce stade, sept candidats à sa
succession sont déclarés ; ils se­
ront auditionnés le 23 août.
Du côté de LR, François­Noël Buf­
fet, maire d’Oullins, vient d’être
désigné candidat pour les élec­
tions métropolitaines, alors
qu’Etienne Blanc, bras droit de
Laurent Wauquiez à la région
Auvergne­Rhône­Alpes, est lancé
dans la campagne municipale
lyonnaise depuis plusieurs mois.

La réorganisation des services des impôts inquiète syndicats et élus


Postes supprimés, guichets bondés... L’intersyndicale de la direction générale des finances publiques appelle à la grève le 16 septembre


S


elon l’intersyndicale des
agents des impôts, la situa­
tion est « alarmante » : les
services sont « au bord de la rup­
ture faute de moyens ». Dans
un communiqué diffusé lundi
19 août, les syndicats de la direc­
tion générale des finances publi­
ques (DGFIP) appellent les person­
nels à « une mobilisation nationale
massive le 16 septembre ».
Solidaires, la CGT, FO et la CFDT
soulignent deux problèmes prin­
cipaux. Le premier est la « forte af­
fluence en août » aux guichets. La
mise en place du prélèvement à la
source génère des questions chez
les contribuables. « Il y a des dispo­
sitifs nouveaux qu’il faut expli­
quer », indique l’intersyndicale.
L’entourage de Gérald Darmanin,
ministre de l’action et des comptes

publics, assure qu’« il est normal à
cette période de l’année qu’il y ait
un peu plus de monde que le reste
du temps ». Mais à Limoges, par
exemple, « le rythme est de
1 200 appels par jour, explique Ar­
naud­Guilhem Fabry, élu CGT, et il
n’y a que deux personnes pour ré­
pondre. Elles ne peuvent prendre
qu’une centaine de communica­
tions par jour, soit 200 sur 1 200. Les
collègues croulent sous les mails. Il
nous est arrivé d’avoir une queue de
100 mètres sur le trottoir... »

« Destructuration des services »
Dans le même temps, le gouverne­
ment annonce de nouvelles sup­
pressions de postes de fonction­
naires à Bercy. Après avoir déjà
rendu plusieurs dizaines de mil­
liers de postes ces dernières an­

nées, la DGFIP devrait à nouveau
en perdre environ 2 000 en 2020.
Les syndicats dénoncent « une
énième saignée de 10 000 emplois
sur l’ensemble du quinquennat ».
Or, deuxième problème, la ré­
duction intervient dans un con­
texte de réorganisation générale.
Les syndicats parlent de « déstruc­
turation des services ». Au con­
traire, répond­on à Bercy, il s’agit
d’augmenter de 30 % d’ici à la fin
du quinquennat le nombre de
« points de contacts ». M. Darma­
nin avait présenté les grandes li­
gnes de ce chantier lors d’un dé­
placement dans le Limousin, en
mars. Entre 2007 et 2017, 1 200
centres des impôts ont été suppri­
més, a­t­il rappelé. Parce que, se­
lon lui, le système est « à bout de
souffle », il a affirmé vouloir « ar­

rêter le jeu de massacre » et « faire
autrement ».
La proposition de réorganisa­
tion consisterait à rassembler cer­
tains agents pour gérer les tâches
administratives quand d’autres
iraient sur le terrain répondre aux
questions des contribuables. « Au
plan national, les services de la
DGFIP seraient ainsi présents dans
2 600 communes, soit environ
700 de plus qu’aujourd’hui », a
promis le 6 juin le ministre des
comptes publics au président de
l’Association des maires de
France, François Baroin, dans un
courrier. « Que met­on derrière le
terme de point de contact ?, inter­
roge M. Fabry. Dans certaines
communes, cela se résume à une
vignette qui dit “On viendra quand
on sera disponible” ou “vous avez

ici un ordinateur à votre disposi­
tion pour aller sur le site impots.
gouv. fr”... La réorganisation est lé­
gitime, mais la méthode va à l’en­
contre de ce que veulent les gens.
Ils veulent des services publics plus
proches. Là, on les éloigne. » Dans
l’entourage du ministre, on tem­
porise. La nouvelle organisation,
tout comme les projets de fermer
certaines trésoreries, sera « le ré­
sultat de la concertation » lancée
avec les élus et qui doit s’achever
en octobre.

Les élus exaspérés
Or sur ce point, les élus, exaspérés
par la lente disparition des servi­
ces publics, sont à fleur de peau.
Toujours dans le Limousin, certai­
nes communes ont adopté des
motions. Le 24 mai, le conseil mu­

nicipal de Sainte­Anne­Saint­
Priest (Haute­Vienne) a voté un
texte qui « s’oppose sans réserve au
projet de fermeture du centre des fi­
nances publiques d’Eymoutiers » et
« condamne fermement cette nou­
velle vague de démantèlement des
services publics en milieu rural ».
Dans la motion adoptée par la
commune recomposée Val­d’Is­
soire, le premier adjoint, Jean­Paul
Barrière, s’emporte contre « les
hauts fonctionnaires hors sol de
Bercy » et prévient : cette réorgani­
sation risque d’avoir « pour consé­
quence “Aux armes, citoyens”, un
air connu mais qui débouchera sur
l’inconnu ». Une mise en garde qui
a toutes les chances d’inquiéter un
gouvernement à peine sorti du
mouvement des « gilets jaunes ».
benoît floc’h

Le maire de Lyon, Gérard Collomb (à gauche), et le président de la métropole, David Kimelfeld, le 8 juillet. PHILIPPE DESMAZES/AFP

A l’un la mairie,
à l’autre la
métropole?
« Personne
ne peut prédire
ce qui peut se
passer », résume
un élu lyonnais

Mais Kimelfeld comme Collomb
voient le danger venir d’ailleurs.
En rassemblant 21 % des voix à
Lyon, la liste écologiste menée par
Yannick Jadot a battu ses records
aux européennes. Le signe d’une
sensibilité accrue aux sujets écolo­
giques dans une agglomération
touchée par la pollution et les cani­
cules à répétition.
Fortes de plusieurs milliers de
participants à chaque édition, les
marches pour le climat mobilisent
de façon spectaculaire. « C’est le si­
gne d’un mouvement de fond qui
réclame du changement, la région
lyonnaise peut devenir un vrai mo­
dèle de transition écologique à
l’échelle humaine », s’enthou­
siasme le vice­président à la mé­
tropole, Bruno Charles. L’élu lyon­
nais affirme : « Les écologistes se
préparent, ils vont désigner un can­
didat à la rentrée, pas pour se regar­
der dans le miroir, mais pour don­
ner un horizon. Aux prochaines
municipales, tout peut arriver! »
richard schittly
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